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Des femmes engagées : Je milite moi non plus
Au sein des groupes sociaux, communautaires et militants, les femmes occupent une place prépondérante. Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, nous avons voulu en présenter quelques-unes qui font avancer diverses causes: l’une pour sa vivacité, LAURE WARIDEL; l’autre pour son acharnement et son franc-parler, ANDRÉE FERRETTI. Panorama d’un militantisme au féminin, ici et ailleurs dans le monde.
Tommy Chouinard
Laure Waridel, 28 ans, militante pour le commerce équitable
En 1996, seulement deux points de vente de café équitable existaient au Québec. Aujourd’hui, il y en a plus de 400! Laure Waridel n’est pas étrangère à cet engouement: elle a travaillé à le susciter. Sa business, son combat militant, quoi, c’est le commerce équitable, la promotion de produits qui ne sont pas le fruit de l’exploitation.
À 28 ans, la militante bien connue dispose d’une feuille de route fort impressionnante: auteure de deux livres (dont le récent Coffee With Pleasure sur le café équitable), globe-trotter dans des pays en développement, étudiante au doctorat à l’Université de Victoria, chroniqueuse à la radio de Radio-Canada, cofondatrice d’Équiterre, organisme prônant les choix écologiques et socialement responsables. Bref, Laure Waridel mène son combat contre les inégalités et pour un commerce plus humaniste sur tous les fronts.
"Ce qui m’a donné envie d’agir, c’est d’abord le constat des problèmes d’inégalité, puis le sentiment qu’il fallait faire quelque chose. J’avais besoin de participer aux solutions. Je pense que j’aurais de la difficulté à être heureuse sans agir. J’ai besoin de sentir que j’apporte un petit quelque chose, et que si tout le monde apporte son petit quelque chose, ça peut changer la situation. Je crois aussi beaucoup à l’intérêt de rassembler le plus grand nombre de personnes possible et réaliser que, oui, on peut avoir un impact."
Avec une détermination sans borne, Laure Waridel essaie de créer un mouvement, d’amener les gens à agir. La jeune militante tente d’ailleurs d’éveiller les consciences avec son slogan "vendeur": acheter, c’est voter! "Je trouve qu’on est dans une société où il y a beaucoup de cynisme, et le cynisme crée l’apathie. Plus on est apathique, moins on agit, plus les problèmes s’enveniment. Nous avons un pouvoir comme consommateurs, et il faut l’utiliser. Il faut faire des choix responsables."
Au sujet de la Journée internationale des femmes, Laure Waridel se fait philosophe: "Il y a tellement de journées pour toutes sortes de causes, et de bonnes causes, alors que c’est le genre de préoccupation qu’on devrait avoir tous les jours, pas seulement une journée par année. C’est sûr que je ne milite pas dans un groupe à caractère féministe, mais j’ai participé à la Marche mondiale des femmes et je suis très sensible aux causes qui affectent les femmes en particulier."
Après tout, estime-t-elle, cette préoccupation rejoint son combat contre les inégalités. "Je me sens concernée par les iniquités, et la pauvreté qui affecte d’une manière plus forte les femmes que les hommes, qui vivent aussi des problèmes cependant, on n’a qu’à regarder le taux de suicide. Il faut créer une société avec un meilleur équilibre hommes-femmes, mais aussi jeunes-vieux, par exemple."
Bien qu’elle souhaite une plus grande représentation de la femme dans les lieux de pouvoir, Laure Waridel ne manque pas de souligner le travail dans l’ombre réalisé par les femmes militantes. "Quand on regarde dans le milieu communautaire, l’implication des femmes est généralement beaucoup plus grande que celle des hommes. En même temps, c’est peut-être lié à la perception des solutions: les femmes veulent agir davantage dans l’immédiat et dans des projets concrets. Mais je crois que les femmes doivent tout de même avoir leur place dans les lieux de décision."
Désormais, les conditions des jeunes parents et le sort des jeunes familles la préoccupent tout particulièrement. Normal: elle attend un enfant. Un autre combat en perspective…
Andrée Ferretti, 67 ans, militante indépendantiste
Ce n’est pas un hasard si le récent ouvrage d’Andrée Ferretti s’intitule La Passion de l’engagement (Lanctôt éditeur). En entrevue, la militante exprime ses idées indépendantistes avec ferveur, animée d’un esprit révolutionnaire qui ne manque pas de dévoiler le ton de son ouvrage, un recueil de ses articles et discours réalisés entre 1964 et 2001, soit en pas moins de 40 ans de lutte. "Je me sens profondément tenue de participer à la transformation de ma société", affirme-t-elle toujours aujourd’hui.
À tel point qu’Andrée Ferretti a toujours mené une vie marquée par un combat pour la "cause". Exemple? En 1967, elle devenait vice-présidente du Rassemblement pour l’indépendance nationale, puis claquait la porte un an plus tard (alors que le RIN désirait s’associer au MSA de René Lévesque), avant de fonder le Front de libération populaire, puis d’être emprisonnée pendant 51 jours durant la Crise d’octobre parce qu’elle faisait partie des Partisans du Québec libre (sans lien avec le FLQ)…
Encore aujourd’hui, elle dérange, critique aussi. "Pour moi, le Parti québécois, qui à mon avis n’a jamais été vraiment indépendantiste, est devenu un parti de pouvoir comme les autres. À l’heure actuelle, je crois que l’on recule sur tous les fronts. Depuis quelques années, non seulement le PQ n’a-t-il pas réussi à réaliser son projet, mais en plus, il n’est allé chercher aucun nouveau pouvoir à Ottawa, et le gouvernement fédéral n’a jamais autant empiété sur nos juridictions, comme la santé, l’éducation, la culture, les communications."
