Le Sommet
Visiteurs inquiétants, mesures de sécurité parfois démesurées, citoyens des quartiers centraux assiégés. Personne d’autre que Jacques Ménard et Jean Chrétien n’oserait qualifier de réussite ce sommet où manifestations et émeutes ont monopolisé l’attention. Et si beaucoup s’entendent pour dire que ce fut, compte tenu des circonstances, un moindre mal, outre de persistantes traces de gaz, un seul consensus s’en dégage encore: Ici? Plus jamais.
François Desmeules, Nicolas Houle
Photo : Erick Labbé (photo principale et L'Alllier)
Jean-Paul L’Allier, maire de Québec
"Au départ, le sommet qu’on avait initialement envie d’accueillir était un événement international plutôt calme et positif. C’était avant Seattle. Après, c’est devenu autre chose.
"Je pense que, dans les circonstances, on a fait du mieux qu’on a pu. Et que, compte tenu de l’évolution de ce genre de situation, Québec s’en est très bien tirée. En ouvrant, par exemple, une tribune publique pour ceux qui voulaient s’exprimer en parallèle du Sommet, on a enlevé de la pression. Il n’y a pas eu de morts et de graves blessés et, même si ce genre de situation est assez spectaculaire, au total ç’a été moins dommageable que ce qu’on a vu ailleurs. Il faut en donner crédit aux groupes qui ont accueilli des manifestants et aussi à ceux qui ont demandé que la ville soit protégée dans ses habitations, ses commerces.
"Je ne serais pas disposé à accueillir un autre sommet du genre. Nous ne sommes pas une ville faite pour ça…
"J’imagine que si on a voulu se réunir à Québec, c’était pour la beauté de la ville, son côté historique. Or, personne n’y a accès dans une rencontre formelle comme celle-là. Alors chaque fois qu’il y aura une rencontre-événement qui exigera que la ville ne se ressemble pas… Non!
"Économiquement, nous serons remboursés pour les frais supplémentaires de police et nous avons accompagné la démarche de ceux qui estiment avoir subi des pertes.
"Pour ce qui est du commerce à court terme, il y a eu des retombées dans certains secteurs, mais par ailleurs, dans d’autres, pendant ce temps-là, il ne s’est rien passé… Je pense que c’est un bilan qui peut aller de neutre à positif… difficile à évaluer…
"Je voudrais que l’on retienne qu’à Québec, les dizaines de milliers de personnes qui ont participé au Sommet des peuples ont forcé le sommet officiel à modifier son discours et à envisager de faire preuve de plus de transparence.
"C’est une étape importante."
Janick Lavoie, membre du groupe de musique Guérilla
"Je trouve ça positif qu’autant de gens se soient mobilisés. Dans la grande manifestation à laquelle j’ai participé, il y avait plusieurs couches de la société qui étaient représentées et c’était intéressant d’avoir les points de vue des gens sur des sujets très variés.
"Il y avait une poignée de manifestants qui était là pour faire de la casse, mais pour y avoir assisté, j’ai vu que ça se faisait des deux côtés, il y des gens qui allaient là pour faire de la casse et d’autres ont été provoqués. […] On dirait que les policiers n’ont pas la formation nécessaire pour savoir comment réagir face aux manifestations. Mais je m’attendais à pire de la part des policiers et des manifestants. C’est sûr que ce n’est pas tellement civilisé de tirer des balles de caoutchouc et des quantités de gaz comme ils ont fait, mais en Italie il y a eu un mort.
"Les arrestations n’avaient souvent pas lieu d’être, surtout que la plupart des gens qui ont été arrêtés ne sont pas des gens qui auraient fait des dégâts. L’arrestation de Jaggi Singh par exemple, c’était vraiment ciblé. C’est inquiétant parce qu’on perd de plus en plus nos libertés et ça, c’est peut-être un des points importants de l’année que les gens ne réalisent pas.
"Côté médias, est-ce que la population a vraiment été informée des enjeux du Sommet? Je ne crois pas, c’est encore le sensationnalisme qui a pris le dessus sur le contenu et les réels enjeux des débats de société.
"Je pense que les gouvernements ne reculeront pas. Ils ont vu par contre qu’il y avait un mécontentement, qu’il y avait des choses qui inquiètent les gens et peut-être que, sur ce plan, les gouvernements vont être plus à l’écoute."