Société

Le confessionnal

Ils ont mis leurs beaux souliers, leurs chapeaux ronds, leurs p’tits foulards à la Bardot et leurs grandes robes à crinoline…

Puis, comme dans la chanson, s’en sont allés de bon matin laver du linge sale dans la fontaine du Vatican…

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Bonjour messieurs, bonjour mon père, salut vieux pape! Et la santé? Les lumbagos et la vessie? La thyroïde, les couilles et l’ouïe?

T’en souviens-tu, Son Éminence, on a fait le séminaire à Cracovie ensemble. On était jeunes et fous de théologie. Et puis y avait cette fille, cette Natalia, à demi juive que t’aimais bien. On a failli te perdre. Je sais, elle a fini à Auschwitz…

Non, pas Sandwich! Auschwitz! Un peu sourdingue, mon vieux Karol!!? Excuse-moi si je crie.

Au fait, parlant sandwich, que mangeons-nous pour le souper? Qu’y a-t-il à boire? De quelle cuvée, quelle Italie? À quelle heure passe l’ascenseur pour les cuisines? Et qui conduit? Desmolase Tutu? Maurice Coucou?

By the way, Sainteté, l’as-tu lu son livre? Qui? Maurice Couture, je t’ai dit. J’ai bien aimé le passage sur le marxisme et la théologie. Et puis le bout sur les Orphelins de Duplessis. Sa manière de justifier le silence de l’Église coincée entre le droit et le gouvernement. Il le dit clairement: présenter des excuses, ç’aurait été à moitié avouer la faute… Et rien ne dit qu’elle aurait été pardonnée. Avec ces médias qui biaisent l’image, il avait bien raison de se méfier.

Ah! les médias. Parlons-en, Votre Grandeur. On n’est pas qu’un peu dans la merde.

Je sais, vous me direz, s’il fallait qu’on s’en fasse chaque fois qu’un prêtre a tripoté un adolescent dans le dernier siècle, l’Église ne dormirait plus.

Ben justement, voilà le problème, Votre Immensité. Les fois d’avant, on s’en sortait sans encombre. C’était des racontars, des histoires de fesses sans conséquences entre missionnaires et indigènes, des commérages du bout du monde, des Maritimes ou de la Belle Province, du Mount Cashel au Séminaire des pères J’en Foutre. Des scandales de rien du tout, propagés par des excités, des communistes et des intellectuels athées. De l’entubage de mouche vite étouffé par le maire Tremblay et le docteur Dugland.

Je sais, on est des hommes tout de même et, parfois, ils nous sont restés sur la conscience ceux-là qui, à petit feu, mouraient de honte, ceux qui se pendaient dans l’ombre, au fond des granges.

Même si le suicide est un péché, nous leur ferons grâce et les emporterons en paradis où seul Dieu peut nous juger.

Mais en attendant, au Nouveau Monde, chez les riches et les puissants, ce genre d’affaire fait beaucoup de bruit. Et des légions d’avocats l’entendent. Maintenant, comme vous dites, faut s’organiser avant que ça dégénère. Aux USA, sur la côte est, on a la quête et la grand messe qui fichent le camp. Un million de pertes en deux semaines! Si ça traîne encore, faudra faire hypothèque. Notre parc immobilier dans le centre de Montréal va péricliter. Tout juste si on pourra payer le chauffage de l’Oratoire et de Notre-Dame. D’autant que, depuis le départ d’Aldo Moro, on peut pas vraiment compter sur le 1000 % de rendement de l’argent sale en Italie.

Tolérance zéro, vous dites, mon bon vieux pape? C’est ce qu’on raconte à la presse. Mais n’était-ce pas ça avant? Sinon pourquoi avons-nous fermé les yeux? C’est ce que nous demanderont les gens. J’ai bien peur que votre déclaration ne soit plus suffisante, d’autant que ce serait vous prendre pour un ventriloque puisque plus personne ne comprend vos balbutiements.

Sérieusement, qui avons-nous à la Justice pour faire pression sur le fils Bush? Et Kennedy pour Boston? C’est tout de même un catholique, oui ou non?

J’ai entendu dire qu’il y a parmi nous des progressistes qui proposent des solutions simplettes. Comme de permettre le mariage des prêtres ou même d’autoriser les relations en tout genre. Si nous les avions vécues comme tout le monde, nos pulsions, peut-être l’Église n’aurait-elle pas été pendant 1000 ans le repaire privilégié de la perversion et de la déviance imposées par le renoncement et la chasteté. Passer toute sa vie durant à combattre la nature et les hormones, que voulez-vous qu’il en sorte de bon? On en sort toujours perdant, névrosé, déviant…

Qu’avez-vous dit, Votre Grandeur? Qu’il faudra d’abord qu’on vous passe sur le corps?

Tiens, justement, ça me rappelle le gag du vieux curé au confessionnal. Qu’est-ce qu’il donne le curé pour une pipe? Un chips pis un Pepsi…

Elle est bien bonne. La connaissiez-vous?