Société

Reprise de faillite

Claude Brochu, ex-PDG mal-aimé des Expos de Montréal, a patiemment attendu le pire, avant de publier opportunément une biographie de ses années de règne à la barre du club de Coco  Laboy.

Claude Brochu, ex-PDG mal-aimé des Expos de Montréal, a patiemment attendu le pire, avant de publier opportunément une biographie de ses années de règne à la barre du club de Coco Laboy.

Quoique Brochu admette sur toutes les tribunes téléphoniques que des dizaines d’erreurs de gestion – dont les siennes – ont peu à peu mené les Expos dans la tombe, le bonhomme lave tout de même, à qui mieux mieux, son gros linge sale.

Pas une critique sur le liquidateur Jeffrey Loria et ses manoeuvres de destruction.

Des médias pessimistes et, surtout, un premier ministre désintéressé et non interventionniste auraient, selon lui, contribué à la perte des Expos. Encore! You bet!

Ce discours, les Québécois l’ont déjà entendu de la bouche de tous les Marcel Aubut de la terre.

Oui, nous avons tous subi, enduré les infectes jérémiades de ces pétulants hommes d’affaires qui, parce que leur business est dans le trou, réclament des gouvernements des fonds qu’ils n’osent pas eux-mêmes risquer…

Même si elle ne fonctionne pas toujours, la recette du succès est simple.

Voyons voir…

Offrez-vous une entreprise bien voyante dans un secteur fragile de notre économie. Faites-la passer pour un irremplaçable trésor national. Puis annoncez en conférence de presse que, compte tenu de la concurrence étrangère et de la faiblesse du dollar, sans investissement public vous allez crever à petit feu. Inventez de vaseuses statistiques sur les incalculables retombées de votre entreprise dans le monde de la restauration et du tourisme. Jouez sur la fierté et la fibre nationale. Passez go vers votre condo aux Bahamas en ramassant les bidous gouvernementaux déguisés en partenariat avec une société d’État. Et lorsque, deux ans plus tard, vous déclarez faillite, affirmez très fort que, de toute manière, il n’y avait plus rien à faire. Voilà comment fourrer tout le monde… et d’abord l’État-poisson le plus légalement du monde.

Parlons du syndrome Davie Ship Building: même cause même combat.

Entendez-vous ses cris? Sur la Rive-Sud, le président du syndicat du Titanic réclame des kleenex pour sécher ses larmes et colmater les fuites de son chantier pendant que l’iceberg l’entraîne irrémédiablement par le fond. Ses cris et gesticulations ajoutés au sang des suicidés qui ont perdu leur job attirent les requins de la finance. Des Bernard Tapies en herbe, des Jeffrey Loria, des pseudo-redresseurs d’entreprises, des pilleurs de cadavres déguisés en sauveurs. Personne ne vérifie la réputation du messie lorsqu’il faut ressusciter Lazare du tombeau.

Et l’on accorde crédit à des cassés qui hypothèquent à deux cents pour cent leurs investissements d’un dollar.

Des pégreux qui, après avoir profité des subventions pour rationaliser leurs dépenses, vont profiter de la première distraction du comptable pour retirer les derniers organes du cadavre. Ou transférer l’équipe en Floride.

Et puis, lorsque le bateau coule, quelqu’un quelque part se pousse avec les restants de la caisse… Bonsoir, elle est partie… Parlons d’autre chose. On sait désormais que, pour Kenworth, il aurait été plus économique de verser 150 000 dollars à chaque travailleur sur cinq ans. Ce qu’on a surtout subventionné, ce sont les profits de l’entreprise.

Heureusement, les Expos ne représentent aucune de ces perspectives électoralistes qui justifieraient que des millions s’envolent vers les z’États.

Évidemment, personne ne tente de poursuivre au civil ces profiteurs qui, de par le monde, se sont enrichis grâce aux subventions nationales ou provinciales en sol canadien. Et qui n’ont finalement jamais rempli leurs promesses.

Ce serait admettre notre propre incurie. Il faut pourtant être particulièrement stupide pour ne pas comprendre que les cadavres d’entreprise dont personne ne veut plus n’attirent que des charognards qui ne leur veulent aucun bien. Faut dire que l’on risquerait peut-être parfois de trouver parmi eux des amis golfeurs assez proches du pouvoir…

Le Québec est-il devenu une république de bananes pour encourager un tel pillage…