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Droit de cité : Avis de recherche
Éric Grenier
Photo : Victor Diaz Lamich
En regardant la photo d’équipe de l’Union des citoyennes et citoyens de l’île de Montréal prise le soir de leur victoire électorale, je me suis souvenu de Gaston L’Heureux et de sa savoureuse émission Avis de recherche, diffusée il y a au moins trois siècles à Radio-Canada, à l’heure des quiz.
Un invité célèbre, du genre Roger Giguère, se mettait à la recherche en direct de ses anciens compagnons de ballon chasseur, à partir d’une photo de classe de sa troisième année B. Et là, ça dévalait de surprise en surprise, jusqu’à ce qu’on tombe sur le twit à lunettes au milieu du groupe. C’est qui, dont, lui? Gaston lançait l’avis de recherche: "Si vous vous reconnaissez, appelez-nous vite." Et de poursuivre Roger du tac au tac: "On n’est pas sorteux." L’hilarité dans les chaumières…
En parcourant la photo de groupe de l’UCIM prise le soir de l’élection, j’ai joué à Avis de recherche. Tiens, ça c’est Michel Prescott. Là, Frank Zampino semble songeur; avait-il une petite pensée pour ses amis ayant contribué à sa victoire? Peter Yoemans a l’air d’être seul sur son île. Et Georges Bossé ressemble toujours comme deux gouttes d’eau à Pierre Bourque.
Mais au milieu de la première rangée, devant les micros, il y a un petit blond à lunettes qu’on n’arrive pas à replacer. C’est qui, donc, lui? Il me semble qu’on ne l’a pas revu depuis. Quelqu’un sait-il où il est passé?
Si Pierre Bourque ne m’avait pas aidé, je n’aurais jamais deviné. C’est celui qui l’a remplacé à la mairie de Montréal. Eh bien, dis donc.
Remarquez qu’à sa place, nous aussi on se terrerait dans notre grotte. La machine qu’il a conçue et mise sur la route au lendemain de sa consécration a déjà perdu au moins un aileron. Son moteur pompe l’huile. Et l’équipe aux puits a perdu le cric. La débandade, quoi.
Vrai que l’administration Tremblay-Zampino connaît des débuts pour le moins rock’n’roll. Mais avant de pavoiser, Pierre Bourque – le nouveau chef de l’opposition – devrait se souvenir de Pierre Bourque – le nouveau maire, en 1994.
Lui aussi, sa première année à la mairie de Montréal avait été un long cauchemar ponctué de scandales, de promesses écartées et d’erreurs stratégiques. Après un an de régime bourquien, Montréal sombrait comme un sous-marin russe – technologiquement dépassée, sous-financée, dirigée à vau-l’eau par des incompétents. N’eût été d’un renflouement du gouvernement du Québec, on se serait tous noyés avec.
La citation la plus représentative du sentiment général à l’époque nous vient d’Arthur Sandborn, de la CSN: "Le maire Bourque, ce n’est pas la trouvaille du siècle."
Tremblay non plus, ni de ce siècle-ci, ni du précédent.
Ce qui n’excuse en rien les frasques de l’administration Tremblay-Zampino. D’autant plus qu’au-delà des gestes maladroits attribuables à une trop verte équipe, c’est toute la conception du pouvoir de cette équipe qui suinte une certaine immoralité. Pourtant, Gérald Tremblay avait promis plus de transparence et de démocratie. Jusqu’à maintenant, tant dans les anciennes villes de banlieue que dans les nouveaux arrondissements de Montréal, on est loin du compte. On a même reculé.
Il y a eu bien entendu cette série de contrats accordés sans appels d’offres sérieux à des amis du régime. Celui octroyé au créateur du logo du Sommet de Montréal, André Morrow, un proche de longue date du maire et qui a largement contribué à sa campagne, est passé dans l’ombre du contrat d’organisation dudit Sommet. Mais il laisse pantois bien des publicitaires. Quinze mille dollars pour la simple signature d’un événement qui ne vit qu’une fois? Non seulement le montant étonne en regard du service rendu, mais laisse dubitatif quand on sait que le service des communications de la Ville de Montréal jouit dans le milieu d’une excellente réputation. Il aurait très bien pu faire le travail.
Mais il y a aussi le comportement de l’administration Tremblay dans les arrondissements qu’elle contrôle. Elle encourage les élus à laisser aux plus hauts fonctionnaires des arrondissements le droit d’accorder des contrats de 100 000 $ sans que les conseils d’arrondissements n’aient un droit de regard. Dans le West Island, on appelle ça des pratiques behind the door. Ça dit tout. Surtout dans les arrondissements où il n’y a que trois conseillers de la même allégeance, lesquels ont des liens d’amitié avec le directeur de l’arrondissement, après plusieurs années de travail bras dessus, bras dessous dans les anciennes administrations municipales.
La suite présidentielle qui entoure le maire ne semble pas avoir été montée en fonction de ses besoins, mais en fonction du nombre de loyaux soldats à récompenser.
Tout ça, dans des circonstances où le leadership du maire tient du papier peint. Au rythme où vont les choses, on peut déjà prévoir que d’ici la fin de l’année, de nombreux disciples l’auront quitté, en particulier parmi ceux issus de l’ancienne opposition à Montréal, de plus en plus mal à l’aise devant autant d’accrocs à leurs convictions. Je parie un petit deux que Marvin Rotrand, le plus à gauche des conseillers de Tremblay (une sorte de Françoise David de la politique municipale), quittera le premier.