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Exploitation des enfants : Vente de jouets
En ces temps de réjouissance pour la plupart des enfants, il ne faudrait pas oublier le sort peu enviable de millions d’autres pris au piège du commerce sexuel. Un Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants s’est tenu la semaine dernière, à Yokohama (Japon), pour sensibiliser le monde à la problématique. Un phénomène abominable.
Steve Proulx
Photo : UNICEF
Pour nous, c’est Noël. Et pour beaucoup d’enfants, cette fête est synonyme de joie, de cadeaux et de vacances. Pendant ce temps, dans des maisons closes de Bangkok ou des haltes routières en Tanzanie, d’autres enfants doivent se plier aux bassesses sexuelles de touristes tordus. Dans les gares ferroviaires de Moscou, on force des fillettes à se comporter en prostituées au profit d’organisations criminelles.
Si on voulait actualiser le conte La Petite Fille aux allumettes, celle-ci serait probablement mourante sur un trottoir de Guatemala City et chercherait plutôt le réconfort dans les vapeurs de colle… Joyeux Noël.
Pour faire le point sur la situation mondiale actuelle quant à l’exploitation sexuelle infantile, l’UNICEF a récemment organisé un congrès mondial sur le sujet au Japon et produit, pour l’occasion, un volumineux rapport de 44 pages intitulé À qui profite le crime?. De ce rapport, on retient la première page: l’histoire de Rachel, une fillette de 12 ans qui travaillait dans une usine de cigarettes, en Albanie. Son amoureux, Stephan (29 ans), lui proposa de l’épouser et l’amena en Italie "pour vivre une vie meilleure". C’est là qu’il lui suggéra un jour de se prostituer. Douze ans… Rachel devait travailler sur une grand-route et rapporter 250 $ par jour, ce qui signifiait recevoir une dizaine de clients quotidiennement. Sinon, on la battait. Si l’histoire de Rachel n’était qu’un cas isolé, ce serait déjà un drame. Mais il n’en est rien. En Thaïlande, le commerce du sexe infantile et le tourisme qui en résulte représentent entre 10 et 14 % du PIB (produit intérieur brut). En Inde, de 400 000 à 500 000 enfants se prostituent.
Espoir lointain
Selon Lisa Wolff, directrice de l’éducation et de l’intervention pour l’UNICEF, "depuis 1996 (année du premier congrès sur l’exploitation sexuelle des enfants tenu Stockholm), il y a eu quelques progrès. Malgré tout, le nombre d’enfants exploités sexuellement croît d’année en année. C’est probablement dû à l’explosion du trafic d’enfants et à la facilitation des communications à travers Internet, particulièrement en ce qui concerne la pornographie infantile. Le commerce du sexe infantile est devenu une organisation criminelle extrêmement lucrative. Après le trafic de la drogue et des armes, c’est probablement l’industrie illicite la plus rentable."
On estime qu’environ 1 000 000 d’enfants intègrent le commerce de l’exploitation infantile chaque année. En Amérique du Nord, c’est plus d’un quart de million de mineurs qui se prostituent. Très peu d’entre eux en sortent vivants. La plupart se suicident, meurent battus ou des suites de maladies qu’ils auront contractées (VIH/sida).
Même si le nombre d’enfants exploités ne va pas en diminuant, on se réjouit des décisions et des projets qui ont été élaborés depuis 1996. Par exemple, les gouvernements d’un peu partout dans le monde se sont dotés de lois plus dures envers les exploiteurs d’enfants. L’Organisation internationale du travail avait, depuis 1982, une convention concernant la main-d’oeuvre infantile. Elle y a désormais annexé toute une section traitant de l’exploitation sexuelle des enfants.
