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Les drogues légales : Marché libre
Il y a quelques semaines, nous vous entretenions de la salvia, une drogue légale en circulation à Montréal. Voilà que le marché est envahi par d’autres substances du genre: peyotl, dream herb, morning glory… Une boutique leur étant dédiée ouvrira même ses portes à Montréal! Quels sont ces produits inconnus de Santé Canada et des forces policières?
Georges Boulanger
Il y a deux façons de se procurer du peyotl, ce cactus aux propriétés hallucinogènes utilisé par les indiens Huichol du Mexique durant leurs cérémonies religieuses (et par Jim Morrison dans une scène célèbre du film The Doors).
La première consiste à vous rendre à Real de 14, une petite ville au centre du Mexique. Au "centre-ville" de Real, vous vous négociez une place sur le toit d’une des petites jeeps de la Deuxième Guerre mondiale qui descendent (très, très lentement) l’étroit chemin de gravier jusqu’au village d’Estacion 14, situé au creux d’un canyon profond de plusieurs centaines de mètres. Quand vous arrivez à Estacion 14, vous demandez Pepe, un villageois qui peut vous conduire jusqu’au fond du désert, là où se trouve le peyotl. Un bon pourboire augmente les chances qu’il repasse vous chercher le lendemain…
Vous pouvez aussi faire comme Sasha et commander du san pedro, un cactus cousin du peyotl, sur Internet. "J’ai passé ma commande sur Internet et je l’ai reçu à ma porte par la poste. J’ai payé avec ma carte de crédit. J’ai même payé des taxes sur ma drogue!"
Peu de gens le savent, mais il y a des dizaines et des dizaines de plantes, champignons et autres substances plus ou moins chimiques aux propriétés, disons, récréatives qui sont tout à fait légaux au Canada. En fait, il y en a tellement que Sasha, un utilisateur expérimenté de drogues psychédéliques, affirme qu’il pourrait facilement se passer des drogues illégales. "Il y a des milliers de plantes aux propriétés psychédéliques qui ne sont pas réglementées d’aucune façon. En fait, seule la pointe de l’iceberg est réglementée."
Sasha (il ne veut pas que je dévoile son véritable nom, de peur de mettre en danger son emploi) prépare pour cet été l’ouverture d’une boutique sur le Plateau dédiée à toutes les choses psychédéliques: vêtements, musique, pipes, magazines et livres. Sasha voudrait aussi que Psychonaut (le nom de la boutique) soit un endroit où les gens qui s’intéressent aux drogues psychédéliques légales puissent trouver de l’information fiable. "Ce qui est le plus important pour moi, c’est d’éduquer les gens. Je veux leur donner de l’information. C’est quand les gens prennent toutes sortes de choses sans savoir ce qu’ils font qu’ils ont de mauvaises expériences. Il faut faire attention."
Variétés multiples
Il n’y a pas si longtemps, les drogues "légales" n’étaient que des légendes urbaines qui circulaient dans les couloirs des polyvalentes (du genre: fumer du thé ou sniffer de la muscade donnent un buzz). Avec Internet (encore une fois!), les ados courageux (ou stupides) peuvent maintenant partager leurs expériences sur une multitude de sites Web. Sur erowid.org, par exemple, les botanistes amateurs et les chimistes en herbe construisent des bases de données sur une multitude de plantes et de substances: leur statut légal, les méthodes de préparation, les précautions à prendre avant de consommer et des "rapports de voyage". En passant, la muscade n’est pas du tout recommandée.
Sasha peut nommer des dizaines de plantes psychédéliques qu’il peut se procurer tout à fait légalement, sur Internet, et même dans certaines boutiques de Montréal.
Parmi les plus populaires:
Le morning glory: "Une vigne aux petites fleurs bleues vendue comme plante décorative au Canada. Les graines de morning glory contiennent du LSA, un produit chimique cousin du LSD, mais légal. C’est 1/10 de la force du LSD. En fait, il n’y aurait pas d’intérêt si le LSD était légal."
Le hawaiian baby woodrose: "Une autre plante décorative qui contient du LSA."
Le dream herb (calea zacatechichi): "C’est une herbe qui ne te fait pas d’effet lorsque tu es éveillé, mais qui te donne des rêves plus fous et plus longs quand tu dors."
La salvia (dont nous vous avons entretenus il y a quelques semaines): Une autre herbe qui se fume et qui a fait son apparition à Montréal il y a quelque temps. "Contrairement à ce qu’on raconte, ce n’est pas une drogue récréative. Tu prends ça pour te faire peur. Pour te faire tellement peur que tu réalises des choses sur toi (!)."
Il y a aussi les spores de champignons magiques et les graines de marijuana qui peuvent être achetées dans plusieurs boutiques et magasins d’aliments naturels de Montréal parce qu’à moins d’être cultivées – ce qui est illégal -, elles ne contiennent pas de substances actives.
Les autorités s’inquiètent
"Dire que ce n’est pas criminel ne veut pas dire que c’est légal!" prévient Jean Lemieux du programme de sensibilisation aux drogues de la GRC. Le policier reconnaît que plusieurs plantes aux propriétés psychotropes ne sont pas couvertes par la Loi réglementant les drogues et certaines autres substances de 1996, "mais tu ne peux pas mettre ça dans un sac Ziploc et vendre ça dans une boutique, de la même façon que tu ne peux pas mettre du beurre de peanut dans un pot et vendre ça n’importe comment."
Les policiers n’ont pas le mandat de surveiller les drogues qui ne sont pas explicitement nommées dans le Code criminel. Cette tâche revient à l’Inspectorat de la direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada, le même service qui surveille, justement, le beurre de peanut. Francine Ménard, directrice d’unité, recommande aux gens de ne jamais consommer de produits qui ne possèdent pas de numéro DIN certifiant qu’ils ont été inspectés et approuvés. "S’il n’y a pas de DIN, il n’y a aucune façon de savoir ce qu’il y a dans le produit, ou ce qui y a été ajouté."
L’organisme a une équipe d’inspecteurs et le pouvoir de saisir des aliments et médicaments qui n’ont pas été homologués par Ottawa. Francine Ménard admet cependant que la prolifération de sites Internet où l’on vend toutes sortes de produits a rendu leur travail beaucoup plus difficile. "Nous avons quelques vérificateurs sur Internet, mais c’est tellement gros que c’est très difficile à contrôler."
Une recherche rapide du terme "legal high" (trip légal: nom donné à ces drogues) sur Google révèle qu’il y a en effet des centaines de sites qui vendent, de façon apparemment légale, toutes sortes de produits comme la salvia, le morning glory ou le san pedro. Au point où même les propriétaires de sites Internet comme jlfcatalog.com et pleasureherbs.com s’inquiètent de l’anarchie qui règne dans "l’industrie". "Il y a une quantité horrible de produits bidon sur le marché, constate Yamila Abraham, propriétaire de ce dernier site Web. "Les gens devraient faire très attention avant de fumer n’importe quoi, particulièrement en ce qui concerne les >alternatives à la marijuana>. Peu de produits donnent vraiment de bons résultats."
L’information diffusée sur Internet peut aussi être erronée ou incomplète. Prenez le san pedro que Sasha a commandé sur le Web. Vérification faite auprès de Santé Canada, il s’avère que ce cactus est illégal au Canada! Bof, tant qu’il a payé ses taxes…