![Droit de Cité : La mélodie du bonheur](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/09/13017_1;1920x768.jpg)
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Droit de Cité : La mélodie du bonheur
Éric Grenier
Qu’il soit dans l’assiette ou dans la télé, le bonheur fait toujours du bien. La semaine dernière, il était dans le Sommet. C’était l’harmonie, La Mélodie du bonheur avec les Montérégiennes en toile de fond, plutôt que les Alpes autrichiennes, à ce Sommet de Montréal que vous avez pour la plupart raté pour cause de Grand Prix et de son jet set boulevard Taschereau.
Gérald Tremblay, sous les traits du capitaine von Trapp, avait tout de la sévérité attendrissante du bon père de famille, un peu malhabile en amour, mais ô combien humaniste. Et je suis convaincu d’avoir entendu Julie Andrews fredonner en backstage. À moins qu’il ne s’agissait de Liza Frulla, toute nouvelle députée cooptée par Jean Chrétien, "làlalère, que mon gouvernement a été bon pour Montréal", en débitant une liste de subventions, 30 000 par-là, 150 000 par-ci, qui pour changer des rideaux, qui pour planter des fleurs… Un peu plus, et elle allait nous convaincre que les programmes des commandites, en plus d’avoir éradiqué les séparatistes, avaient fait de Montréal la capitale mondiale de la commandite.
Outre ces sparages fédéraux, c’était une Mélodie du bonheur, mais en version commission scolaire, où il n’y a pas de méchants ni de malheurs. Que des bons, de la joie et de l’amour. Car, quand est venue la clôture du Sommet, on s’est dit: ça y est, ça va déraper, les méchants SS vont surgir. Mais non! Même les ineffables Lapierre, Fauvel et Painchaud, la troïka syndicaliste de Montréal – cols bleus, pompiers et policiers -, étaient méconnaissables de bonne volonté et triomphaient en choeur avec le maire.
Le ton quelque peu lénifiant de cette fin de Sommet laissait croire que nous venions d’assister à la réinvention du feu, de la roue et du Feng Shui en même temps. "Nous venons d’assister à la refondation de Montréal", a plutôt conclut le maire.
Mais on a beau chercher cette "nouvelle vision", cette nouvelle conception, cette nouvelle identité de Montréal, on n’en trouve pas une trace dans les consensus établis. Pas de ligne directrice, juste des énoncés de la Palisse, et quelques bonnes idées qui scintillent çà et là comme des lumières dans un arbre de Noël. Par exemple, celle d’établir une cité étudiante. Un bon plan de développement des rives du fleuve. Interdire l’usage des pesticides à des fins esthétiques, un Quartier des spectacles au centre-ville, la possibilité que le Fonds de la FTQ investisse dans le logement.
Mais le résultat le plus important, quoique tellement intangible, c’est cette bonne dose d’optimisme et cette intention de vouloir vivre et collaborer ensemble qu’a insufflées le Sommet sur la ville, après les guerres fratricides des deux dernières années. Ça ne se touche pas, ça ne se compte pas, mais ça compte. Tout le Qui-qui du Montréal des affaires, des milieux communautaire et syndical, du cercle culturel, des milieux politiques de tous poils, fédéralistes comme souverainistes, du fédéral, du provincial et du municipal, ex-banlieue et vieille ville-centre réunies. Tous ces groupes, qui sont venus dire un oui retentissant au nouveau Montréal.
Et dire que Jean Charest et ses libéraux veulent accorder le droit à une poignée de nostalgiques du temps des six clubs et du Dorchester Blvd de défaire ce beau consensus. Casseux de party…
Vague promesse
En fait, toute l’action de la dernière journée du Sommet avait lieu off-Sommet, avec la signature du "contrat de ville" entre le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal.
Rien de concret, comme des bidoux, qu’une vague promesse d’autonomie à condition que la Ville fasse le ménage dans ses finances publiques. On est loin des 3 milliards de dollars que réclame de Québec le maire, pour réaliser son plan d’affaires. (Il faudra bien que quelqu’un se charge de faire comprendre au gouvernement qu’il y a des limites à gratter les fonds de tiroir, on les gratte tellement d’ailleurs à Montréal qu’on a les ongles limés jusqu’au sang.)
Pour ce qui est de l’intangible encore, ce contrat est enfin la reconnaissance que le gouvernement ne peut traiter avec la métropole du Québec de la même manière qu’avec Saint-Éphrem-de-la-Conception. Que cette métropole, avec sa taille, sa mission et sa responsabilité de métropole, a besoin d’air, d’autonomie. Une première depuis les grandes croisades iroquoïennes.
De toute façon, le gouvernement péquiste à tout intérêt à ce que le nouveau Montréal réussisse. Le PQ, au pique de sa popularité – au deux de pique, s’entend -, ne peut se permettre que son rejeton fasse patate, l’automne ou l’hiver prochain, à quelques semaines de la 123e élection partielle sous Bernard Landry.
C’est bien dit
LA perle de ce Sommet: "Développer, sous l’égide de la ville, une cellule permanente de prospective interne qui animera un chantier de prospective et de partenariat pour le territoire de Montréal en matière de savoir, d’innovation et de création, regroupant dans une formule mixte d’observatoire et de lieux de concertation, les intervenants institutionnels et associatifs plurisectoriels, afin de cibler les enjeux, faire les consensus et orienter les actions structurantes."
Allez répandre la bonne nouvelle, maintenant.