Pour Lisa Wolff, "toutes ces initiatives ont créé un canevas pour plusieurs pays dans le but de renforcer la législation actuelle. Au Canada, par exemple, on a des lois extraterritoriales qui précisent qu’un Canadien qui irait dans un autre pays et qui abuserait sexuellement d’un mineur pourrait être poursuivi ici. Aussi, de nombreux pays ont transformé considérablement leur système judiciaire juvénile. Désormais, si les forces de l’ordre arrêtent un enfant impliqué dans des activités de prostitution, il sera traité comme une victime, et non pas comme un criminel."
"C’est un changement très récent, poursuit Lisa Wolff, les enfants ne choisissent pas d’être exploités. Même s’il existe un mythe entourant l’exploitation sexuelle qui dit que les enfants choisissent d’être dans cette industrie pour aider leur famille ou pour d’autres raisons inventées par les exploiteurs, nous savons que c’est faux."
La complexité et l’étendue du problème de l’exploitation sexuelle infantile sont à la base même de cette difficulté flagrante des gouvernements et organismes sociaux à empêcher que des histoires comme celle de Rachel existent encore, en 2001. L’identification des exploiteurs est complexe puisque ceux-ci s’étendent à travers divers réseaux: les passeurs, les recruteurs, les propriétaires de maisons closes, les pédophiles, et parfois même la famille immédiate.
Dans les villages du Nord de la Thaïlande, les familles seraient souvent enclines à vendre leurs fillettes aux recruteurs. La pauvreté extrême dans ces régions a fait de cette pratique une norme. Une famille peut recevoir jusqu’à 125 $ pour la vente d’une enfant. Assez d’argent pour rembourser ses dettes ou, pour les plus fortunés, pour subsister quelques années…
La mission de l’éducation
Des congrès internationaux comme celui de Yokohama sont importants, mais les décisions qu’on y prend nous laissent souvent sur notre faim. Nous sommes tous profondément touchés par l’horreur de la situation. Avec toutes ces images de déploiements militaires qu’on nous montre à la télévision par les temps qui courent, la colère nous fait presque espérer que George Bush envoie ses Rambos en mission spéciale pour sauver les enfants de cet enfer. Malheureusement, ce type de problème ne se règle pas avec des soldats.
L’UNICEF préconise des politiques plus réalistes, comme analyser précisément les facteurs locaux et régionaux qui se rapportent au commerce du sexe infantile. Où les enfants sont-ils exploités? Quelles sont les méthodes de recrutement? Déjà, on en vient à la conclusion que l’éducation joue un rôle essentiel dans ce combat. Selon le rapport de l’UNICEF, "l’éducation donne aux jeunes les moyens de se défendre et les aptitudes nécessaires pour modifier et améliorer leur vie".
Pour Lisa Wolff, ça n’éliminera pas la totalité du problème: "L’éducation va créer une résistance entre les familles et les exploiteurs. Par exemple, si un recruteur arrive dans un village et que les enfants ont appris l’existence de tels individus à l’école et qu’ils ont développé une estime d’eux-mêmes, il y aura plus de résistance. De plus, l’éducation veut donner l’heure juste aux familles. Quoi que disent les exploiteurs, elles sauront désormais que les fillettes ne sont pas engagées pour aller travailler comme serveuses ou encore dans une usine. L’éducation est réellement un antidote au problème. Elle peut aider à réduire un peu la "chaîne d’approvisionnement", mais ce n’est pas le seul moyen à utiliser. Renforcer les lois et améliorer les ressources humaines sur le terrain afin d’aider les jeunes à s’extirper du milieu et à retrouver une vie normale sont autant de projets que nous devons mettre en oeuvre."
Sortir les enfants de ce manège horrible n’est d’ailleurs pas une mince affaire. Même si des organismes sont en place sur le terrain, les enfants sont souvent très suspicieux face ceux-ci. La plupart ont été trahis par tous les adultes qu’ils ont rencontrés et ne font plus confiance à personne. Et c’est probablement le plus grand défi à relever dans ce monde: convaincre ces enfants qu’on a détruits qu’il existe des gens qui les aiment… vraiment.