Hé, bondance! Qu’on va être bien maintenant, débarrassés de ces patenteux de la balle et de la peinture à numéros. Je ne parle pas de la disparition des Expos en tant que telle.
Faudrait être inutilement grincheux pour célébrer la mort des Zamours. Ça demeure un événement triste. Pas triste-triste, mais ça a son potentiel de chagrin et de nostalgie.
Avec ses ex-Expos, Montréal perd une partie de sa cotonnade. Surtout pour ceux qui, comme moi, sont de la génération de Mario Dumont et des Oraliens, et qui n’ont pas connu Montréal autrement qu’avec les Expos. Le match inaugural de la saison avait l’effet du comfort food, rassurant signe que le règne de la sloche tirait à sa fin. Va falloir trouver un autre repère pour déceler l’arrivée des beaux jours, genre le dépôt du budget provincial.
Reste une dernière saison, trois petits tours des buts, et puis s’en iront. Une première dans les annales de la stupide industrie du sport professionnel: une équipe qui n’a plus aucun supporter est forcée de jouer une dernière saison, histoire d’accommoder les plans intrigants du commissaire du baseball majeur, Bud Selig. Une équipe pourrie, de surcroît.
Quel cirque! Oubliez la parade des Shriners ou les combats extrêmes de Stéphane Ouellet: les Expos seront le meilleur freak show en ville cet été.
Non, ce qui soulage comme du laxatif, c’est le départ de cet escroc du boulevard Taschereau de Jeffrey Loria, ci-devant et soi-disant marchand d’art, et de son ombre David Samson, mieux connu sous le vocable approprié de Mini Me. Ils ont suivi l’itinéraire de migration de nos plus belles oies blanches et, comme ces dernières, sont allés faire des ravages dans le Sud de la Floride. D’ailleurs, à Miami, où ils séviront dorénavant avec les Marlins de la Floride, un autre canard boiteux du baseball majeur, on craint une répétition de leur entreprise de démolition montréalaise. Surtout si les contribuables floridiens ne consentent pas à leur allonger les millions… pour un nouveau stade à toit rétractable.
Ici, pendant deux ans, sir Loria et Mini Me n’auront été pour les Montréalais qu’une paire de dents de sagesse poussant à l’horizontale dans la mâchoire. Un nerf sciatique coincé. Dix ongles d’orteils incarnés. La visite la plus désagréable qui soit.
Ceux qui se sont déplacés régulièrement au Grand Bol pendant ces deux dernières années sont soupçonnés d’être un brin masos. Comme quand on se frappe la tête avec un marteau parce que, quand on arrête, ça fait drôlement du bien.
Mais rendons à Loria ce qui appartient à César: grâce à ce considérable boutefeu et à son cabot de beau-fils, on sait maintenant que le Québec inc., cet objet de fierté nationale de tous les Québécois (parce qu’on se croyait, nous aussi, doués pour jouer dans Dallas et Dynastie), n’est rien d’autre qu’une bande de marguilliers incapables de se cuisiner du Kraft Dinner sans faire de grumeaux. Ils se sont fait avoir par un New-Yorkais banal et insignifiant comme des enfants de choeur. Viens mon petit pharmacien, monsieur le curé veut te montrer quelque chose. Penche-toi vers l’avant…
Dur revers pour tous les groupes de cravatés qui jurent croix de fer, croix de bois, de la supériorité de l’entreprise privée sur le public: la Ville de Montréal est le seul partenaire financier québécois dans les Expos à pouvoir sauver sa mise dans l’aventure, sans s’être fait enfirouaper. Tous les autres, du secteur privé, ont été ruinés. Ça aussi, ça soulage.
De toute façon, c’est qui ça, le Québec inc.? Jean Coutu, qui fait partie des actionnaires cocus des Expos? Come on, il vend des pilules! En cette formidable époque où la consommation de médicaments double presque tous les 10 ans, récession ou pas, des ventes garanties par l’État, c’est la business la plus sûre. On est loin du génie des affaires.
D’ailleurs, on me permettra un aparté sur Jean Coutu. Je ne comprends pas. L’ami qu’on a trouvé à la pharmacie "donne" 12 millions $ à l’Université de Montréal pour un institut de la pilule, où l’on développera toujours plus de nouvelles pilules, en vente avec ou sans prescription chez le Jean Coûteux le plus près de chez vous. Douze millions, moins déductions fiscales, moins visibilité publicitaire (juste la couverture médiatique de l’événement valait dans les six chiffres en publicité), et la reconnaissance de marque: le nouvel institut portera le nom de Jean Coutu à tout jamais. Pourtant, juste à côté de M. Coutu, Pauline Marois annonçait que les contribuables déboursaient pour le même institut 60 millions $ – cinq fois plus -, moins… absolument rien! Mais l’édifice s’appellera le Pavillon Jean Coutu. Pas le Pavillon des Contribuables, ni celui du Peuple. Le Pavillon Jean Coutu.
B-r-a-v-o.