On aurait pu nommer dimanche dernier la journée internationale du jardinage. Un peu partout dans la région, on pouvait voir les gens sarcler, planter, chasser le pissenlit pendant que les magasins d’horticulture regorgeaient de visiteurs. Notre été a beau durer deux mois et des poussières, le jardinage fait figure de sport national. Partout, on prend bien soin d’aménager son petit espace vert avec art et esprit. Au dernier Salon du livre de Québec, on a dû présenter autant de livres d’horticulture que de poésie. L’intérêt se manifeste dans les conversations, mais aussi dans ces quartiers résidentiels où le jardin devient l’ultime lieu de la différence ou carrément du conformisme.
Par exemple, dans le quartier du Mesnil, où défilent des dizaines de maisons identiques sans arbres matures pour les séparer, on cultive son jardin. Quand la maison du voisin est semblable à la vôtre jusque dans le lettrage de l’adresse, il faut bien chercher à se distinguer un peu. Ironiquement, les résidants achètent tous à peu près la même chose: un petit arbre à l’avant avec une plate-bande suivant l’allée. Quelques-uns incluront peut-être au décor un petit ange en résine ou encore des lions pour garder l’entrée. Mais de toute évidence, la mode des sculptures n’a pas encore percé dans le quartier.
La garde-robe des vedettes
Au Centre Jardins Hamel, on dit pourtant que, depuis trois ou quatre ans, il y a un retour aux décorations de jardin un peu plus flyées. Selon Paul Lachance, les gens choisissent souvent en fonction de ce qu’ils voient à la télé ou dans les revues. Ainsi, récemment un article sur le feng shui dans la revue 7 Jours aurait drainé des dizaines de personnes au magasin pour acheter LA plante dont on parlait dans l’article. Et c’est l’idée qui compte, pas le prix, semble-t-il. "Les gens arrivent avec une idée assez précise de ce qu’ils veulent, le prix, ça les dérange peu", explique M. Lachance.
Les fameuses sculptures en résine, par exemple, se chiffrent souvent à plusieurs dizaines de dollars. On trouve des rongeurs, des petits enfants, des reptiles, des arrosoirs et même des souliers de bal. Original peut-être, mais les produits demeurent relativement sobres dans les couleurs et politically correct dans les thèmes. Non, les Noirs qui pêchent ne côtoient plus les flamants roses dans les magasins comme dans les quartiers résidentiels.
Val-Bélair d’hier et d’aujourd’hui
Longtemps réputée en ce domaine, l’ancienne ville de Val-Bélair paraît bien sage à l’aube de cet été qui n’en finit plus de commencer. Même les motoneiges sont bien rangées dans les garages, histoire de prémunir la "ville de la nature" des médisances. Tout de même, quelques maisons conservent le cachet d’antan. Ici, on trouve une exposition d’animaux en plastique attendant la floraison, là le Manekin Piss de la place bien fier dans sa fontaine vide. Sur le boulevard Pie-IX, des résidants ont bien voulu nous laisser photographier la vierge Marie grandeur nature léguée par les anciens propriétaires. Mais au dire de la dame (la résidante), le monument n’allait pas rester là très longtemps.
Non loin de là, on a toutefois pu rencontrer un homme pour qui la chose est une véritable vocation. Avec ses cygnes peints à la main et son petit chapiteau au style victorien, la cour de Benoît Thériault ne passe pas inaperçue. Enseignant en dessin à la retraite, le monsieur a bien voulu nous montrer les plans détaillés de ce que sera son terrain, une fois complété. Les personnalités ont toutes leur jardin secret, mais M. Thériault confiera quand même que bien des années avant tout ceci, il a été le créateur du design de la tête du Bonhomme Carnaval.
Cour arrière
Les motivations pour transformer son terrain en salle d’exposition sont bien diverses. Ainsi, ceux que fascine l’exposition d’enjoliveurs sur le boulevard Charest doivent savoir que la propriétaire, Jeanne Cantin, n’expose pas ses "caps de roue" dans le cadre d’une démarche artistique. "J’ai quand même plus de goût que ça!" nous a-t-elle répondu lorsque jointe au téléphone. Mme Cantin vend des enjoliveurs et le mur, c’est tout simplement "sa marque de commerce". Quoi qu’il en soit, les décorations de cour continuent de déchaîner les passions. À L’Ancienne-Lorette, un résidant de la rue Saint-Paul a dû enchaîner ses sculptures pour les protéger des vandales. L’an dernier, il s’était fait voler la sculpture des deux enfants au parapluie. Les enfants sont revenus, mais ont perdu leur parapluie, qu’il a fallu remplacer.