![10 ans! : Histoires de couvertures](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/10/12072_1;1920x768.jpg)
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10 ans! : Histoires de couvertures
Nous avons ressorti de nos archives 18 pages couvertures dont la réalisation méritait particulièrement d’être racontée.
Serge Denoncourt (volume 3, numéro 11)
À peine nommé directeur artistique du Théâtre du Trident, Serge Denoncourt nous avait dit: "J’aimerais une photo inhabituelle, flyée, mémorable." Aussitôt dit, aussitôt fait. Au milieu d’un champ de Saint-Antoine-de-Tilly, Denoncourt posait nu dans une vieille baignoire remplie de bulles. Tout autour, plusieurs personnes faisaient des bulles de savon pour compléter le tableau.
Quelques heures avant l’impression, M. Denoncourt avait changé d’idée. Il craignait que certains abonnés du Trident ne soient scandalisés. La mort dans l’âme, il fallut se rabattre sur une photo plus classique… (J.-S.Gagné)
Mario Dumont (volume 1, numéro 42)
Il neigeait abondamment, ce jour-là. Dans son futur fief de Rivière-du-Loup, Super Mario se prenait déjà pour Mario Dumont. À trois reprises, nous lui avions demandé s’il était souverainiste. Pas de réponse. Quand il parlait, Mario Dumont s’exerçait déjà à ne rien dire. Décembre 1992. Une époque naïve. Personne ne croyait que Jean ou Bernard Landry deviendraient premiers ministres. Et personne ne croyait que ce Robert Bourassa in vitro deviendrait l’un des politiciens les plus populaires du Québec. "Dans 10 ans, dans 20 ans, ses erreurs d’aujourd’hui lui vaudront une réputation évidemment surfaite d’intégrité et de droiture morale, toutes vertus qui ne foisonnent pas en politique, écrivions-nous alors. Il ne lui reste qu’à prendre son mal en patience. Car la jeunesse n’est pas une maladie éternelle."
Pour une fois, on pourrait presque parler de prophétie. (J.-S.Gagné)
Québec 1775 (volume 3, numéro 21)
Une reconstitution du siège de Québec par les Américains se préparait sur les plaines d’Abraham. Dans la côte d’Ambourges, cet après-midi-là, toute l’équipe de Voir s’était amusée à parodier une peinture d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Pour les besoins de la cause, notre Marianne brandissait un drapeau britannique qui avait été décroché in extremis de la façade d’un pub du Vieux-Québec. En fait, nous n’avions oublié qu’une chose. Québec, ce n’est pas Saint-Tropez. Une fille aux seins nus suscite davantage l’émoi que la reconstitution d’un meurtre avec du sang partout. À certains moments, lors de la séance photo, il fallut cacher notre vedette pour éviter les commentaires salaces des badauds. Sans parler des lecteurs qui nous ont accusés "d’offenser les bonnes moeurs". Vivre en ce pays, c’est parfois comme vivre en Alabama ou en Utah. (J.-S.Gagné)
French B (volume 2, numéro 38)
Le téléphone sonna très tôt, le 2 décembre 1993: "Vos futurs locaux de la côte du Palais viennent d’être démolis par des gars de la construction." Une vraie claque. Depuis des mois, nous ne pensions qu’à quitter nos bureaux surpeuplés de l’avenue Cartier. La rédaction avait échoué dans une cuisine insalubre de 12 m2, entre un monticule de sacs à ordures et un évier débordant de vaisselle sale. Plus tard, un dirigeant syndical un peu penaud nous expliqua la situation. Ce matin-là, des gros bras devaient saccager un autre endroit pour protester contre un projet de déréglementation d’une partie de la construction. Mais comme la police gardait les lieux à double tour, ils se sont rabattus sur nos locaux. En définitive, la déréglementation passa comme une lettre à la poste. "Ceux qui ont le plus à perdre dans l’affrontement, annoncions-nous alors, (…) ce sont quelques milliers de travailleurs syndiqués, désormais associés aux agissements d’une petite pègre syndicale que personne ne semble avoir le courage de contrôler." (J.-S.Gagné)
Québec parle rock (volume 1, numéro 34)
