![Droit de cité : L'argent pousse dans les arbres](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/11/11502_1;1920x768.jpg)
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Droit de cité : L’argent pousse dans les arbres
Éric Grenier
Photo : Victor Diaz Lamich
Il y a de cela trois ans, l’administration du maire Bourque avait soulevé l’ire de ses propres Services de l’urbanisme, des parcs, jardins et espaces verts et d’une bonne partie de la population pour avoir octroyé une dérogation au zonage à un important promoteur immobilier.
Il s’agissait d’un projet du Groupe Lépine, sur le site du patrimoine du mont Royal. Des condos et des résidences de grand luxe sur le terrain de l’ancienne ferme des Sulpiciens, un jardin de deux hectares, la "Ferme sous les noyers", qui appartenait au ministère de la Défense. À l’époque, l’administration Bourque, outre les sempiternels arguments du développement économique et de la création de richesse, nous avait servi l’étonnante évocation que son propriétaire, l’armée, aurait pu avoir la très mauvaise idée d’y installer une base, comme à Petawawa. Angle Sherbrooke et Atwater, sur les flancs du mont Royal.
Aux dires des langues qui se délient dans la bouillabaisse politico-tragico-comico financière entourant l’ex-ministre des Travaux publics Alfonso Gagliano, cette crainte était injustifiée. À telle enseigne que l’armée s’est débarrassée du terrain et de son édifice patrimonial aux mains de la Société immobilière du Canada (SIC) pour une bouchée de pain. Cette société d’État, soupçonnée d’être victime d’une trop grande attention de la part de l’ancien ministre, les a vendus pour une autre bouchée de pain au promoteur Lépine, nous apprenait The Gazette cette semaine.
C’était en 1999, la fièvre immobilière chauffait à blanc les prix des terrains vacants au centre-ville. Dans le trou, en bas, dans la basse-ville, des parcelles de lots se vendaient pour plus de 50 $ le pied carré. La SIC, dont un des dirigeants affirme aujourd’hui avoir été forcé d’accepter une entente de principe sur la vente de la ferme en provenance du cabinet ministériel, a vendu cette propriété encore plus recherchée pour… 14 $ le pied carré! Détail intéressant, le Groupe Lépine avait obtenu la dérogation au zonage deux mois avant que son offre d’achat pour la ferme des Sulpiciens soit acceptée.
Toujours dans le croustillant: Lépine contribue à la caisse des libéraux.
La création de richesse, qu’ils disaient, mais pour qui? Certainement pas pour les contribuables.
Go to Mel
Éditorialistes, chroniqueurs, analystes, politiciens, hommes, femmes et androgynes de la rue ont été sans merci pour le maire de Toronto Mel Lastman et son échange de bons sentiments avec un Hell’s Angel. Sauf que, depuis, les Ontariens découvrent la tragique réalité entourant ces motards, avec force détails sanglants à la une de leurs journaux. Un cours en accéléré.
Mais qui, parmi tous ceux qui lui ont reproché d’être devenu le plus bel allié objectif du crime organisé, n’a pas, un moment ou l’autre, grillé un joint? À ce que je sache, ce triste clown ne consomme pas de pot. Du Prozac et des antidépresseurs, peut-être, ce qui expliquerait bien des choses, mais pas d’herbe. Mais qui, parmi ses détracteurs, n’a pas un soir de fête acheté quelques grammes au pusher du quartier? Qui, parmi eux, savait pourtant que le commerce de la marijuana est le plus important levier économique des gangs criminels? Une machine à imprimer de l’argent, de l’argent qui sert à financer de coûteuses opérations d’importation de smack, par exemple? Écoulé à prix d’ami sur le marché pour fidéliser une clientèle toujours plus grande, toujours plus jeune?
Quiconque répond "Présent!", go to Mel.
Camping de ville
Depuis qu’on a découvert que Montréal avait ses favelas, bien petites tout de même comparativement à celles de Sao Paulo, plusieurs médias sont allés voir comment on vivait avec les sans-abri partout dans le monde. New York, Paris, Brésil, Toronto.
Moi, je suis allé au Canadian Tire, d’abord pour satisfaire l’homme en moi, puis pour voir comment on aurait pu accroître la sécurité des abris de fortune des itinérants, pour une fraction du prix que leur éviction a coûté aux contribuables.
La motivation officielle de l’éviction: "c’était pour leur sécurité". Ils s’éclairaient et se chauffaient avec des chandelles! Diantre, tu parles d’une bande de têtes de linottes! Des chandelles!
À ce compte-là, les Sioux du Dakota doivent être tous morts, ils font des feux de camp dans leurs tentes… Anyway, on ne badine pas avec la sécurité. Alors, j’ai magasiné pour eux des solutions de rechange pour chauffer et éclairer leurs abris en toute sécurité.
– Une chaufferette catalytique, idéale pour le camping. Coût: 65,95 $. Ça doit être sûr, c’est fait pour les tentes. Et quiconque a déjà vu avec quelle facilité brûle une tente sait de quoi je parle.
– Réchaud au propane à un feu. Coût: 34,95 $. Avec une manipulation minimalement prudente, il s’avère moins dangereux que la plupart des friteuses qu’on retrouve dans nos maisons.
– Pour l’éclairage, une lampe tout usage portative pour l’intérieur ou l’extérieur, avec faible consommation énergétique. Coût: 24,95 $.
Bref, pour moins de 1000 $ pour l’ensemble des itinérants sous le viaduc de la rue Notre-Dame, on aurait pu non seulement leur sauver la vie, mais aussi leur éviter l’humiliation. On a préféré une solution qui a fucké la vie de gens à la vie déjà pas mal fuckée, et trois fois plus coûteuse, financièrement.
Officiellement, c’était pour leur sécurité. Officieusement, l’image d’une ville a un prix.