Droit de Cité : Un cas de dopage
À défaut d’avoir été une réussite sur toute la ligne, les fusions municipales auront eu au moins l’utilité d’un test antidopage. Comme si on avait demandé à Jean Charest de faire un pipi municipal dans un bocal. On passe ensuite son contenu dans le filtre de son programme électoral…
Oh, là! C’est positif. Alors, on commande une contre-expertise. Re-pipi. C’est encore positif. Il y a bien eu tricherie à l’aide de substances à base d’imposture, de duplicité et de faux-fuyants. Probablement incorporées à sa moulée.
Ce qui expliquerait pourquoi, malgré la satisfaction de la population à l’égard du gouvernement, les libéraux obtiennent d’étonnants résultats. Jean Charest, une nageuse est-allemande? Dix points d’avance dans les sondages. Victoires à répétition dans les partielles. Ça fait des gros congrès, des tournées, des ateliers de réflexion courus, ça accouche de programmes ambitieux ("revoir le modèle québécois, redonner la liberté de choisir").
Mais il ne faut pas astiquer trop le vernis bavard de leur programme pour s’apercevoir qu’il est mince, voire un peu navet. Un programme embarrassant de désinvolture et de bagatelles électorales. Sur la santé, par exemple. "Un prochain gouvernement libéral replacera le patient au premier rang de ses priorités." Saperlipopette! On n’y avait pas pensé!
Dans le cas de leur politique d’affaires municipales, elle a été sérieusement décapée cette semaine. Embarrassé par une manchette de La Presse selon laquelle ses conseillers préparaient avec ceux du maire Tremblay une zone de non-défusion à Montréal, le chef libéral s’est emberlificoté dans ses pinceaux. Oui, il maintient le cap vers les défusions. C’est une question de démocratie, répète-t-il.
Mais Jean Charest a persisté et signé… différemment, si c’était en anglais ou en français! En français: "Les citoyens devront supporter les coûts reliés aux changements dans leur communauté." Une menace que ça va coûter cher, la défusion.
En anglais maintenant: "Les citoyens vont supporter les coûts reliés aux services qu’ils reçoivent dans leur communauté", s’ils optent pour la défusion. Alloooo!?! C’est le propre même des villes, défusionnées ou pas, de supporter les coûts reliés aux services qu’elles reçoivent! De toute évidence, et à la lumière de ce qui s’écrit dans la Gazette ces jours-ci, les libéraux craignent de perdre des appuis dans le West Island, avec leur slalom sur le dossier des défusions, au profit de l’impayable Equality Party. Comme en 1989, après la crise linguistique.
Le 15 novembre dernier, j’écrivais: "Prôner le droit à la défusion comme vous le faites [M. Charest], c’est cautionner le ségrégationnisme économique et social. Des villes pour les pauvres. Des villes pour les riches." Eh bien, selon le plan "démocratique" de Jean Charest, c’est exactement ce qui va se produire. Une démocratie à deux vitesses, c’est pire qu’un système de santé à deux vitesses.
Les récents événements à Sainte-Marguerite-Estérel, dont nous avons les premiers révélé l’abominable prise de possession du bien public par quelques richards pour trois fois rien; ceux à l’Île-Dorval; à Westmount où les citoyens doivent être accompagnés d’un Westmountais pure laine pour accéder à la patinoire ou à la piscine, autant de révélateurs de la vraie motivation qui se cache derrière leur désir d’autonomie municipale. Rien à voir avec les fumeux arguments de la qualité de vie, du développement intelligent et de la protection de l’environnement, comme nous les a servis le représentant rhodésiste d’Estérel. La preuve? Le plus gros développement récréotouristique de la région est dans Estérel. L’été, la quiétude des lieux est gâchée chaque week-end par l’insoutenable vrombissement des grosses cylindrées nautiques des propriétaires de l’Estérel. Et une bonne partie de l’écosystème des lacs qu’ils prétendent protéger a été détruite par le remplissage et le déboisement des rives pour faire place à leur pelouse chimique, manucurée brin d’herbe par brin d’herbe.
Montréal-Nord aura-t-elle les moyens de recouvrer son autonomie? Probablement pas, elle est trop pauvre. Son ex-maire l’a maintenu à flot pendant 40 ans en la gérant avec une économie monastique, cenne par cenne. Alors, vous pensez qu’elle aura les moyens de payer la défusion… Et Hampstead, dont bon nombre de résidents ont ironiquement des propriétés à l’Estérel? Répondez pas à la question, c’est inutile.
Pour le reste, ils nous disent surtout pas comment cela va fonctionner avec un retour à la multiplicité des petits fiefs. Comment on va gérer police, pompiers, eaux usées et transport en commun dans un Montréal de gruyère, sans la défunte CUM. Des régies intermunicipales à l’excès? C’est en parfaite contradiction avec leur programme politique, tout écrit à l’aune d’un gouvernement plus petit, plus simple, épuré.
Personne n’exige des libéraux de résoudre la quadruple racine du principe de raison suffisante de Schopenhauer. On ne demande qu’un minimum de cohérence. Et c’est déjà trop. Ça commence à être embarrassant pour le Québec.