Société

Monsieur le ministre

Lors du remaniement ministériel de mardi dernier, Bernard Landry, convaincu que le ridicule ne tue plus personne, a tout de même failli faire une victime parmi les membres de son  cabinet.

Lors du remaniement ministériel de mardi dernier, Bernard Landry, convaincu que le ridicule ne tue plus personne, a tout de même failli faire une victime parmi les membres de son cabinet.

Le chef des troupes indépendantistes en déroute a inventé un nouveau ministère et créé une fonction pour le moins prestigieuse:

ministre de l’Eau.

De l’eau, rien de moins.

Rassurons-nous, ce nouveau titre ne viendra pas alourdir les sommets d’un appareil gouvernemental où les titres ronflants dissimulent mal des complexes de colonisés, puisque la fonction sera cumulée par notre actuel ministre de l’Environnement. Pour l’instant…

Ministre de l’Eau, c’est assez débile, mais tout de même plus rafraîchissant que ministre d’État à la Solidarité sociale, un titre hérité de la longue tradition politique de la langue de bois qui dissimule assez bien les préoccupations d’une société aux prises avec un des plus hauts taux de chômage en Amérique du Nord. Ministre du B.S. n’aurait pas fait très chic.

Alors que l’État québécois devrait accoucher dans quelques semaines d’une politique de l’eau, on s’est dit que dans ce pays où les industries polluent sans grand risque et où un marchand de charogne empeste ses voisins durant 30 ans sans pogner la moindre amende, la ressource naturelle dont nous disposons en abondance méritait bien, à défaut d’un chien de garde, un comptable pour exporter, vendre et accumuler les bidous.

Pas de problèmes. On sait depuis longtemps que le ministère de l’Environnement comme celui des Ressources naturelles sont avant tout vendus aux mécaniques de la rentabilisation. Notre ministre de l’Eau va pouvoir veiller à garder le robinet ouvert pour nos amis américains.

On saura dans quelques jours si l’État québécois, attiré par le fric, penche réellement pour une privatisation ou une commercialisation de l’eau sur son propre territoire.

En tout cas, il y a de fortes chances qu’une législation, quelle qu’elle soit, sonne avant longtemps la fin de la gratuité de la substance pour le simple citoyen. Et c’est ainsi que, comme c’est le cas pour l’électricité, une fois de plus, le Québécois se retrouvera à payer pour ce que M. Landry ose appeler nos richesses collectives. Des richesses collectives que l’on revend à prix d’or à leur propriétaire. De chouettes richesses collectives dont la facture mensuelle appauvrit individuellement des dizaines de milliers de Québécois. Quand ils ne se font pas tirer le gros breaker chaque printemps, par un adepte de la secte Hydro-Québec.

Remarquez, dans bien des pays civilisés, comme la France et le Royaume-Uni, les citoyens se font déjà facturer leur consommation d’eau potable sans rechigner. Ce qui, soit dit en passant, explique peut-être pourquoi les Français ont résisté durant un siècle à l’installation de toilettes dignes de ce nom dans leur propre pays. Évidemment, eux n’en ont pas des milliards de litres comme nous… qui n’hésitons pas à la laisser couler, l’été, pour qu’elle soit bien frette…

N’empêche, ce phénomène d’hyperspécialisation gouvernementale rendu nécessaire par la policisation, le contrôle, dont nous sommes victimes dans tous les champs de notre existence, a de quoi faire réfléchir.

Il n’y aura bientôt plus moyen d’aller à bicyclette sans prendre un cours de conduite obligatoire. Et ce jour-là, il faudra bien un ministre du Dérailleur pour y veiller.

D’ailleurs, soucieux de prendre les devants en matière de politique sociale et de faire du Québec la société progressiste qu’elle prétend être, je soumets aux élus une liste de priorités en ce sens.

D’abord, pour faire suite aux intentions d’Agnès Maltais, qui voulait, paraît-il, rendre l’allaitement maternel obligatoire, je suggère la création du ministère des Matières fécales, dont les experts légifèreront désormais sur la quantité de merde permise dans une journée à un nourrisson de moins de sept livres.

L’État veut émettre des permis aux danseuses cochonnes pour contrôler la business un poil louche? Pourquoi ne pas créer tout de suite un poste de ministre de la Danse à 10. Parions que cette fois-ci, les prestigieux candidats du monde des affaires se presseront aux portes des partis.

En matière d’agriculture, je suggère la création pure et simple du ministère des Vraies bonnes pétakes pilées. En plus de légiférer sur la consistance de la purée, il verra à établir une taxe sur la patate en poudre Shiriff. Justes représailles contre les mesures protectionnistes américaines appliquées sur le bois d’oeuvre canadien. Oil pour oeil, dent pour dent.

Bien sûr, les puissants tenteront d’influencer les hautes sphères de la législation. Déjà, on chuchote que le ministre des Vidanges aurait été vu chez Serge Bruyère en compagnie de l’agent Glad. Que le ministre du Gazon conduirait une rutilante Lawn-Boy avec chauffeur pour se rendre à sa résidence d’été. Acclamons donc la sagesse du ministre de l’Épilation, qui, devant la confrontation de Neet et Gillette, a choisi de nationaliser l’électrolyse.

Mais j’y pense. Avec l’hiver à nos portes et ce froid précoce, les responsabilités du ministre de l’Eau s’étendent-elle au-dessous de zéro ou la neige et la glace sont-elles, au même titre que le Père Nowell, des champs de compétence fédérale?