Principal lobby pro-Israël aux États-Unis, l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) est considéré par le magazine Fortune comme l’un des quatre lobbies les plus importants au pays. Et, comme le fait remarquer sa porte-parole, Rebecca Needler, dans le top 25 du lobbying, il s’agit du seul acteur oeuvrant dans le domaine des affaires étrangères. La position d’AIPAC consiste en un support inconditionnel au gouvernement israélien. Et, pour le porte-parole du American-Arab Anti-Discrimination Committee (ADC), Hussein Ibish, le même énoncé s’applique aussi au gouvernement américain: "Ce n’est pas compliqué, l’appui des États-Unis à Israël est inconditionnel, ce qui ne nous donne aucune prise sur eux quand vient le moment de tenter un accord de paix."
Questionnée sur l’influence de son comité sur le gouvernement, Rebecca Needler présente les choses autrement: "En ce qui concerne l’idée selon laquelle Bush et le gouvernement américain soutiennent Israël à cause du lobby juif aux États-Unis, je pense que si vous regardez la position du président, vous voyez qu’intuitivement, il comprend que la démocratie israélienne se défend contre le terrorisme."
Les sous
Le New York Times l’a écrit, l’AIPAC est "l’organisation la plus déterminante sur les rapports entre les États-Unis et Israël", comme on peut le lire dans le site Web de l’organisation. La citation est mise bien en évidence, non loin des "remerciements" aux membres du Congrès qui ont bien voulu renouveler les 3 milliards $ d’aide à Israël dans le budget 2002 (2,04 milliards $US en aide militaire, le reste en aide économique).
Selon la revue Washington Report on Middle East Affairs, entre 1978 et l’année 2000, 1732 membres du Congrès ont reçu de la part du lobby pro-Israël un peu plus de 34 millions $US en contributions partisanes pour soutenir le petit État du Proche-Orient. À l’autre bout du processus, les États-Unis s’apprêtent à franchir le cap des 100 milliards de dollars d’aide cumulée à Israël depuis sa création en 1948. C’est pas moins du tiers de l’aide américaine à l’étranger qui y passe chaque année.
Une situation qui dérange de plus en plus aux États-Unis. La WRMEA, par exemple, se spécialise dans la diffusion d’études et de rapports sur les présumés excès du gouvernement américain dans le dossier d’Israël. Ce groupe composé notamment d’universitaires et d’anciens membres du Congrès réclame l’adoption des résolutions de l’ONU sur le retrait israélien et déplore la trop grande influence de groupes comme l’AIPAC. "Le PIB d’Israël est plus élevé que ceux de l’Égypte, de la Jordanie, de la Syrie, du Liban, de la Cisjordanie et de Gaza réunis. (…) Étant donné la prospérité relative d’Israël, l’aide américaine devient de plus en plus controversée", plaide Stephen Zunes, professeur en sciences politiques à l’Université de San Francisco.
Dans une édition récente, le magazine américain Prospect demandait pourquoi les États-Unis ne se servaient pas de cette dépendance financière pour faire pression sur Ariel Sharon. Il semble bien que poser la question, c’est y répondre. "Les membres du Congrès rechignent tous à offenser un lobby qui a le pouvoir de financer leurs adversaires politiques." (voir Courrier International du 11 avril)
Le vote
D’autant plus que, traditionnellement, la communauté juive a tendance à pencher du côté des démocrates. Ce qui faisait dire à un journaliste de Libération, en mars dernier, que les républicains cherchent probablement à piquer ce gros bassin votant aux démocrates. Par ailleurs, comme le fait remarquer Hussein Ibish, "les groupes d’intérêt américains ont une influence énorme, mais le lobby juif n’est pas le seul à en avoir. Il faut tenir compte de la droite chrétienne évangélique, qui est une force majeure aux États-Unis, sans compter l’industrie militaire, qui fait des milliards de dollars chaque année en ventes d’armes à Israël". Mais si le vote peut bouger, l’opinion publique américaine aussi. Ainsi, un sondage du Washington Post révélait à la fin avril que l’appui à la politique de Bush en Israël commençait à décliner avec 57 % d’appuis par rapport à 71 % pour l’ensemble de sa politique étrangère (National Review Online). Mais Hussein Ibish et son groupe ont décidé de ne pas attendre une nouvelle chute des pourcentages. En effet, l’ADC vient de se doter des services d’un lobbyiste professionnel pour défendre son point de vue à Capitol Hill.?