![La Guilde des musiciens contre les petites salles de spectacle : Syndic de faillite](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/10/12602_1;1920x768.jpg)
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La Guilde des musiciens contre les petites salles de spectacle : Syndic de faillite
Après l’"affaire Dutoit", voilà que la Guilde des musiciens s’attirent les foudres des propriétaires de petites salles de spectacle. Une association pour la protection des lieux alternatifs de la culture émergente (APLACE) s’est même formée pour contrer l’imposition de réglementations par la Guilde. Voir a assisté à sa création. La relève musicale de Montréal est en jeu…
Parazelli Éric
Photo : Victor Diaz Lamich
La scène se passe le 26 avril dernier, à 14 h, au Café Chaos situé rue Saint-Denis. Autour d’une table sont réunis des représentants de salles de spectacle qui, à l’invitation de Sébastien Croteau, responsable des activités socioculturelles au Café Chaos, sont venus discuter de la nécessité de se regrouper pour se faire entendre de la Guilde des musiciens. C’est que cette dernière voudrait imposer ses réglementations à des salles ayant pour mandat le développement de la vie culturelle et de la relève montréalaises. Des règles qui ne tiendraient pas compte de la réalité économique de ces lieux qui sont loin de rouler sur l’or, selon les intervenants présents à cette réunion, représentant des endroits comme Le Zest, Le Va-et-vient, Le Sergent Recruteur, La Place à côté, L’X ou le Café Sarajevo, entre autres.
Un syndicat et son président (Émile Subirana) que l’on qualifie "d’organisation mafieuse", de "tête de cochon" et dont on essaie de trouver le moyen "de le crucifier", voilà qui a de quoi étonner. Pourtant, ceux et celles qui sont habitués aux méthodes pour le moins cavalières de M. Subirana (parlez-en à Charles Dutoit…) n’auraient pas été surpris outre mesure d’entendre la grogne monter à son endroit cet après-midi-là. À tour de rôle, chacun explique sa situation, les avis de convocation reçus, l’attitude intransigeante des avocats dépêchés par la Guilde en médiation ou, plus directement, l’incompréhension hargneuse dont a fait preuve le président lors de conversations téléphoniques avec certains d’entre eux ou par voie de communiqué, comme dans celui daté du 1er octobre 2001, qui a littéralement mis le feu aux poudres, où Subirana affirmait: "À l’image des employeurs du 19e siècle qui s’indignaient dès que leurs travailleurs osaient revendiquer plus que leur maigre pitance, les propriétaires de bars d’aujourd’hui jouent les vierges offensées devant les accusations portées par la Guilde à leur endroit, selon lesquelles ils sont les pires exploiteurs des musiciens du Québec. (…) Manifestant un singulier manque de respect à l’endroit des jeunes artistes qui contribuent à mousser leur chiffre d’affaires, les propriétaires de boîtes de nuit forcent les musiciens à mendier en passant le chapeau et à se contenter de ce que les clients voudront bien leur laisser ce soir-là. (…) Ces exploiteurs servent toujours la même rengaine à leurs victimes: si la Guilde les force à les payer, ils devront fermer leurs portes. La réponse de la Guilde à cette menace repose sur une logique toute simple: comme toutes les autres entreprises, si les exploitants de bars et de boîtes de nuit sont incapables de rester en affaires parce qu’ils doivent payer les travailleurs qui les font vivre, eh bien, ils n’ont qu’à fermer leurs portes."
"Subirana est dans le champ ben raide! s’indigne Carl Gaudet, gérant-programmateur du Sergent Recruteur. Des exploiteurs, ben voyons donc! Ben oui, on les oblige à jouer avec des fouets! Moi, je ne cours après personne pour offrir des shows, je suis sollicité pour en organiser. Ce n’est pas notre pain et notre beurre. Nous, on fabrique et on vend de la bière; les spectacles sont des bonus pour nos clients. On le fait strictement par vocation culturelle, pour encourager la relève."
"C’est de la démagogie! renchérit Henri Barras du Zest. Subirana affirme que si on est capable de payer des laveurs de vaisselle, on doit pouvoir payer les musiciens de la relève aux mêmes tarifs que les professionnels de la Guilde. Est-ce qu’il sait combien sont payés les laveurs de vaisselle? Voyons, faut être sérieux! Que la Guilde protège les musiciens des grands orchestres symphoniques ou les musiciens professionnels, c’est tout à fait normal. Mais on ne peut pas empêcher la relève de s’exprimer! Et la relève, elle s’exprime dans des lieux comme les nôtres. Le problème, c’est que la loi québécoise sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène est mal faite. Elle ne reconnaît pas les endroits de diffusion comme les nôtres, elle amalgame toutes les salles, autant les grandes que les petites, comme étant des producteurs. Personne n’a pensé à la relève dans cette loi."
