Société

La course aux oscars

Ah! la soirée des oscars. Quel luxe, quelle volupté, quelle gloire.

Julia, Halle, Jennifer… Qui ne rêverait pas d’être un acteur, un scénariste, un producteur. Empli d’orgueil et de bonheur au moment de monter les marches vers la tribune. D’embrasser son oscar et Uma Thurman en écrasant une larme. De remercier sa maman et son agent.

Un jour ce sera mon tour.

Car j’ai rédigé un scénario digne d’Hollywood.

Un peu de sociologie 101 à la Fabienne Larouche, un brin d’espionnage à la John Le Carré, du scandale dans la haute à la Michael Crichton. Mon film sera un candidat incontournable dans la course aux oscars.

Mon film s’intitulera: The Spot. En français: La Pub.

En voici des extraits.

***

Synopsis

Scène 1 – Cocktail mondain au musée d’art contemporain; champagne, smoking et robe du soir; drague et humour fin.

Depuis plusieurs années, GangOption, une dynamique entreprise Quénadienne de marketing et publicité, se voit octroyer de très juteux contrats par divers ministères et sociétés d’État (en anglais on dit Department). Le président de l’entreprise, James Brown, entretient des relations suivies avec le gratin de la politique et de la finance. Pour conserver ses entrées, il n’hésite pas à rendre service aux familles et amis des riches et des puissants en embauchant des moutons noirs et des tarés congénitaux qui collectent des salaires bidon.

Scène 2 – Penché derrière un Riopelle qui attend d’être accroché au mur de son nouveau bureau, Gavin Frygoon frotte ses mains sur la moquette neuve tandis que deux ouvriers repeignent les murs en vert caca d’oie. Il sourit de contentement…

À la faveur d’un petit remaniement de la haute fonction publique américaine, un administrateur chevronné, Gavin Frygoon, se retrouve à la tête de la puissante American Commission of the Cocktails.

L’une de ses premières décisions en tant que nouveau président est de supprimer le contrat qui relie sa société d’État à GangOption. Pourquoi? Question d’affinités politiques, peut-être…

Scène 3 – Furieux, le directeur de GangOption lance de toutes ses forces un cadre le montrant en train de faire un 18 trous avec Sting et Tiger Woods, et marmonne entre ses dents: "Qui me débarrassera de cet emmerdeur…" en avalant, blême, un cachet de nitro.

GangOption contre-attaque. On décide en coulisse de discréditer Gavin Frygoon en collectant des renseignements qui pourraient le compromettre.

Gavin Frygoon a-t-il une maîtresse de moins de 16 ans? A-t-il volé un stylo Bic au travail? Enfile-t-il des bas-nylon la fin de semaine? Dort-il avec une butt plug? Entretient-il des rapports culturels avec les Raéliens, l’infâme Raymond Villeneuve ou, pire encore, le terroriste nazi Jeff Fillion?

Scène 4 – La filature discrète du chauffeur de Gavin Frygoon se termine en queue de poisson alors que notre détective confond sa limousine avec celle de Luc Plamondon et emboutit une camionnette pleine de reporters du Journal of Minneapolis armés de radars.

Le lendemain, un rapport préliminaire issu de la fouille des vidanges de Gavin Frygoon révèle que le quinquagénaire est un gros saffe. Il mange au moins deux sacs de crottes au fromage par semaine. Manque de classe, il achète ses bobettes Fruit of the Loom blanches chez Wal-Mart et loue parfois un film de cul chez Vidéofesse… Mais est-ce suffisant pour le faire chanter?

Scène 5 – Retrouvons Johnny Charlsky, le chef du Conservéral Party en train de se désinfecter les mains en coulisse au cours d’une épluchette de dentiers dans un foyer de vieux. Ses conseillers lui chuchotent des confidences qui instantanément tombent comme de raison dans l’oreille d’un sourd.

Ah! ah! Il se chargera de dénoncer publiquement ce Frygoon aux goûts douteux et de le faire passer à la trappe de l’histoire. De préférence juste avant les élections…

Scène 6 – Au Sénat, sous le couvert de l’impunité, les représentants de la confédération se crient des gros mots de moins de huit syllabes que même Jeff Fillion comprend: fifs! terroristes! intellectuels! Celui qui le dit, c’est lui qui l’est. Et gna gna gna!

Sans égard à la solidarité parlementaire, lybéquistes, conservéraux se sont déchaînés dans des séances de dénonciations anonymes: scandales, lobbying crasse, favoritisme, les fuites se multiplient et l’affaire finit par voir le jour. Johnny Charlsky envisage d’éviter le scandale en le mettant sur le compte de l’initiative personnelle de son General Director et de son Chief of the Cabinette. Ces derniers évaluent déjà le prix de leur loyauté… tandis que, drapé dans son orgueil blessé et armé d’une nuée de juristes, Frygoon, soutenu par sa charmante épouse, Shirley Darling, concocte sa vengeance…

C’est à suivre…

Distribution

Le directeur de la Commission of the Cocktails sera joué par Ben Kingsley. C’est un personnage coquet, extroverti et flamboyant.

Le chef de la firme sera joué par Gene Hackman. C’est un homme vénal, qui ne recule devant rien pour arriver à ses fins.

Le détective, par Jack Nicholson, qui reprendra là une composition connue. C’est un pion qui ne saisit pas les enjeux de son action.

Le rôle du chef du Parti conservéral, opportuniste et inféodé à de puissants intérêts, sera tenu par Morgan Freeman.

The Spot serait postsynchronisé au Québec. Son budget publicitaire confié à Groupe Action. On espère une subvention fédérale afin de le présenter dans la course aux oscars dès l’an prochain.

J’ai des chances, non?