![Journées mondiales de la jeunesse : Les nouveaux marginaux](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/10/12850_1;1920x768.jpg)
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Journées mondiales de la jeunesse : Les nouveaux marginaux
À l’invitation du pape, des centaines de milliers de jeunes croyants déferleront en juillet prochain sur Toronto pour la tenue des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Cela a beau être l’évènement touristique de l’été au pays, on en parle peu et ceux qui y participent se font discrets. La religion catholique serait-elle devenue le dernier grand tabou?
Isabelle Porter
Photo : Jerry Grazdka
"Les jeunes qui croient ne le disent pas ou très peu. Ils ont peur d’être ridiculisés, souvent ils ont peur de parler." Inscrite aux JMJ, soeur Cynthia Gouin est membre de la communauté Myriam Bethléem qui oeuvre dans le soutien aux couples et aux familles. Âgée aujourd’hui de 29 ans, elle a choisi Dieu au tout début de sa vie d’adulte, au moment où d’autres explorent les différentes facettes d’un autre genre de célibat. Elle croit que les JMJ sont une occasion pour les jeunes catholiques d’afficher leur foi sans gêne, de sortir du placard, quoi.
Lancées par le pape en 1984, les Journées mondiales de la jeunesse sont la grande fête religieuse pour les jeunes croyants du monde chrétien. Pas moins de 150 pays y prennent part. Ainsi, outre l’évènement de Toronto (du 22 au 28 juillet), des centaines de Québécois accueilleront de jeunes étrangers au cours de l’été. D’autres sont partis de Montréal à la fin du mois d’avril tels des pèlerins pour amener à Toronto le symbole des JMJ, une grande croix en bois offerte aux jeunes par le pape en 1984.
La descente aux enfers de la religion catholique
Après Buenos Aires, Santiago de Compostela (Espagne), Czestochowa (Pologne), Denver, Manille et Paris, l’évènement a attiré pas moins de 2,3 millions de personnes à Rome pour l’an 2000, mais on ne s’attend à rien de tel cette année. Aux dernières nouvelles, 350 000 jeunes se sont inscrits pour l’évènement du mois de juillet, mais c’est moins que ce que les organisateurs pressentaient au départ (750 000, selon AFP World News).
C’est connu, au Canada et particulièrement au Québec, la plupart des statistiques font état d’un déclin fracassant de la foi et de la pratique religieuse. Selon un sondage récent du Quotidien de Chicoutimi, dans la tranche 18-24 ans, près d’un jeune sur cinq se dit athée, une donnée qui a plus que doublé au cours de la dernière décennie.
D’une génération à l’autre, d’un extrême à l’autre
Dans un tel contexte, la tenue d’un évènement comme les JMJ incarne pour plusieurs l’espoir de voir les gens revenir à la religion. C’est ce que croit Martin Proulx, 28 ans, de la communauté Marie-Jeunesse, groupe fondé en 1986 avec l’objectif d’accueillir des jeunes dans la foi religieuse. Le groupe, qui possède des maisons à Sherbrooke, à Québec et même à l’île de la Réunion, prévoit drainer 400 personnes à Toronto en juillet. Sur place, on leur a donné le mandat de faire de l’animation avec leur "groupe rock à la parole chrétienne".
Au dire de Martin Proulx comme de soeur Cynthia Gouin, la solitude est souvent à l’origine du virage de certains jeunes vers la religion aux prémisses de leur vie d’adulte. Le phénomène est aussi interprété comme la réplique à l’anticléricalisme des baby-boomers. "Il faut faire attention avec les frustrations des générations qui ont réagi aux institutions cléricales il y a 40 ans. Il faut retrouver les richesses de ce qui a été lancé par les fenêtres par les autres", précise Martin.
Jacques (non fictif), catholique au début de la trentaine, note ce renversement historique: "Aujourd’hui, on parle beaucoup plus facilement de sexe que de foi (…) Avant d’assumer sa foi en public, ça peut prendre des années." Jacques trouve l’approche des JMJ pour le moins superficielle et refuse de participer à ces célébrations. À son avis, le jeune qui fait son "coming out" religieux à Toronto risque de trouver le retour à la réalité plutôt difficile. "C’est important d’encadrer la quête spirituelle parce que bien des maux peuvent l’accompagner. Les JMJ tournent autour de la personnalité du pape et la volonté de vivre une expérience, mais quand le jeune revient, ce n’est pas clair qu’il va s’assumer. Être catholique aujourd’hui, ça demeure marginal et puis ça demande de l’endurance."
Retour aux valeurs traditionnelles
Certains comme Jacques le déplorent, mais il n’en demeure pas moins que le regain d’intérêt pour la religion catholique va souvent de pair avec le retour aux valeurs traditionnelles. La religion est dès lors présentée comme la solution de rechange à une certaine confusion morale. "Dans des contextes difficiles comme les séparations, on voit que les gens ont besoin de Dieu. Pour retrouver les valeurs familiales, c’est plus facile avec Dieu. Les gens ont besoin de s’accrocher aux valeurs traditionnelles", d’expliquer soeur Cynthia. En ligne directe avec ce qui se passe aux États-Unis est apparu au Québec un site Internet entièrement consacré à la promotion de la chasteté. "Sommes-nous en mesure de soutenir ces jeunes dans la poursuite de leurs rêves? C’est ce que nous voulons faire à Chasteté-Québec: redonner son sens au mariage, développer des valeurs d’engagement, de chasteté, d’espoir qui orientent les jeunes vers cet idéal…" peut-on lire sur le site www.chastete-quebec.com où le nombre de visiteurs recensés surprend (13 850 en un an).
En passant par l’international
Autre tendance, l’engouement pour le volet missionnaire de la religion. "Il y a beaucoup de jeunes qui sont intéressés par la solidarité internationale, ce qui les amène à se questionner sur la foi. (…) Il y a de plus en plus de jeunes qui, après avoir fait des stages à l’étranger, cherchent à s’impliquer et viennent à nous", croit la responsable des activités jeunesse chez Développement et Paix, Annie Murray. L’organisme, qui est lié à la Conférence des évêques catholiques du Canada, doit présenter à Toronto un atelier sur le brevetage du vivant nommé pour l’occasion "village global". Enfin, si les différents groupes ont bien planifié leurs ateliers, tous se demandent si le pape aura la santé nécessaire pour faire le voyage vers Toronto. Nul doute qu’ils seront nombreux à l’intégrer à leurs prières…