Médias : Théâtre animé
Société

Médias : Théâtre animé

Vous pensez que les téléthéâtres sont ennuyants, statiques et verbeux? Détrompez-vous: depuis quelques années, les diffuseurs ont offert des adaptations vivantes de quelques pièces récentes, dont Motel Hélène, Don Quichotte et Albertine, en cinq temps. Le saviez-vous? Malheureusement, on diffuse ces productions en fin de soirée, ce qui réduit considérablement leur impact.

Mais d’où vient cette attitude rébarbative envers le téléthéâtre? Il suffit de regarder du côté d’ARTV pour comprendre. Chaque semaine, la chaîne culturelle remet à l’antenne les meilleures productions, diffusées à l’époque par Radio-Canada. Entre les années 50 et 80, la société d’État a produit plus de 200 adaptations de pièces. Avec les moyens du bord, on faisait découvrir au public les textes les plus percutants du répertoire québécois et étranger. Bien sûr, le jeu des comédiens est souvent magistral, mais la lourdeur des productions peut facilement rebuter le plus motivé des téléspectateurs. Aujourd’hui, il faut que ça bouge: difficile d’intéresser les gens à des acteurs récitant leur texte dans des décors en carton-pâte.

Si vous avez encore en tête cette image quelque peu surannée, on vous conseille l’adaptation fort réussie d’Hôtel des Horizons (le 18 novembre, à 21 h 30, à Télé-Québec). Joué l’an dernier à Québec, à Montréal et au Bic, ce texte touchant de Reynald Robinson vous convaincra qu’on peut transposer avec dynamisme une pièce de théâtre au petit écran. Dans un village de Gaspésie, un prostitué de 17 ans (Maxime Denommée) débarque dans un hôtel abandonné pour y panser ses blessures. Au contact d’une famille meurtrie également, il prendra conscience qu’il n’est pas tout seul à souffrir. Dans cette pièce, l’interprétation de tous les comédiens est magnifique: Louison Danis et Pierre Collin en tête. Mais ce qui se démarque vraiment, c’est la réalisation inventive de Marc Cayer, qui a déjà mis en images l’an dernier Trick or Treat de Jean-Marc Dalpé. Par l’utilisation de trucs simples, comme des images en accéléré, des plans très rapprochés et un montage serré, il évite les écueils de la transposition. On regrette cependant quelques moments plus figés, mais vu la difficulté de la tâche, on passera l’éponge. Tournées à Sainte-Anne-des-Monts, les scènes extérieures ajoutent beaucoup à l’intensité dramatique de l’oeuvre. Dans la pièce, on parle constamment de la mer; ici, on la voit, et elle y tient même un rôle important: elle donne le ton en montrant les humeurs vécues par les personnages. Elle est calme quand tout va bien, et se déchaîne quand les drames se pointent. Doit-on ajouter que certaines images sont à couper le souffle.

Avis aux diffuseurs: après la réussite d’Hôtel des Horizons, on espère sincèrement que ce genre d’initiative se reproduise de plus en plus. Et qu’on mette à l’antenne ces productions à une heure de grande écoute, pour que le plus possible de gens puissent être eux aussi émus.

Le jazz pour les nuls
L’hiver dernier, PBS a diffusé l’excellente série documentaire Jazz, réalisée par Ken Burns, qui a produit auparavant des séries sur le base-ball et sur la guerre civile américaine. Cette oeuvre imposante de 19 heures sera maintenant présentée en français sur les ondes de Télé-Québec. Si ce documentaire a attiré son lot de louanges, dans le milieu du jazz, certaines personnes n’ont pourtant pas été tendres envers le travail colossal de Burns. On a reproché au réalisateur d’avoir omis certains jazzmen importants (dont Charles Mingus, Wayne Shorter et Archie Shepp); d’avoir favorisé Louis Armstrong au détriment d’autres musiciens; et d’avoir trop centré son propos sur celui du trompettiste Wynton Marsalis, qui apparaît régulièrement dans le documentaire. Peut-être que Burns a, en effet, tourné les coins un peu ronds; mais après avoir visionné deux épisodes, on s’aperçoit clairement que cette série s’adresse aux amateurs moyens et aux néophytes. Et pourquoi pas, si cela permet d’initier le public à une histoire passionnante, qui s’étale sur deux siècles. Cette série regorge donc d’anecdotes, d’images d’époque et d’extraits des pièces les plus marquantes. À ne pas manquer. Dès le 19 novembre, à 21 h.

Si j’avais un char…
Avec les années, le placement de produits se fait de moins en moins subtil dans les séries et les films québécois. Même Pierre Falardeau s’en est servi dans l’insipide Elvis Gratton 2, qui était justement diffusé ce week-end. Mais depuis deux semaines, Cauchemar d’amour (jeudi à 20 h, TVA) atteint des sommets inégalés dans ce domaine. Pendant un épisode complet, l’hystérique Anne, jouée par Marina Orsini, et son entourage tentaient de retrouver le mystérieux "gars à la Corolla verte". Grâce à cette situation tirée par les cheveux, on a mentionné une dizaine de fois le produit en question. Les scénaristes ont donc transformé ce placement en running gag, pour essayer de faire avaler la pilule plus facilement. Est-ce que les producteurs prennent les téléspectateurs pour des idiots à ce point? Tiens, tant qu’à pousser la logique, on aurait pu faire commanditer les nombreuses crises de nerfs de Marina par Relaxol. Ça ne lui ferait sûrement pas de tort.

À mort la mort!
On souligne rarement le bon travail de l’équipe de Zone libre (vendredi à 21 h, Radio-Canada), qui présente régulièrement des reportages d’excellente qualité. Cette semaine, Jean-François Lépine et le réalisateur Georges Amar ont suivi Ingrid Bétancourt, une sénatrice colombienne au franc-parler, qui a décidé de combattre la corruption et les cartels de la drogue, au péril de sa vie. Malgré les menaces de mort et un attentat raté, cette femme issue d’une famille bourgeoise espère maintenant se faire élire comme présidente du pays. Un parcours vraiment fascinant.