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Les motards à la télé : Un autre chapitre
Radio-Canada diffusera à compter du 6 mars Le Dernier Chapitre, une minisérie sur les motards signée Luc Dionne. En plus de les voir dans les bulletins de nouvelles, voilà que ces bandes criminalisées seront présentes dans les fictions… Entretiendrait-on une fascination pour le monde interlope? Nous avons posé la question à trois auteurs.
Tommy Chouinard
Loi antigang, procès ultra-médiatisés, méga-rassemblement en Ontario, infiltration dans les prisons et ailleurs… Non seulement les motards défraient-ils régulièrement la chronique dans la réalité de tous les jours, mais ils s’apprêtent même à prendre une place importante dans les fictions diffusées au petit écran. Faudrait-il croire qu’on n’en a jamais assez?
À compter du 6 mars, la minisérie Le Dernier Chapitre, coproduite par CBC et Radio-Canada, dépeindra en six épisodes d’une heure l’univers des bandes de motards. Les Triple Sixers tenteront alors d’ouvrir des chapitres en Ontario et, pour ce faire, feront la lutte à des bandes rivales. L’homme derrière la série? L’auteur Luc Dionne, bien entendu, à qui l’on doit déjà le très plébiscité Omertà sur le monde de la mafia. En termes clairs, Dionne viole une autre "loi du silence". L’auteur entretiendrait-il une fixation pour le monde interlope? "Je ne pense pas m’intéresser outre mesure à cet univers-là, affirme-t-il. On m’a demandé d’écrire une série sur le sujet et j’ai accepté, parce que rien ou presque n’avait encore été fait sur le monde des motards. Ce qui me motive avant tout comme auteur télé, c’est l’intérêt de la population envers ce milieu: tout le monde a une certaine curiosité."
Rien de plus vrai, s’il faut en croire les attentes suscitées par l’arrivée prochaine de sa série. C’est que la fascination pour l’univers des motards ne se dément vraiment pas. "C’est normal, poursuit-il. Les motards font partie de notre quotidien et se retrouvent constamment dans l’actualité."
Le réalisateur et scénariste Michel Jetté partage sensiblement le même avis sur cette fascination populaire, à l’aune de l’expérience qu’il a vécue avec son film Hochelaga. Au cours des cinq premières minutes de l’entrevue, Jetté a même prononcé les mots "fascination" et "fasciné" à huit reprises! "La fascination que j’avais, moi, face à cet univers-là était reliée à une chose: l’inconnu. Les gangs de motards relèvent du mystère. On en entend beaucoup parler, mais connaissez-vous quelqu’un qui est allé dans les bunkers dernièrement?"
Pour lui, cette curiosité et cette attirance pour tout ce qui se rattache aux motards sont fort répandues. "Les motards génèrent un pouvoir d’attraction. Leurs couleurs, le côté rebelle, les motos, l’impression de liberté, les filles, l’argent, l’identité, la fraternité: tout ça, même si c’est mauvais et parfois faux, a un pouvoir d’attraction monstrueux sur certains jeunes. Toute cette exposure des motards crée une forme de désir de s’en approcher."
En réalisant une série et un film sur le sujet, les deux auteurs alimentent-ils cette fascination? "Je ne crois pas que je vais faire des motards des vedettes, des gens populaires avec ma série", estime Luc Dionne. "L’idée n’est pas d’alimenter une fascination, mais de dépeindre une réalité et de mieux faire connaître cet univers de pouvoir", affirme Jetté, qui travaille au montage de son prochain film, Histoire de pen, sur l’univers carcéral, film qui sortira en salle à l’automne.
Apologie?
C’est bien beau de parler de cet univers méconnu, mais comment fait-on pour en traiter? Avec des pincettes? Après tout, ce sujet passablement controversé soulève les passions. "J’ai toujours la volonté d’être fidèle à ce que je raconte, et c’est la même chose avec les motards, indique Luc Dionne. Je regarde comment les motards fonctionnent, leur hiérarchie presque militaire, ce qu’ils font, comment les policiers réagissent. Je me base sur la réalité, sans tabous ni censure. Je ne grossis pas l’affaire pour rien et je n’embellis pas la réalité." À preuve, par souci de réalisme, Dionne a fait appel à un ami pour l’aider à écrire sa série: Guy Ouellette, ex-enquêteur sur les gangs de motards à la Sûreté du Québec.
En mettant en vedette Marina Orsini et Roy Dupuis, en décrivant les hauts et les bas des gars de bicycle, Le Dernier Chapitre en vient-il à faire une certaine apologie des motards? Car, il faut bien le dire, les relations amoureuses et familiales des motards seront largement présentes dans Le Dernier Chapitre. Au point de les rendre sympathiques? "Dans Omertà , avais-je l’air du directeur des relations publiques de la mafia? Je ne le suis pour personne, ni pour les motards, ni pour les policiers. Les motards font des affaires et vivent aussi avec leur entourage, leur famille. C’est ce que je veux montrer." Quoi qu’il en soit, il suffit de regarder comment d’autres oeuvres dépeignent les criminels (The Sopranos et The Godfather, entre autres) pour voir que le traitement peut transformer des malfrats en types sympas…
Johanne Arseneault, auteure de la série Tag, a traité quant à elle des gangs de jeunes, de la délinquance juvénile et de la réhabilitation. Pour elle, la ligne peut devenir ténue entre présenter le monde du crime et en faire l’apologie. "J’ai un problème avec l’idée d’encenser la violence et de faire un show où tous les personnages criminels deviennent sympathiques, affirme celle qui travaille à la suite de Tag. Parfois, en fiction, on est tenté de rendre notre personnage plus attachant. Alors, on va le rendre un petit peu moins méchant et un peu plus beau qu’il ne le serait dans la vraie vie. Mais j’essaie d’éviter ce piège-là."
Sympathie ou dégoût?
Pour les auteurs interrogés, une chose est claire: laisser sous silence le monde du crime ne mène à rien, sauf à plus d’ignorance. "Ce n’est pas parce que des événements malheureux arrivent dans la vraie vie qu’on n’a pas le droit de faire des fictions qui tournent autour de ces choses-là, souligne Johanne Arseneault. Et le fait de ne pas en parler ne règle rien. Il faut plutôt comprendre la situation, et les fictions peuvent y contribuer."
D’ailleurs, la sortie d’Hochelaga a produit des effets insoupçonnés. Pour rendre hommage au film, une maison de jeunes du quartier Hochelaga-Maisonneuve a décidé de faire une murale. "Des jeunes fréquentant cette maison étaient sur le point de s’embarquer comme strickers dans les motards, raconte Jetté. Mais après avoir vu Hochelaga, ils ont plutôt décidé de s’aligner autrement." Aussi, comme le rapporte l’auteur, plusieurs intervenants de rue de Montréal travaillent avec le film pour sensibiliser les jeunes sur la manipulation des motards et l’univers des bandes criminalisées.
Personne ne sait encore si Le Dernier Chapitre entraînera les mêmes résultats. Pour l’heure, on peut se demander quel sentiment on pourra en tirer: de la sympathie ou du dégoût envers les motards? "J’espère que les gens seront ambivalents. Je veux qu’ils en sachent plus. Les policiers, sauf ceux impliqués dans le crime organisé, ne connaissent d’ailleurs pas les trois quarts de ce qui se passe dans la série. Imaginez la moyenne des gens!"
Il existe, semble-t-il, tellement de choses encore inconnues concernant les motards que Luc Dionne travaille sur un deuxième volet. Quand on vous disait qu’on n’arrêterait jamais d’en entendre parler…