Un rapide coup d’oeil à ce portrait de famille suffit à nous convaincre que la scène locale a bien changé en 10 ans… Le fait que seuls Les Respectables soient encore en activité – avec le succès que l’on sait – illustre bien l’adage: "Beaucoup d’appelés peu d’élus". Du reste, une pareille photo ne se ferait pas aujourd’hui sans quelques D.J., nouveaux princes de la culture nocturne! (F.Tremblay)
Christophe Lambert (volume 2, numéro 35)
Une grande vedette du cinéma (du moins à l’époque…) est en ville incognito… Mais ce n’est pas le plus surprenant! Accompagné de Paul Ohl – dit l’Olympien, et auteur du scénario d’Highlander 3 -, Tarzan se terre dans un studio de karaté dans Saint-Roch (quartier peu recommandable à l’époque). L’entrevue sera à la hauteur de l’étrangeté du lieu et le film… un bide! (F.Tremblay)
Nanette Workman (volume 3, numéro 15)
L’album qu’elle venait présenter s’appelait Rock’n’romance. Il devait repositionner la chanteuse comme la "Tina Turner du Québec", dixit son gérant. Pour rester dans le contexte, l’entrevue se déroule dans un petit bar qui s’avéra – à notre insu – être l’un des points chauds de la guerre des motards. Vous avez dit rock’n’roll? (F.Tremblay)
1957-1977-1997 (volume 6, numéro 12)
Pour souligner les cinq ans du journal, l’on propose aux lecteurs un voyage dans le temps. Que s’était-il passé culturellement durant ces années? Où, et comment sortait-on? Qu’avions-nous appris sur les aléas du showbiz chemin faisant? La préparation de ce numéro fut l’une de nos expériences les plus riches. Et qui d’autre que Boule Noire pour nous rappeler que France Jolie avait connu du succès aux States bien avant Céline! (F.Tremblay)
Bertrand Tavernier (volume 6, numéro 14)
Le cinéaste débarquait en ville avec une importante délégation d’artisans du cinéma hexagonal. C’était la première édition du Festival du film français, qui donna à Québec des airs de Cannes. Lors d’un cocktail particulièrement festif, les membres de la presse locale eurent enfin la chance de s’encanailler aux côtés de stars d’ici et de la France. La note fut salée et les lendemains brumeux. Malgré les multiples échanges culturels, l’événement n’aura pas de suite. (F.Tremblay)
Jean-Louis Millette (volume 8, numéro 8)
Prétextant les premières représentations à Québec du Dragonfly de Chicoutimi, nous nous étions donné rendez-vous dans un studio photo de Montréal qui s’avéra un minable trou crasseux. Imperméable aux apparences, Jean-Louis, tout en maudissant constamment son apparence physique et la vieillesse qui accentuait ses traits, se laissait lécher par la caméra tel le vieux pro qu’il était. Le contraste entre sa timidité et son expérience rendait la situation irréelle. Ce fut, je crois, sa dernière séance photo. J’ai songé ensuite à plusieurs reprises à faire parvenir les épreuves à son grand ami Daniel Pinard sans donner suite. Si un jour un biographe… (F.Desmeules)
Les sectes (volume 8, numéro 23)
Comment tenter d’illustrer l’intérieur de l’âme? Une expérience ratée où je faillis étouffer… Notre coordonnatrice de rédaction me conduisit finalement à l’hôpital Saint-Francois-d’Assise où, dépassant la file des patients en attente, je fus radiographié de la tête aux mains en 60 secondes par un radiologue qui faisait de cette science un art. Moment d’angoisse lorsque les médecins de passage dans la salle de radiologie contemplèrent l’un après l’autre mes clichés en train de sécher au mur… Au moins, je sais de quoi j’aurai l’air dans un demi-siècle… (F.Desmeules)
La police (volume 8, numéro 33)
Nous sommes allés consulter l’album photos du directeur du personnel de la police de Québec afin d’illustrer un article sur les nouvelles réalités policières, dont la défunte police de quartier. Tombés sous le charme de l’agent Jalbert lors de la séance photo derrière le parc Victoria, ses collègues se tenaient aux fenêtres et manifestaient leur admiration. Le jeudi suivant, j’allai personnellement porter 200 copies supplémentaires à la centrale de Québec. Il faut dire que l’article était flatteur.
