Dimanche dernier, de passage au Texas, le premier ministre britannique Tony Blair prononçait un discours marquant devant des invités triés sur le volet.
À l’ordre du jour: la Palestine, le terrorisme, les rôles respectifs de l’OTAN et de l’ONU, les conséquences économiques du 11 septembre, la mondialisation et un tas de basses flatteries pour l’Amérique des Américains.
En imbriquant ces préoccupations l’une dans l’autre, Blair tenait à démontrer que nous habitions désormais sur une si petite planète que la moindre déstabilisation régionale a des conséquences importantes sur les réseaux économiques tentaculaires des grandes puissances et qu’elles n’allaient pas se laisser faire.
Félicitant l’Amérique pour le rôle joué dans l’éradication des dictatures en Bosnie, en Sierra Leone, maintenant en Afghanistan et demain en Irak.
Il admit sans complexe que ce n’est pas par simple altruisme qu’il estime nécessaire d’intervenir régulièrement en compagnie des États-Unis dans les affaires de pays indépendants: le désordre est l’ennemi du progrès. Lorsque le désordre nous menace, il ne faut pas hésiter à punir les nations qui désobéissent en utilisant les outils de l’ordre. Ces outils qui sont les sanctions économiques, et le recours aux armes. Dit-il.
Interpellant les détracteurs de la mondialisation, le premier ministre les invite à y souscrire le plus rapidement possible arguant qu’il s’agit d’un formidable outil de développement économique et de partage.
On voudrait le croire… Même si, jusqu’à maintenant, l’expérience semble démontrer que, dans ce contexte de mondialisation, l’instauration de la loi des marchés provoque, comme en Pologne, en Argentine ou en ex-URSS, la faillite de millions de petits épargnants afin de préserver la profitabilité d’entreprises surprotégées par les diktats du Fonds monétaire international. La faillite d’Enron ne représente-t-elle qu’un faux pas dans la marche des actionnaires du monde entier vers un avenir meilleur? La migration de milliers d’emplois des sociétés industrialisées vers des pays offrant des perspectives d’exploitation bon marché durant quelques décennies est-elle un des visages que doit prendre le partage?
Blair sait bien que s’il ne veut pas que son pays devienne à l’instar de la Russie une puissance régionale laissée pour compte dans la course à l’enrichissement, il doit faire corps avec l’Amérique dans ce nouveau colonialisme soft.
Aussi s’empresse-t-il de siéger à la droite du Shérif W. Bush.
Et d’accueillir chez lui quelques-uns des 24 000 missiles de croisière à courte portée en cours de fabrication aux USA.
De soutenir l’initiative Paix par la lumière. Qui prescrit l’utilisation des lasers montés sur avions pour détruire les missiles ennemis. Missiles dont les débris retomberont malencontreusement sur les régions survolées.
De soutenir la modélisation des bobinettes atomiques portatives dont l’utilisation limitée est désormais envisagée sur les champs de bataille lointains.
Avis à ceux qui craignent l’hégémonie du hamburger laitue-tomate. Les temps ont changé. La dévastation des forêts amazoniennes par les vaches brunes, l’extinction du panda et la propagation de la crotte au fromage de marque OGM sont relayées aux oubliettes par le retour des bonnes vieilles méthodes d’intimidation. L’Amérique et son plus proche allié vont-ils un jour s’opposer par la force au retour de socialistes en France, à l’instauration d’un salaire minimum garanti en Pologne, à un soulèvement populaire au Tibet, à l’indépendance du Cachemire ou du Timor oriental parce que ce genre d’événement s’apparente au désordre.
Les choses se passeront-elles nécessairement dans la cour des grands comme dans la cour d’école? Le gros George te vide les poches, pendant que Tony te sacre une volée…
De l’ordre, c’est clair! Tout le monde en rang. Les grands en avant et les petits derrière.