Malgré tout, elle persiste et signe: l’indépendance est toujours réalisable, à condition d’en parler, d’en faire une priorité. "Dans le grand courant de la mondialisation, il y a aussi le courant inverse qui est là profondément, celui de l’affirmation des identités spécifiques. On a raté notre coup en 1837-38, alors que beaucoup de peuples dans le monde faisaient leur indépendance; on a raté notre coup dans les années 60, alors que le monde entier voulait se libérer; et là je crois que la conjoncture est favorable à nouveau." Quand on vous disait qu’elle faisait preuve de détermination.
Même si, de son propre aveu, Andrée Ferretti s’est toujours battue pour l’indépendance du Québec, et qu’elle n’a pas mené le combat féministe au quotidien, les revendications des femmes lui tiennent à coeur. "Il y a encore des luttes concrètes sur le plan social, politique et économique, des luttes fondamentales à mener afin que les femmes occupent toute la place qui leur revient", croit-elle.
Après avoir milité presque 18 heures par jour, 7 jours par semaine, l’indépendantiste n’a jamais cru que le fait d’être une femme l’avait empêchée de mener son combat. Toutefois, elle s’interroge: "Il y a tellement de gens qui me disent depuis quelques années: >Tu faisais déjà en 1968 des analyses sociopolitiques qui sont aujourd’hui pertinentes. Pourquoi ne t’a-t-on pas plus écoutée?> Et là, maintenant, à 67 ans, je me pose la question pour la première fois: était-ce parce que j’étais une femme?"
Femmes courage
Au sein des groupes qui défendent des causes justes ou dénoncent des réalités injustes, des femmes militent, ici comme ailleurs. En voici des exemples bien d’actualité…
Quatre femmes contre les motards
Ceux qui s’élèvent contre les motards criminalisés ne sont pas que policiers. Ils sont aussi victimes innocentes. Et ce sont quatre femmes, dont Voir traitait en couverture le 24 janvier dernier, qui les représentent et mènent cette lutte: Hélène Brunet (qui a servi de bouclier humain à un sympathisant des Hells), Josée-Anne Desrochers (dont le jeune fils a été accidentellement tué lors d’un attentat à la voiture piégée), Michelle Laforest (dont le fils, propriétaire d’un resto-bar, a été tabassé à mort par des motards) et Simone Chartrand (tante de Marc-Alexandre, tué devant le bar Aria). Resserrement des lois et aide accrue aux victimes: voilà leurs revendications.
Les mères, un nouvel acteur politique
Revendiquer et dénoncer des injustices, c’est souvent l’affaire des mères dans le monde. Il suffit de penser aux mères pour un meilleur contrôle des armes à feu aux États-Unis, aux mères de la place de Mai en Argentine, aux mères de soldats russes, aux mères afghanes contre le régime taliban, aux mères des disparus sous le régime Pinochet au Chili, et plusieurs autres encore. Dans Les Mères, un nouvel acteur politique, l’auteur José Cubero raconte justement la lutte de différents groupes de mamans de par le monde.
Les femmes et la guerre
Dans Frontline Feminisms: Women, War and Resistance, une collection de textes qui vient de paraître, les différentes auteures proposent une réflexion sur l’implication des femmes dans la sphère politique et sociale. Les textes couvrent principalement la lutte des femmes contre le recours à la violence, un peu partout à travers le monde.
Ingrid Betancourt
Un coup de coeur. Rien de moins. Ingrid Betancourt, ex-sénatrice et maintenant candidate du parti écologiste Oxygène à la présidentielle colombienne du 26 mai, dénonce la corruption et le trafic de drogues qui minent son pays, aux prises depuis près de 40 ans avec un conflit qui a fait plus de 200 000 victimes jusqu’à ce jour, et qui est à l’origine de 3000 enlèvements par an. C’est d’ailleurs le sort qui a été réservé à Betancourt récemment, alors qu’elle a été enlevée par une guérilla (FARC). Au moment de mettre sous presse, elle était toujours entre les mains de ses ravisseurs. Malgré une faible proportion des intentions de vote (attitude dérangeante oblige), elle est animée par une détermination à éradiquer le mal d’un pays qu’elle aime plus que tout, malgré tout. Elle ne se gêne d’ailleurs pas pour s’exprimer haut et fort. Lors de sa démission comme sénatrice afin de se présenter à la présidence, elle a lancé devant tout le Sénat: "Quand je serai élue, je vous mettrai tous à la porte, parce que vous êtes tous corrompus!" On a déjà dit à son propos: "Elle est ferme, ferme. Comme un homme. Mais très peu d’hommes pourraient faire comme elle." Pour en savoir plus sur Ingrid Betancourt, jetez au moins un oeil sur son livre La Rage au coeur. Très inspirant.