On a ensuite proposé à Manon Jalbert de poser pour différents magazines. Légèrement dépassée par les événements, elle a refusé de donner suite… (F.Desmeules)
Halloween (volume 8, numéro 42)
L’antithèse du déguisement… Un de nos collaborateurs accepta de poser dans son plus simple appareil avec une belle grosse citrouille évidée sur la tête. Malheureusement le poids de l’objet l’entraînait irrémédiablement vers le sol et, coincé dans le fruit, il eut vite mal au coeur et au crâne. Le travail final fut donc achevé grâce à un subtil montage infographique de Luc Deschambault. Pensant à mal, des amis de l’UNICEF estimèrent que cette photo incitait à la pédophilie. J’hésitais entre rire ou pleurer devant la bêtise de telles insinuations. (F.Desmeules)
Sommet des Amériques (volume 10, numéro 17)
Le formidable résultat des trois jours et trois nuits de travail intensif d’Erick Labbé. Au lieu de relayer discours convenus de la gau-gauche ou des autorités, j’avais choisi de privilégier des images qui parlaient plus subtilement. Ce qui constitua une petite révolution. L’heure des bilans viendrait plus tard, et Dieu sait qu’il y en eut. Là où médias nationaux et internationaux qui avaient déployé des ressources immenses s’illustraient par des toussotements et la propagation de demi-vérités, Labbé, qui travaillait seul, arriva à témoigner merveilleusement bien de l’ambiguïté d’une situation qui oscillait entre sport extrême et confrontation politique. (F.Desmeules)
Parizeau (volume 10, numéro 38)
Déjà vers 1987, Jean-Simon Gagné et moi caressions l’idée de faire la une avec Jacques Parizeau. Cette photo fut prise presque deux ans avant publication, lors du passage de l’ex-premier ministre au Salon du livre.
Parizeau tint patiemment debout sous les flashes durant une heure, tout en parlant de ses ennemis politiques. Pensant l’avoir apprivoisé, nous le présentèrent à une lunetière de l’avenue Cartier qui se fit fort de le convaincre de porter des verres fumés. Au moment de faire la photo, il refusa en marmonnant, ombrageux: "Ah non! Pour qui me prenez-vous, je ne suis pas une vedette de rock, madame…"
Juste avant la séance photo, je dus convaincre fortement un collaborateur du photographe qui voulait dire sa façon de penser à monsieur de laisser tomber… (F.Desmeules)
The Val-Bélair Witch Project Two (volume 10, numéro 42)
Prise à l’angle des rues de l’Amiral et de l’Église Sud à Val-Bélair, bref, dans un trou, cette photo se voulait une parodie du film d’horreur I Know What You Did Last Summer. Initialement, Denys Fortin, notre directeur de la distribution, y tenait le rôle du pêcheur assassin. Au bureau, un petit malin eut l’idée de remplacer cette tête par celle d’Andrée Boucher, telle que barbouillée sur une affiche électorale. L’idée déclencha un bel enthousiasme en cette période où toutes les idées étaient bonnes pour empêcher que Québec ne devienne un vraie histoire d’horreur… Parfois, quand il y a péril en la demeure, il faut combattre les forces obscures de l’abrutissement. (F.Desmeules)
Pierre Morency (volume 9, numéro 46)
Nous nous sommes rendus dans une immense pièce où le Séminaire de Québec conserve des centaines de volatiles empaillés, gros et petits, laids et beaux. Oiseaulogue intarissable, Morency commentait la nature de certains d’entre eux, tout en soufflant affectueusement sur la fine poussière que les années, croyait-il, avaient déposée sur leur plumage. Quand la responsable de la conservation des volatiles eut la bonne idée de nous signaler que la poussière en question était en fait constituée de cristaux d’arsenic, un très violent insecticide utilisé pour préserver autant les bestioles de la moisissure que les nazis de l’emprisonnement, Morency se mit à tousser et toute la petite troupe évacua la salle avec un certain empressement, pour ne pas dire plus… Ensuite, il garda soigneusement ses distances. (F.Desmeules)
Mara Tremblay (volume 10, numéro 35)
Chihuahua, papillons. Parce que j’adore les animaux, j’aime prendre les concepts de Mara Tremblay au premier degré. Avec Mélanie Brunelle d’Audiogram, il fut d’abord question de faire des photos dans la volière remplie de papillons du Jardin botanique de Montréal. On nous y garantissait l’aide (dispendieuse) d’un spécialiste pour que des insectes vivants se posent docilement sur Mara. Sceptique quant au vertus d’obéissance des insectes, notre amie photographe Anouk Lessard choisit plutôt d’utiliser quelques spécimens raides morts qui furent collés sur la bouche de Mara. En courant, elle donnait l’impression de les embrasser par hasard, comme on attrape un flocon de neige avec la langue.