Droit de cité : Esprit des Fêtes
Société

Droit de cité : Esprit des Fêtes

C’était la Dernière Cène lundi soir, à l’hôtel de ville. Une image de Pâques dans l’ambiance de Noël. Le messie des uns a donc veillé pour la dernière fois sur son conseil municipal. L’esprit aux Fêtes, l’opposition a joué les bons Ponce Pilate et laissé à celui qui, aux yeux de bien des Montréalais, demeurera "le maire Bourque" toute la place nécessaire pour faire ses adieux au pouvoir.

Fidèle à lui-même, Pierre Bourque a mis en application sa philosophie de vie (charité bien ordonnée commence par soi-même) et s’est largement félicité de ses sept années au trône de Montréal. Autres fidèles et apôtres l’ont applaudi à tout rompre, ovation debout, comme le veut la tradition québécoise chaque fois que n’importe quel twit termine un tour de piste sous les feux de la rampe, bon comme minable. Même certains membres de l’opposition, les vieilles croûtes du défunt Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), se sont laissé prendre au jeu, mais on ne sait trop s’ils acclamaient son engagement ou déliraient sur son départ.

En somme, le défait Pierre Bourque a fait une profession de foi en Montréal. Montréal est grande, Montréal est redevenue grande, parce que je suis grand. Alors, aimez-la, cette ville.

On apprenait aussi cette semaine que Pierre Bourque avait poursuivi son ouvre débridée en urbanisme jusqu’au bout en permettant il y a deux semaines la destruction du manoir Redpath, au pied de la montagne, malgré la promesse du contraire. Ou, du moins, avait-il promis de ne rien laisser faire jusqu’à ce que la nouvelle administration municipale soit en place.

Comme toute est dans toute, le manoir Redpath symbolise les sept ans d’incurie et de manque de vision total de son équipe en matière d’urbanisme et de protection du patrimoine. Sept ans à donner aux promoteurs immobiliers le loisir d’enfreindre les règlements municipaux, à les laisser abandonner des lieux patrimoniaux jusqu’à ce que leurs condos sans valeur deviennent la seule solution acceptable.

Mais plus que le départ de Pierre Bourque, c’est la disparition de l’actuelle Ville de Montréal qui a fait de cette dernière assemblée du conseil un événement historique. Ce qui existait officiellement depuis 1837 a, dans une certaine mesure, cessé d’exister lundi soir. Oh! ne vous inquiétez pas, la Ville administrative continuera d’exister jusqu’au 31 décembre, 23 h 59, ce qui nous assure l’enlèvement des ordures et le déneigement jusque-là. Après, c’est une sorte d’inconnu qui nous attend.

Deux mille un
Une revue de l’année? Ceux qui ont la mémoire longue se rappelleront que je l’ai déjà faite, le 4 janvier dernier. Une revue de l’année anticipée, parce que je soutiens qu’il n’y a pas de meilleure façon de démarrer une nouvelle année que d’en finir tout de suite avec celle-ci.

Rétrospectivement, force est d’admettre que je me suis fourré. Un peu. Stockwell Day n’a pas refusé de se prononcer sur l’exil en Ontario du maire de Westmount, Peter Trent, en déclarant: "Je le je vous le nous tu voudrais que pas." C’est qu’il n’y a pas eu d’exil. Mais il a bien déclaré, le lutin du Far West: "Je le je vous le nous tu voudrais que pas", puis a démissionné. Et Peter Trent n’a visiblement pas été impressionné par l’Ontario lors de son passage pour l’audition de la cause des fusions en Cour suprême au début du mois, parce qu’il est revenu. Et Pierre Bourque n’a pas non plus été réélu par la magie du fractionnement du vote. Mais c’est passé si près, quand même…

Cadeaux des Fêtes
Moment historique, donc, mais pas juste pour la Ville de Montréal. Côte-Saint-Luc disparaîtra aussi. Pour marquer le coup, les membres du conseil municipal ont approuvé à leur dernière séance, au début du mois, une résolution qui renomme sept parcs et édifices municipaux… en leur propre honneur! Six parcs porteront désormais les noms de Ruth Kovac Park, Richard Schwartz Park, Glenn J. Nashen Park, Isadore Goldberg Park, Mitchell Brownstein Park et Allan J. Levine Park, tous de distingués membres du conseil municipal de Côte-Saint-Luc, bien vivants. L’édifice de l’hôtel de ville s’appellera désormais le Harold Greenspon Auditorium. Même le parc Sir Walter Scott, honorant la mémoire de l’auteur du classique de la littérature écossaise Ivanhoe, s’est fait débaptiser au profit de cette illustre inconnue qu’est Isadore Goldberg. (Incidemment, Ivanhoe raconte comment le roi Richard Cour de Lion a sauvé l’autonomie de son petit royaume contre les assauts des méchants Normands au début du dernier millénaire. C’est ben pour dire.)

D’ordinaire, la Commission de toponymie du Québec recommande un délai d’un an après la mort de l’illustre individu avant qu’on renomme un lieu en son honneur. Certains se sont vu immortaliser plus rapidement, comme René Lévesque pour son boulevard, Robert Bourassa pour son complexe hydroélectrique, et Jean Drapeau pour ses îles artificielles. Mais là, on n’a pas affaire à des deux de pique de la politique provinciale, mais à des hommes et des femmes qui ont présidé la mort de ce phare de la civilisation occidentale qu’est Côte-Saint-Luc. Alors, à tout seigneur, tout honneur. Bravo!