Droit de cité : Ma liste d'épicerie
Société

Droit de cité : Ma liste d’épicerie

Selon les informations contenues sur le site Web du Sommet de Montréal, en date de mardi, c’était lundi que débutaient les premières rencontres devant nous mener au grand Soir du consensus. Les mini-sommets, ou Monticules de Montréal, se déroulent supposément depuis lundi, arrondissement par arrondissement.

Si, si, mardi, c’était écrit en tous pixels: "Du 11 au 29 mars, tenue des 27 sommets d’arrondissements et diffusion au public de l’information mise à jour." En fin de chaque page Web du site, on répète qu’elles sont continuellement mises à jour. Faut les croire.

Le 11 mars? Sûr? Était-ce celui de l’an dernier? Sera-ce celui de l’an prochain? À cause de certains problèmes logistiques hors de son contrôle, le comité organisateur me demande de ne pas ébruiter leur secret: ils ont été reportés du 25 mars au 19 avril. De cette année. (À coup sûr, l’information entourant le Sommet la plus confidentielle jusqu’ici.)

Ça tombe mal, j’ai mon mémoire, tout prêt paré, photocopié en 200 copies, et scellé sous couverture de plastique. Quoi qu’il en soit, je ne sais même pas comment procéder pour participer à mon Monticule d’arrondissement. À la page concernant la procédure, au titre évocateur Comment participer, toujours le mardi 12, on me rassure: "Des informations supplémentaires liées au Sommet de Montréal seront disponibles sur cette page très bientôt."

De la marde, j’attends pas, et je dépose mon mémoire illico et ici-bas. Un mémoire intitulé: Ma liste d’épicerie.

Je dois vous souligner que j’ai laissé tomber les grandes questions: je les laisse à d’autres, mieux avisés, et mieux rémunérés. De toute façon, il paraît que je ne m’y connais en rien en grandes questions, ce qui est probablement vrai, et tout autant pour ceux qui me reprochent mon ignorance. Mais au moins, eux, ils ont la prétention de savoir, ce qui est déjà un gros plus. Exit donc l’habitation, l’économie, l’urbanisme, la démocratie, la culture…

Je m’étends plutôt sur ces petits détails de rien, sur la p’tite vie, quoi. Ces vétilles qui, à l’accumulation, font de cette ville un endroit soit adorable, soit exaspérant.

Proposition 1: Abolir le règlement obligeant les chiens à être tenus en laisse et, du coup, fermer tous les enclos à chiens, véritables camps de concentration pour molosses. D’abord, ces enclos sont ridiculement rares et minuscules, ce qui cause une trop forte concentration d’odeurs de vous-savez-quoi et d’aboiements. Un peu de pitié pour les voisins de ces enclos, et aussi pour les chiens, dont la promiscuité des lieux les stresse terriblement. Les chiens devraient avoir le droit de se prélasser librement dans n’importe quel parc, en autant qu’ils demeurent sous contrôle de leur maître. Ce que la plupart des maîtres font malgré tout, sans que personne ne s’en plaigne, mais avec cette arrière-culpabilité d’enfreindre la loi.

Proposition 2: Repousser la fermeture des parcs. Vingt-trois heures, c’est particulièrement tôt, surtout les soirs de canicule. De toute façon, le règlement n’empêche pas cette prime jeunesse à bruyamment les fréquenter passé 23 h. C’est justement ça, leur trip, d’enfreindre le couvre-feu.

Proposition 3: Bannir de la ville les motos dont la pétarade atteint ou dépasse le bruit d’un hélicoptère. Dois-je absolument expliquer pourquoi?

Proposition 4: La STM devrait mettre en vente une carte donnant accès à des autobus, des taxis, et même à des automobiles louées pour se déplacer dans la grande région de Montréal. Ce qui permettrait d’abolir des lignes de bus déficitaires sans fin, parce qu’on y fait rouler des gros bus vides. Sur certaines lignes, pour la moitié du coût d’un autobus vide, un système de taxis collectifs serait beaucoup plus efficace et apprécié. À ce que je sache, la mission de la STM n’est pas de faire rouler des autobus, mais de transporter du monde.

Proposition 5: Se débarrasser des autobus à plancher bas au diesel de la STM. Tout le monde sait, y compris la STM, qu’on s’est fait avoir avec ces autobus made in Québec, vendus sous pression par le gouvernement du Québec, au nom des intérêts supérieurs des électeurs de Saint-Eustache. Il faudrait remplacer ces coucous terriblement bruyants, polluants et mal adaptés à la route, par des bus et des tramways électriques, comme on en retrouve partout ailleurs, sauf ici.

Proposition 6: Installer des supports à vélos sur le circuit d’autobus menant au Cap-Saint-Jacques, le plus beau parc de Montréal à pédaler, mais si loin en vélo. Le temps de s’y rendre, et c’est déjà l’heure de s’en retourner.

Proposition 7: Permettre les vendeurs de nourriture itinérants… On les interdit en ce moment au nom de l’hygiène publique. Pour le reste, tout le monde s’entend, ce serait bien. Si c’est vraiment pour une question de salubrité, à ce compte-là, on devrait aussi interdire l’accès au quartier chinois.

Proposition 8: Et la mise à mort de l’échangeur des Pins, ça vient?

Proposition 9: Interdire les tam-tam sur le mont Royal – pour qu’ils reprennent ailleurs clandestinement et retrouvent leur marginalité égarée quelque part dans la logique marchande des vendeurs de cossins ésotériques. Fini, le Super Mercado pour intellos.

Merci de m’avoir écouté. En attente d’un accusé de réception.