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Violence en Israël? : À quand la paix?
Une nouvelle et grande flambée de violence en Israël défraie actuellement la chronique. Une fois de plus. C’est à se demander si le conflit entre Juifs et Palestiniens aboutira enfin à un accord de paix entre les deux communautés… À Montréal, le groupe Palestiniens et Juifs Unis tentent de prouver que la cohabitation est bel et bien possible. Vraiment?
Georges Boulanger
Photo : Victor Diaz Lamich
Longtemps, les fans de hockey de Montréal et de Québec étaient partenaires dans la construction de la plus grande dynastie que le hockey, et même le sport professionnel, ait jamais connue. Les jeunes Jean Béliveau et Jacques Plante ont fait leurs classes avec les As et les Citadelles de Québec avant d’aller donner une leçon de hockey au reste du monde avec le Canadien de Montréal.
Puis, il y a eu les Nordiques, la rivalité et même la haine. Quand les Nordiques ont quitté pour Denver, plusieurs partisans ont juré que jamais ils ne redeviendraient des partisans des Habs. Jamais. Pas après tout ça.
Qu’est-ce que les Citadelles de Québec ont à voir avec un article sur Israël et la Palestine? Demandez à Redzeq Farouj, ancien partisan des Nordiques né en Palestine, et son ami Bruce Katz, juif et partisan des Canadiens. Ils se connaissent depuis 26 ans. Ils enseignent tous deux dans une polyvalente de la Rive-Sud, et leur amitié à survécu sans véritable difficulté à deux Intifadas, des milliers de morts, des dizaines d’attentats suicides et autant de ripostes de l’armée Israélienne. "On n’a même jamais eu de discussion sérieuse, insiste M. Katz. Vraiment, les seuls différents qu’on a eus, c’est parce qu’il prenait pour les Nordiques et moi pour les Canadiens!"
Quand le deuxième Intifada a débuté l’année dernière, les deux enseignants ont fondé le PAJU, Palestiniens et Juifs Unis, pour prouver au monde que les fils d’Isaac et Ismaël pouvaient véritablement s’entendre. "Les Israéliens et les Palestiniens ont travaillé ensemble avant l’Intifada, explique Farouj. Nous sommes tous humains, et c’est possible d’être des bons voisins. Les Juifs et les Palestiniens doivent pouvoir vivre ensemble."
Avec le cercle vicieux des attentats terroristes et des ripostes militaires qui s’emballent, encore une fois, depuis quelques semaines, il y a pourtant des gens qui commencent à sérieusement en douter de cette hypothétique cohabitation pacifique des Juifs et des Palestiniens.
Cercle vicieux
Depuis la création de l’État hébreu, il y a eu des Palestiniens et des Israéliens pour s’accuser mutuellement de vouloir la destruction de l’autre. Même dans les moments où la paix semblait possible, comme au moment de la célèbre poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1993, il se trouvait toujours des gens pour crier au guet-apens, comme si la confiance entre les deux peuples était impossible.
Une attitude personnifiée par Ariel Sharon, selon Samir Saul, professeur d’histoire et de relations internationales à l’Université de Montréal. "Son attitude, c’est comme de dire: "J’ai commis un crime. Celui contre qui j’ai commis un crime dit qu’il me pardonne, mais je ne peux pas le croire parce que j’ai effectivement commis un crime.""
Cette fois-ci, la reprise des hostilités est sérieuse. Ce qui restait de bonne volonté semble s’être évaporé sous le soleil de la Terre sainte. Le gouvernement israélien a ouvertement souhaité (avec l’appui tacite des Américains) le départ de Yasser Arafat. Il l’accuse de tenir un double discours, de brandir sa branche d’olive à CNN et sa kalachnikov à Al-Jazira. Les livres d’école distribués par l’autorité palestinienne seraient haineux envers les Juifs. L’objectif final du récipiendaire du prix Nobel de la paix serait toujours la destruction de l’État d’Israël.
