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Nathalie Rochefort : Rester en ligne
Son élection-surprise, il y a un an, paraissait déjà un peu incongrue: qu’allait faire une gauchiste dans un parti de droite? Aujourd’hui, NATHALIE ROCHEFORT dit garder la foi en la politique pour changer la vie, à condition de savoir comment s’y prendre. De gauche oui, idéaliste à tout crin, non. Le pari des petits pas?
Denoncourt Frédéric
Au lendemain de son élection, Nathalie Rochefort clamait qu’elle voulait être une élue "pas comme les autres", qui jamais ne perdrait contact avec ses commettants, qui toujours demeurerait à l’écoute. Déterminée à faire bouger les choses au sein d’un parti davantage reconnu pour ses affinités avec Laurent Beaudoin qu’avec Léo-Paul Lauzon, son discours en laissait plusieurs sceptiques. De l’aveu de Mario Dumont, les bonzes du PLQ allaient bien se bidonner devant ses appels à la lutte à la pauvreté et à la discrimination. Même son idole et modèle, Svend Robinson du NPD, ne se cachait pas pour affirmer qu’elle n’en mènerait pas large devant les intérêts des gros.
Chose certaine, pour celle qui a longtemps été organisatrice communautaire, qui fut très près des jeunes de la rue et bénévole pour divers organismes, il valait mieux faire le pari de l’engagement public plutôt que de rester dans une position de revendication permanente. "J’ai eu le goût de la politique quand j’ai constaté qu’il y avait des lois et des politiques qui ne correspondaient pas aux besoins des gens", laisse-t-elle simplement tomber. Bien au fait du discrédit qui plane sur la politique, Rochefort soutient que tout n’est qu’une question d’individu, de bonne volonté. Mais faut-il être naïf pour croire qu’on ne sera pas récupéré par cet univers? "Je veux démontrer par mon action quotidienne qu’on peut faire un travail propre. Et si je suis effectivement récupérée par la machine, je ne m’en rends pas compte pour l’instant."
Saut périlleux
N’empêche, lorsqu’on vient du milieu communautaire où on devine que les relations sont franches, sans "discours-cassette" ou langue de bois, la transition au monde politique doit être difficile. Force est de l’admettre. "C’est sûr qu’il y a des contraintes nouvelles. Surtout quand je veux faire adopter des idées, il faut que je pousse encore plus. Dans le communautaire, on ramait tous dans le même sens, on avait à peu près le même bagage." Et ce qui aide "la députée aux cheveux rouges" à garder le cap, son secret, c’est un peu les racines. "Je suis tombée dans la marmite du bénévolat quand j’étais jeune et je reste impliquée dans le communautaire. C’est important pour moi de rester très proche de ma gang, là-dessus je ne veux pas changer. Il n’est pas question de simplement donner de l’argent, il me faut garder contact avec les gens que je représente pour qu’ils voient que je suis encore parlable."
Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’action communautaire, Rochefort persiste dans sa passion première. "Ce dont je suis fière, ce sont les liens de confiance que je suis à établir avec l’ensemble des groupes au Québec. En ce moment, je reçois leurs critiques et quand on prendra le pouvoir, on aura des choses très concrètes à leur proposer et qui iront dans le sens de ce qu’ils demandent. Je reste positive et m’attache à des petites choses afin d’aider les gens à un niveau plus restreint. Ma plus grande déception est de ne pas pouvoir en faire plus."
Un an plus tard, celle qui épouse toujours la cause sociale modère cependant les élans d’idéalisme et plaide pour un esprit d’équipe qui prévaut tout autant dans le communautaire qu’en politique, selon elle. Ainsi, sa solidarité ne se borne pas à ceux qu’elle représente, discipline de parti oblige. Mais peut-être est-ce la seule façon d’envisager l’engagement public. "Par respect envers les collègues, quand le débat est terminé dans le caucus, on doit se ranger à la décision." Mais l’establishment du parti n’établit-il pas toutes les règles à l’avance? "Mon expérience au sein du parti me dit que les discussions sont franches et ouvertes, la liberté de parole existe. Et puis, quand j’arrive avec un sujet épineux, j’essaie de le faire valider auprès des collègues avec lesquels je partage des valeurs, question de savoir comment faire passer mon idée. C’est du marketing en fait, on doit vendre ses idées."
La députée de Mercier maintient ainsi qu’elle peut, comme simple députée, faire bouger des choses un peu, innover. "Par exemple lors du congrès des jeunes du parti, j’ai fait venir des jeunes marginaux qui normalement manifestent à l’extérieur. Ils ont eu le sentiment d’être écoutés." Et si les politiciens faisaient surtout semblant d’écouter, surtout lorsqu’on tient un discours progressiste? "Chez nous, je crois vraiment qu’on a de l’influence. Ce que j’appelle l’aile sociale du parti a réussi à faire passer dans le programme l’indexation des prestations de sécurité du revenu [le gouvernement vient d’annoncer que l’indexation deviendra effective le 1er janvier 2003] et la gratuité des médicaments."
Pour cette ancienne candidate du NPD, la politique n’est donc pas un problème, mais une partie de la solution. Jurant ne pas avoir aujourd’hui perdu ses illusions, elle se dit avant tout impressionnée par la charge de travail. Elle clame à qui veut bien l’entendre qu’il y a encore de la place pour les projets de société et les idées en politique par delà les diktats du pragmatisme et de l’électoralisme, qui ont trop souvent cours. La règle? Patience. "Par exemple, l’instauration d’une loi cadre sur l’élimination de la pauvreté ne se fera pas du jour au lendemain, c’est évident, mais c’est un magnifique projet de société", lâche-t-elle.
Question d’image
Quant au syndrome de Pinocchio et l’art du mensonge en politique identifié par le journaliste André Pratte il y a quelques années, Rochefort tente une explication. "C’est sûr qu’il y a des politiciens qui mentent carrément. Mais j’ai l’impression que le problème vient de ce qu’une fois arrivé au pouvoir, les surprises arrivent. Il y a sûrement de l’information qu’on n’a pas pu obtenir dans l’opposition et tout à coup on se rend compte par exemple qu’il y a moins d’argent qu’on croyait dans les coffres."
Serait-ce plutôt un problème de transparence du discours? "Une bonne question. Personnellement, bien souvent je ne peux m’avancer, dévoiler quoi que ce soit avant d’avoir vérifié certaines choses. Cela peut donner l’image d’un discours en demi-vérité, mais il faut savoir qu’on a un devoir de réserve. Puis deux ou trois semaines après, il est possible de revenir avec beaucoup plus d’information."
Le bris de confiance avec la population, pour qui les politiciens sont souvent vus comme des arrivistes assoiffés de pouvoir, provient avant tout d’une méconnaissance du travail et de la réalité des politiciens, plaide Rochefort. "Peut-être que nous ne prenons pas vraiment le temps d’expliquer notre travail. Je suis en train de rédiger une chronique mensuelle à cet effet. Ce qu’on fait dans notre comté est mal connu comparativement aux travaux de l’Assemblée nationale."
Quoi qu’il en soit, tout semble beaucoup plus simple dans l’opposition, on critique le gouvernement, les médias nous appuient souvent, la population aussi. Mais les partis ne sont-ils pas tous, tôt ou tard, rattrapés par l’électoralisme? Tout gouvernement n’agit-il pas de la même façon? "Je dirais que non, c’est une question de volonté et de capacité à se regarder et à faire de son mieux tout en se souvenant de ses engagements. Mais il faudrait que je t’en reparle quand on sera au pouvoir", conclut avec franchise Nathalie Rochefort.