Médias : Je rêve à Rio
Société

Médias : Je rêve à Rio

Au tout début janvier, le reporter de Radio-Canada Alain Picard s’est fait jouer un vilain tour après la diffusion de son topo sur une dizaine de sans-abri qui vivaient en dessous d’un viaduc de la rue Notre-Dame.

Le lendemain, policiers et pompiers débarquaient là-bas pour détruire les abris de fortune, prétextant que le reportage les avait alertés, et qu’ils devaient donc mettre fin à cette situation. Au grand dam de Picard, qui a avoué en ondes, à ce moment-là, qu’il "se sentait cheap".

On ne jugera pas ici l’intolérance manifestée par les autorités, mais on s’attardera plutôt sur les conséquences d’un reportage comme celui-ci. Sachant à l’avance que les sans-abri pouvaient très bien être délogés, pourquoi Alain Picard a-t-il décidé d’aller de l’avant quand même? Et comme s’interrogeait un lecteur du Devoir, à la suite de ces événements malheureux: un journaliste devrait-il mesurer les conséquences de ses reportages avant de les mettre en ondes?

Quand on lui pose cette question, Alain Picard rétorque qu’il voulait mettre en lumière le problème du surpeuplement dans les maisons d’hébergement, qui est l’une des nombreuses raisons expliquant la présence des sans-abri sous ce viaduc. Espérant dénoncer une situation, c’est plutôt le contraire qui s’est produit. "Oui, je savais qu’il y avait des risques que les autorités délogent les sans-abri, mais je croyais qu’on les laisserait plutôt en paix. On évalue toujours les conséquences quand on prépare un reportage, mais je ne pensais pas que les autorités allaient être aussi bêtes."

Ce n’est pas la première fois qu’Alain Picard est confronté à ce genre de situation. Déjà, il y a 10 ans, il avait présenté une dame, Éva, qui dormait sous les branches d’un sapin situé près de la Place des Arts. Comment les autorités municipales avaient-elles réagi à l’époque? Elles avaient coupé les branches de l’arbre. Plus ça change, plus c’est pareil. "Dix ans plus tard, c’est aussi con; on aurait pu espérer que, dans un monde où les bombes sont intelligentes, les gens le soient aussi. Je pensais que les autorités avaient vraiment raffiné leurs interventions auprès des sans-abri", lance le journaliste.

Mais Alain Picard n’a-t-il pas exagéré quelque peu la situation en parlant de "favelas" (bidonvilles mal famés du Brésil) et de "village de sans-abri", alors qu’il n’y avait qu’une poignée de maisons? Devant ce portrait plutôt alarmiste, les autorités n’avaient-elles pas le devoir de bouger? Pour le journaliste, le reportage n’a pas eu seulement des effets négatifs, car il a permis à l’administration municipale de rencontrer les itinérants et les intervenants qui s’en occupent. Et si c’était à recommencer, est-ce qu’Alain Picard ferait la même chose? La réponse est sans équivoque: "Non. Mais si l’on décidait quand même de diffuser ce reportage, j’essaierais de ne pas situer l’endroit."

Au-delà de la polémique entourant le reportage d’Alain Picard, il y a encore pire. Ce qui est le plus dommage en ce moment, c’est qu’en pleine guerre de l’info, on ne ménage plus les efforts pour présenter ces éclopés de la vie d’une façon sensationnaliste et jaune. Comme ce journaliste de TQS qui, récemment, a décidé de se déguiser en itinérant et de s’installer dans une boîte de carton, juste pour épier la réaction des passants. Quand on aborde ce genre de problématique, ne devrait-on pas faire preuve de respect pour ces gens? Un peu de retenue, S.V.P.

God Bless America
Produite par Steven Spielberg et Tom Hanks et dotée d’un budget de 120 millions de dollars, on attendait beaucoup de Band of Brothers (Frères d’armes en français), une adaptation d’un roman de Stephen E. Ambrose. Après avoir visionné les quatre premiers épisodes, on est franchement déçu de cette série qui suit une troupe de parachutistes américains se préparant en vue du débarquement de Normandie. Le problème majeur de Band of Brothers (qui a quand même gagné un Golden Globe dimanche soir), c’est qu’il y a tellement de personnages qu’on a du mal à se démêler, à comprendre les vraies motivations de ces soldats. Cependant, parmi cette tonne de comédiens, retenons l’une des seules performances empreintes de nuance, celle de Damian Lewis, dans le rôle du lieutenant Winters.

Évidemment, avec de tels moyens, les images sont à couper le souffle; et les scènes de combat, criantes de vérité (ce sont d’ailleurs les moments les plus intéressants); mais le reste ne se démarque pas des nombreux films de guerre lancés au cours des dernières années. Qu’apprenons-nous de nouveau dans Band of Brothers? Rien de plus que dans Saving Private Ryan. Et quand les Américains parlent de guerre, ils perdent évidemment tout sens critique, ce qui fait que cette série offre encore une fois une vision sans relief des événements. Les soldats américains sont bons, et ils ont du coeur au ventre; tandis que les quelques Allemands qu’on voit ici et là ne sont que de pauvres ploucs. On espérait un peu d’émotion, mais on l’attend toujours. Le dimanche à 19 h, à Super Écran.