Société

Dans les patakes

Ils ont été pris la main dans le sac. Surpris à refiler de somptueuses commissions et des contrats bidon aux lobbyistes et amis du pouvoir.

Et, comme pour eux, l’important ce n’est pas de ne pas tricher, mais surtout de ne pas se faire prendre, les membres de la classe politique essaient maintenant de sauver la face.

Alors au plus beau pays du monde et dans sa belle province, on tente maintenant d’adopter des lois à toute pompe. Des lois censées protéger la société canadienne et québécoise des trafics d’influence en tout genre.

Tandis que le gouvernement fédéral s’intéresse à l’éthique de ses propres attributions, tout en plaidant stupidement la panique postréférendaire de 1995 pour justifier le gaspillage, opportunément accordé aux amis libéraux, au Québec, plutôt que de questionner les décisions de son propre parti, Bernard Landry s’attaque aux lobbyistes.

Comme si pour éliminer la pauvreté, on éliminait les mendiants.

Si supprimer les tentations en utilisant une législation répressive est devenu la seule façon par laquelle un gouvernement peut garantir la probité de ses membres, ce pays est vraiment tombé bien bas.

Mais ce n’est pas le plus pathétique.

Au Québec, les lobbyistes se sont mis à faire du lobbying contre la loi anti-lobbyistes.

Et notre ministre du Lobby si pressé de faire adopter sa loi a subitement effoiré le frein au plancher pour, dit-il, prendre le temps de faire une bonne loi.

Mon oeil! Lisez: une loi bien molle aisément contournable ET évidemment pleine de belles exceptions justifiables auxquelles le citoyen ne comprendra plus rien.

Une loi qui de toute manière ne touchera pas ces intermédiaires, ministres fantômes, ex-attachés et relationnistes de parlements qui s’inventent des fonds de pension en relayant, comme les mafieux, de main à main, de petits chèques sous la table. Le prix d’un sourire, le poids d’une amitié de collège, une maîtresse partagée, un secret d’alcôve… Dans le monde secret des profondeurs, ces contributions perçues indirectement par les partis politiques à même les contrats attribués sur des fonds publics ont-elles seulement l’apparence de financement illégal?

Une loi sur le lobbying? Les dérogations vont pulluler aussitôt… Plaidons… heu, tiens: les conséquences sur l’économie des régions, par exemple. C’est bon ça. Un excellent prétexte.

Prenez le cas des marchands de bonnes pétakes de l’île d’Orléans.

On supportera l’affairisme du lobby des fabricants de ragoût cordon bleu qui refusent l’étiquetage devant le risque de voir chuter les ventes de bonnes pétakes fraîches de l’île d’Orléans.

On consentira au lobby de l’amiante la volonté de modifier la loi de protection de l’environnement afin qu’il puisse commercialiser des mitaines pour le four toxiques nécessaires à la consommation des bonnes pétakes de l’île d’Orléans en robe des champs.

On autorisera les représentations du lobby des constructeurs de tunnels parce que l’abandon du projet de lien sous fluvial à la hauteur de Sainte-Anne-de-Beaupré risque de ralentir l’exportation des bonnes pétakes de l’île d’Orléans congelées.

Le lobby des centrales hydroélectriques privées aura beau jeu d’arguer que la déréglementation des tarifs encouragera l’utilisation de la mixette pour faire de la purée de bonnes pétakes de l’île d’Orléans.

Le député du canton de la fesse gauche se fera un plaisir de souper au manoir en compagnie de Ronald afin de discuter de la déréglementation du zonage commercial qui permettrait l’implantation d’un McDonald dans la maison de Félix Leclerc. Une affaire pour les bonnes pétakes de l’île d’Orléans délicieuses en friture.

Et le reste, et le reste, les lobbyistes de moins de 65 ans auront le droit de plaider contre les pensions de vieillesse.

Les lobbyistes gagnant moins de 100 000 $ pourront plaider pour une diminution du salaire minimum.

Les lobbyistes membres des Témoins de Jéovah pour l’interdiction des collectes de sang…

Et c’est ainsi que l’on pourra apprécier à sa juste mesure la pernicieuse influence des lobbyistes sur la politique de nos élus au suffrage universel. Un homme, un vote…

Bon, faut encore que je vous laisse. On m’a appris que le gouvernement de Jean Chrétien a l’intention de commander une liste très scientifique de 100 000 Québécois susceptibles de se faire convaincre de dire non au prochain référendum. J’ai du travail si je veux le contrat…

Faut que j’aille photocopier l’annuaire du téléphone.