De l’autre côté, les Palestiniens répètent à tous ceux qui veulent l’entendre que le premier ministre israélien Ariel Sharon est un criminel de guerre et un idéologue militariste qui ne souhaite rien de moins que le renversement d’Arafat par les extrémistes islamistes du Hamas afin de justifier l’annexion violente et définitive de la Palestine. Si l’on ajoute à la recette "l’homme de la rue" musulman qui vient de se taper un mois de bombardements américains en Afghanistan, tous les ingrédients sont là pour un état de guerre quasi permanent au Moyen-Orient.
"C’est exactement ce qui risque de se produire, croit M. Saul. C’est une situation bien dangereuse. L’effondrement de l’autorité palestinienne signifie que le sang qu’on a vu ces derniers jours n’est rien à comparer à ce qui est à venir."
Pour cette raison, Bruce Katz et Rezdeq Farouj souhaitent que les Américains ou une force internationale s’interpose entre les Israéliens et les Palestiniens avant qu’il ne soit trop tard. "Notre première demande est la séparation physique des belligérants, explique M. Katz. Ce n’est pas qu’on appuie Arafat. On le regarde. C’est le punching bag. C’est lui qui reçoit les coups de tous les côtés. Mais si on l’enlève, ça va donner des forces au Hamas et c’est ce que Sharon veut."
Mais où sont passés les modérés? Il doit bien y avoir des gens qui se situent entre le Hamas et Sharon? M. Katz et M. Farouj citent de nombreux sondages qui confirmeraient que la majorité des Juifs appuient la création d’un État palestinien et que les Palestiniens reconnaissent l’État d’Israël. Mais pendant ce temps-là, les manifestations d’appui à Israël de la part de la communauté juive de Montréal attirent des centaines de participants, et pas plus tard que l’année dernière, on a pu voir un défilé d’Arabes brandissant le drapeau du Hezbollah sur Côte-des-Neiges…
"C’est toujours significatif quand des voix s’élèvent contre le tapage médiatique qui appelle au sang", estime le professeur Saul avant d’ajouter qu’il ne croit pas pour autant à la vague de fond. "C’est minoritaire. Mais les minorités sont annonciatrices d’un mouvement mal exprimé et mal canalisé. Il peut survenir une conjoncture où elles rallieraient la majorité."
"Nous avons fait un souper, le 28 octobre, et il y avait une cinquantaine de Palestiniens, une cinquantaine de Juifs et autant de Québécois, rétorque M. Farouj. Il y a une ouverture. Les gens commencent à croire en nos idées. Ça va prendre combien de temps avant que toutes nos communautés soient avec nous? Je ne sais pas, mais ça commence."
la paix des braves
La conjoncture dont parle M. Saul est arrivée, ajoute M. Katz. "Nous, on se connaît depuis 26 ans. Ce qui a fait qu’on a décidé d’agir, c’est le soulèvement du deuxième Intifada. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose de concret et on a fondé le PAJU."
Bruce Katz croit que les Israéliens et les Palestiniens pourront passer par-dessus l’histoire et la haine qui les consument depuis trop longtemps. "Au moment où on sera en mesure de négocier une véritable paix, ce qui passe par la création d’un État palestinien viable, il y aura tellement de joie qu’il va y avoir une explosion d’échanges culturels. C’est possible. Qu’on regarde les liens entre Israël et l’Allemagne, après tout ce que ces peuples ont vécu. Ou la relation entre les États-Unis et le Japon. Ce n’est pas normal. Les gens veulent vivre en paix. Si on leur donne une chance, on va voir comment ils vont s’y prendre!"
Ça fait au moins un Juif et un Palestinien qui, quelque part dans une polyvalente à des milliers de kilomètres du Moyen-Orient, auront réussi à passer par-dessus la méfiance et la haine.
Reste à savoir si les fans des Citadelles de Québec, redevenu le club-école du Canadien de Montréal, vont pouvoir passer par-dessus les vielles rengaines et continuer à supporter Mike Ribeiro maintenant qu’il porte les couleurs du tricolore…