Médias : Accord perdu
Société

Médias : Accord perdu

Accord perdu

Dans la journée du 22 juin 1990, une partie de bras de fer se livrait dans plusieurs coins du Canada. Au Manitoba, à Terre-Neuve et à Ottawa, un intense jeu de coulisses se déroulait pour sauver l’Accord du lac Meech, qui aurait permis de réintégrer le Québec dans la Constitution canadienne. Mais à cause du blocage systématique d’un député amérindien, Elijah Harper, et du refus du premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells, de tenir un vote sur le sujet, l’accord est mort dans l’oeuf. C’est justement ce moment crucial de notre histoire récente que relatent les réalisateurs Carl Leblanc et Luc Cyr dans leur dernier documentaire, La Fin du Canada.

Avec ce nouveau volet de leur passionnante série 24 heures pour l’Histoire, les deux réalisateurs viennent de frapper un autre grand coup. Après Canada by Night (sur la Nuit des longs couteaux de 1981), La Belle Province (sur l’assassinat de Pierre Laporte) et Les Archives de l’âme (sur la Nuit de la poésie de 1970), ils se penchent à présent sur les nombreux événements ayant précipité la fin du l’Accord du lac Meech, qui devait, à l’origine, être ratifié sans trop de difficulté. Et la version qu’on en donne n’est peut-être pas celle qu’on attendait, c’est-à-dire le complot canadien-anglais pour isoler encore une fois le Québec. "Ce sont les faits qui nous intéressent. Comme les films pamphlétaires nous ennuient profondément, on veut déboulonner les mythes, sortir de la version "soviétique". C’est pour cette raison qu’on prend un temps fou à essayer de parler à tout le monde qui a été impliqué, que ces gens soient à Winnipeg ou à St. John’s", explique Carl Leblanc, rencontré en plein montage.

Pour La Fin du Canada, un projet qui traînait dans leurs valises depuis 1999, Carl Leblanc et Luc Cyr ont questionné tous les acteurs importants. Elijah Harper, Clyde Wells, l’ex-premier ministre manitobain, Gary Filmon et Brian Mulroney, entre autres, ont accepté de témoigner. Certains se sont fait tirer l’oreille plus que d’autres, comme Mulroney, pour qui l’échec du lac Meech est encore une plaie ouverte. C’était la première fois qu’il revenait d’ailleurs sur cette saga. "On se trouve encore dans la queue de la comète de Meech, précise Carl Leblanc. Il suffit de voir les événements qui ont suivi, comme le référendum de 1995 ou l’impasse constitutionnelle dans laquelle nous sommes toujours plongés."

Dans la lignée des meilleurs suspenses politiques, le portrait que font Carl Leblanc et Luc Cyr est saisissant. Ils se disent maniaques, minutieux et perfectionnistes, mais, dans leur cas, c’est loin d’être un défaut. La situation est racontée avec tant de doigté et de précision qu’il n’est pas nécessaire de tout connaître sur le sujet pour bien le comprendre. Même si Carl Leblanc affirme, peut-être à la blague, qu’il ne s’agit pas d’un "sujet sexy", ne l’écoutez pas. Ce documentaire va éclairer votre lanterne, même si vous n’appréciez vraiment pas la politique. À la limite, avec autant de rebondissements, ça s’écoute presque comme un thriller. Le 28 mars, à 20 h, sur les ondes de Télé-Québec.

Une histoire de P.E.T.
Restons dans le domaine politique: la fiction rejoindra la réalité dimanche, sur les ondes de CBC, avec la diffusion de la minisérie retraçant la carrière de Pierre Elliott Trudeau, décédé il y a tout juste un an et demi. Le corps de l’ancien premier ministre n’était pas tout à fait refroidi que les bonzes de la chaîne publique préparaient déjà une minisérie sur sa vie. C’est le comédien Colm Feore (Thirty-Two Short Films About Glenn Gould), rose rouge à la boutonnière, qui incarne le coloré politicien. Selon les premiers commentaires recueillis dans la presse anglophone, son interprétation serait criante de vérité. Avec cette production, on espère juste qu’on a réservé un meilleur sort à P.E.T. qu’à son ancien ennemi politique, René Lévesque. Les 31 mars et 1er avril, à 20 h.

Tout le monde dehors!
Il n’y a jamais de bon moment pour déclencher une grève, mais disons que les membres du Syndicat des communications de Radio-Canada ne pouvaient aussi mal tomber. Ce conflit de travail ne fait qu’empirer le malaise déjà profond à la société d’État. Mais on ne peut être contre la vertu: en sortant les pancartes pour l’équité salariale, les 1200 réalisateurs, journalistes et recherchistes s’embarquent dans une lutte qui pourrait servir d’exemple. On s’est donné des lois pour permettre aux femmes d’obtenir des salaires égaux à ceux des hommes, qu’on les applique maintenant. Malgré le fait que les syndiqués savaient très bien ce qu’ils risquaient en défiant leurs patrons, il est déplorable de voir l’attitude quelque peu sauvage de la direction de Radio-Canada, qui a décrété un lock-out après l’arrêt de travail de vendredi. Au bout du compte, c’est évidemment le public qui est pris en otage, mais vu la nature du débrayage, on va prendre notre mal en patience.