"Dans le fond, ce que la Guilde veut, affirme Yvan Boudreau, propriétaire de La Place à côté, c’est que tous les musiciens soient obligés d’être membres en règle pour se produire, peu importe l’endroit, et qu’on fasse tout le travail pour eux; car c’est nous qui allons être obligés de remplir les paperasses, leur verser des redevances à même nos poches et jouer aux policiers pour les informer des musiciens qui ne sont pas en règle, pendant qu’elle se roule à terre de rire jusqu’à la banque pour collecter les cotisations!"
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la majorité des lieux visés par les accusations de la Guilde ne se considèrent pas comme étant des producteurs de spectacles. La plupart du temps, soit on loue la salle aux musiciens qui se payent grâce aux revenus d’entrées (comme La Place à côté), soit on donne un cachet tiré à même les profits de la caisse (comme au Sergent Recruteur qui se fait une fierté de présenter des spectacles gratuits à chaque semaine), ou alors, comme le Zest (qui est financé à même les subventions de l’organisme Faites de la musique qui a pour but d’encourager la diffusion d’événements musicaux dans ce quartier défavorisé économiquement et culturellement de l’Est de Montréal) qui fournit salle, techniciens et publicité gratuitement, en laissant les musiciens se payer avec les billets vendus ou à même les revenus de vente d’alcool. Essayez d’imposer à ces endroits de payer aux musiciens des tarifs pouvant atteindre plus de 1200 $ pour deux formations de quatre membres, et vous risquez fort de les décourager à continuer d’offrir des spectacles d’artistes de la relève à leur clientèle. Pour Max, agent de développement communautaire à la salle de L’X, même s’il n’a pas encore été contacté par la Guilde, il voit la situation comme étant potentiellement désastreuse: "Nous, on présente des shows à 5 $ avec des groupes qui se produisent eux-mêmes et qui ont la mentalité punk d’arriver à faire ce qu’ils veulent avec le moins de moyens possible; ils ne font pas ça pour le cash. Si la Guilde entre chez nous, c’est un gros morceau de l’underground qui va disparaître." Même son de cloche du côté du Zest: "Si la Guilde veut nous imposer des tarifs obligatoires, nous serons obligés de fermer la salle, c’est aussi simple que ça, explique Henri Barras. Lorsque nous avons été convoqués en médiation avec la Guilde, leur avocat nous a tout de suite affirmé qu’il n’y avait rien à négocier! Nous parlons deux langages différents. Le médiateur nous a même dit qu’on ne pouvait régler ce problème qu’en contestant cette démarche sur le plan politique. Et sur ce plan, on n’a aucun pouvoir si on le fait de façon individuelle; il faut se regrouper. On ne s’en sortira jamais autrement."
Quelques heures plus tard, la quinzaine de personnes présentes ont convenu de fonder une association baptisée APLACE (association pour la protection des lieux alternatifs de la culture émergente), ont approuvé une série d’objectifs à atteindre et ont convenu de manifester ce jeudi 2 mai, à midi, devant les locaux où aura lieu l’assemblée générale annuelle de la Guilde, au 1430, rue de la Montagne. L’APLACE est d’ailleurs appuyée par les musiciens qui se produisent régulièrement dans les lieux qui font partie de l’association. Comme quoi même ceux prétendument défendus par la Guilde s’opposent à ses récentes offensives.
Pour Sébastien Croteau, l’instigateur de ce regroupement, Émile Subirana, ne perd rien pour attendre et il devra répondre de ses actes et de ses propos diffamatoires à l’endroit des propriétaires de petites salles de spectacle, quitte à démissionner: "Ce qui est clair, c’est que Subirana a agi en solo autant dans le dossier de l’OSM que dans celui des salles de spectacle. Et c’est LA personne au sein de la Guilde qui s’oppose à toute forme de négociation avec les artistes de la relève et leurs lieux de diffusion. Subirana, c’est comme la galle sur le bobo; une fois la galle partie, on peut examiner le bobo, l’opérer et le laisser se cicatriser. Si cette personne-là n’est plus en fonction, il y aura peut-être une ouverture sur le plan du dialogue. Parce qu’à l’interne, il y a déjà des signes d’ouverture; un comité a été formé (contre la volonté de Subirana) pour étudier la problématique de la relève dans le milieu jazz et la capacité de payer des petits producteurs. Et on sait qu’il n’y a pas juste le jazz qui les intéresse. C’est donc avec eux qu’il faut dialoguer."