Droit de cité : La fin de Guy Bertrand?
Société

Droit de cité : La fin de Guy Bertrand?

This is the end
My only friend, the end…

Si les démarches devant la Cour suprême des 13 villes récalcitrantes aux fusions forcées avaient été un film comme Apocalyspe Now, c’est aussi sur cette pièce des Doors que se serait déroulé l’épilogue. Avec comme dernière scène Me Guy Bertrand s’approchant au ralenti des micros des médias à la sortie de la Cour, le visage jaune-orange de colère, et qui, sous le "tchop-tchop-tchop" du ventilo au-dessus de sa tête, annonce: "C’est la fin du Canada."

La fin du Canada, parce que la plus haute cour a refusé d’entendre sa cause, celle de la Ville de Baie-d’Urfé, et de 12 autres municipalités. Elle a probablement refusé parce que les tribunaux ont toujours convenu que les provinces avaient tous les droits sur les municipalités. Surtout celui de vie et de mort. C’est dans la Constitution.
Alors, en quoi respecter la Constitution signifie-t-il la fin du Canada? Selon Me Bertrand, le Canada est une nation de minorités qui doivent être protégées, et les fusions municipales au Québec ont un dessein de nettoyage ethnique envers l’une de ces minorités. "Ailleurs dans le monde, les gens fuient dans les montagnes…", avait-il déjà laissé tomber.

Et il ajoute, comme preuve de la justesse de son argumentation: "Si des villes francophones avaient disparu dans la fusion du grand Toronto, le Québec serait aujourd’hui séparé du Canada." Autrement dit, les Canadiens anglais sont tolérants, patients, et remplis d’abnégation, tandis que les Québécois francophones sont essentiellement réactionnaires: tu leur donnes une petite "pichnotte" d’amour, et ils te répondent par un coup de massue sur la gueule.

Malgré tout le respect que je dois aux gens qui se préoccupent de l’avenir de leur communauté, et Me Bertrand, à qui je ne dois rien du tout – sauf le p’tit rayon de soleil de la Floride que m’apporte sa belle fraise bronzée chaque fois qu’elle apparaît à l’écran -, ou bedon ce gars-là fait du droit du show-business, ou bedon il est foncièrement malhonnête. Ou bedon il dit des sottises qui sont prises pour parole d’évangile, ou bedon il commet sciemment de la fraude intellectuelle.

S’il y avait eu une ville francophone…
À ce compte-là, il y a belle lurette en effet que le Québec serait indépendant. Depuis 1972 au moins. À cette époque, où le nationalisme québécois bouillonnait, les francophones de l’Ouest perdaient le seul petit lopin de Prairie où ils avaient un peu de pouvoir. Sous le coup d’un simple décret provincial, le Unicity, Winnipeg avalait toutes les municipalités environnantes, dont la petite ville de Saint-Boniface.

Dire que Saint-Boniface est aux francophones hors Québec ce que Westmount est aux Anglo-Québécois est un euphémisme. Dans les vieux manuels vantant les vertus de l’océan jusqu’au suivant, on nous présentait Saint-Boniface comme une sorte de Mecque du fait français au Canada. Un peu plus et on aurait prétendu que les Canadiens français se levaient le matin en entonnant Gens du pays tournés vers 49°53′ de latitude nord et 97°05′ de longitude ouest.

De Saint-Boniface, où les francophones formaient plus du tiers de la population de la ville, ils se sont retrouvés dans un ensemble de 700 000 habitants où ils ne représentaient plus que des miettes de rien. La ville de Saint-Boniface a été remplacée par un "comité communautaire". La loi régissant la nouvelle ville ne garantissait plus que des services bilingues dans certains secteurs de l’ancien territoire de Saint-Boniface. De plus, cette fusion forcée est survenue moins de deux ans après l’adoption de la loi 113 qui accordait le droit à l’enseignement en français, langue à peu près bannie au Manitoba depuis 1896. Bref, ils ont reçu dans une main ce qu’on allait leur enlever dans l’autre.

Même phénomène à Ottawa l’an dernier, où des villes considérées comme des refuges pour francophones ont été emportées par la vague de fusions. Par exemple, l’ancienne ville de Vanier, où les francophones forment une minorité plus importante que les anglophones dans l’arrondissement bilingue de Saint-Laurent à Montréal, a été transformée en simple quartier sans statut linguistique, sans aucun pouvoir, comme en jouissent les arrondissements officiellement bilingues de Montréal. La grande ville d’Ottawa a aussi failli perdre son statut bilingue acquis en 1982. Mais après avoir entendu quelques croix crépiter, les élus municipaux ont finalement craint pour la réputation de la ville, et ont assuré des services en français "là où le nombre le justifie", selon la bonne vieille formule consacrée.

Alors, faudrait pas charrier. La mort du Canada… si tel est le cas, il est mort-né en 1867, ce Canada.

Exode des jeunes
En réaction au sujet de la semaine dernière, où j’évoquais la possibilité que l’exode des jeunes des régions explique une partie de la pénurie d’apparts à Montréal, Benoît Vigneault, un membre de la diaspora abitibienne, m’écrivait ceci: "Récemment, on a organisé une soirée pour tous les Abitibiens qui demeurent à Montréal, et il y avait plus de 300 personnes entre 18 et 25 ans environ! (…) Pas surprenant qu’il n’y ait plus de logements à louer à Montréal, c’est presque une maison sur deux qui est à vendre ou à louer à Rouyn!" En revanche, elles ne coûtent pas cher…