![Droit de cité : Fermons Dorval (1)](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/10/12675_1;1920x768.jpg)
![Droit de cité : Fermons Dorval (1)](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/10/12675_1;1920x768.jpg)
Droit de cité : Fermons Dorval (1)
Éric Grenier
Comment voulez-vous trancher un débat quand tous ceux qui sont censés "connaître ça" ne s’entendent pas? Quand ils vous soumettent deux diagnostics parfaitement contradictoires, et pourtant tous deux parfaitement crédibles, puisqu’ils sont censés connaître ça, en tout cas, plus que nous? Et quand chacun des camps croit aveuglément être investi de la science infuse?
Alors, docteurs, c’est le cancer ou le diabète? Devant pareil dilemme, le patient, prisonnier de son ignorance, a de bonnes chances de mourir d’une insuffisance cardiaque, finalement.
Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, la question est: Dorval ou Mirabel? La réponse risque d’être: en autocar. On viendra du reste du monde à Montréal en autocar, depuis Toronto. Nous irons en Europe ou en Asie en autocar, en passant par Pearson Airport.
Au moment où vous lisez ces lignes, Aéroports de Montréal (ADM), l’agence qui gère Dorval et Mirabel pour le compte du gouvernement fédéral, devrait avoir annoncé qu’elle fermera à toutes fins utiles Mirabel, qu’elle rapatriera à Dorval ce qu’il restait de vols à l’aéroport maudit. On ira désormais faire flotter des cerfs-volants à Mirabel.
Malgré cette mise à mort du jadis prétendument plus grand aéroport du monde, rien n’indique que le débat, lui, soit venu à son terme. Pour la simple et bonne raison suivante: la réponse, Dorval, n’a rien de convaincant.
Lors du rapatriement des vols internationaux à Dorval, il y a cinq ans, ADM jurait que cette solution était la bonne pour refaire de Montréal une plaque tournante du trafic aérien au Canada. Qu’après quelques centaines de millions de dollars en investissements, Montréal reprendrait la place qui lui était due.
Cinq ans plus tard, le constat en est un d’échec total. Certes, il y a plus d’avions qui décollent et qui atterrissent à Montréal qu’il y a six ans. Mais seulement parce que l’économie se porte mieux depuis: nous allons plus souvent à Toronto par affaires, nous prenons davantage de vacances dans le Sud.
Mais essentiellement, la place de Montréal comme plaque tournante aéroportuaire avoisine la quantité négligeable. Montréal continue de perdre du terrain par rapport à Toronto, par rapport à Vancouver, et par rapport à Ottawa. Les liaisons internationales directes avec Montréal tombent les unes après les autres.
A posteriori, il ne fait plus de doute que la seule raison qui ait motivé de tout rapatrier à Dorval plutôt qu’à Mirabel, c’est la volonté d’Air Canada, qui représente plus de 60 % des activités d’ADM. La promesse d’Air Canada de remettre Montréal en piste était de la poudre aux yeux, que bien des gens avisés de Montréal ont reçue comme les pauvres truites gobent les mouches sèches des pêcheurs. Air Canada n’avait nul autre plan que de faire de Montréal son aéroport de dégagement pour sa plaque tournante torontoise. Que Montréal serve à alimenter l’aéroport Pearson.
L’aéroport de Mirabel n’est pas l’éléphant blanc tant décrit et décrié. Au dire de plusieurs experts en aviation, l’aéroport n’est pas mal conçu du tout. Son aérogare est efficace et fonctionnel. Certes, comme plusieurs le lui ont reproché, il n’a pas le cachet et la chaleur d’une cabane en bois rond, mais c’est un aéroport, bordel! Et c’est toujours mieux que le souk qui sert d’aérogare à Dorval. La distance entre Mirabel et le centre-ville? Elle est comparable à celle qui sépare beaucoup de villes de leur aéroport. Les possibilités d’expansion y sont immenses. Dorval, à titre d’aéroport international, n’a aucun n’avenir. Au pire, en 2015, il sera déjà congestionné. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour Montréal que son aéroport international aux allures de poste de brousse soit déjà désuet dans 10 ans, même après qu’on y eut investi quelque 1,3 milliard $, et probablement plus. Tandis qu’agoniserait là-bas Mirabel…
L’éléphant blanc, c’est la gestion des aéroports de Montréal depuis 35 ans. ADM, plutôt que de relancer cet outil indispensable à la vie économique de Montréal, n’a qu’ajouté sa pierre à ce gigantesque monument élevé à la gloire de l’incompétence la plus crasse dont sont parfois capables les pouvoirs publics.
Un monument d’autant plus aberrant que sa construction ne serait plus possible aujourd’hui. Pour ériger Mirabel, les autorités fédérales ont lapidé le patrimoine familial de centaines de ménages. On a escroqué leurs propriétés, ils ont été harcelés jusqu’à la signature d’une reddition à rabais. On a incendié leurs maisons avant même qu’ils les aient quittées. Puis, on a revendu à prix d’ami les propriétés expropriées en trop à des proches du parti.
Le comportement du gouvernement fédéral de l’époque à l’égard des familles expropriées n’est guère différent de celui dont Israël fait preuve aujourd’hui envers les colonies juives en territoires occupés. D’ailleurs, c’est à se demander pourquoi les fonctionnaires et les politiciens de l’époque, dont le premier ministre actuel, n’ont jamais été traînés devant les tribunaux, pour crimes contre l’humanité, ou quelque chose comme ça.
La semaine prochaine: Pourquoi il faut démanteler Dorval…