Tourisme sexuel : Montréal, ville ouverte?
Société

Tourisme sexuel : Montréal, ville ouverte?

Le tourisme sexuel constitue une réalité au Québec et surtout à Montréal s’inquiète, dans une récente étude, le Conseil du Statut de la Femme. Montréal est-telle devenue la Babylone des Américains en quête de plaisir à bon marché?

On le sait, comme chante Jean-Pierre Ferland, Montréal est une femme. Elle n’est peut-être pas la plus belle ni la plus grande mais elle est certainement jolie, chaleureuse et tellement charmante avec son accent français et sa joie de vivre.

Mais quel genre de femme est-elle vraiment? Sympathique, chaleureuse, un peu libertine et si peu dispendieuse…. Montréal serait-elle devenu une femme facile, prête à s’ouvrir sur le monde pour une poignée de billets verts?

"Bien que ce phénomène soit peu documenté, de plus en plus de sources indiquent que le tourisme sexuel constitue également une réalité au Québec", peut on lire dans une étude du Conseil du Statut de la Femme du Québec (CSLF) publiée il y a quelques semaines. "Montréal, parfois appelée la Bangkok de l’Ouest, est considérée par plusieurs comme la capitale canadienne de la prostitution."

Selon Ginette Plamondon, auteure de l’étude du CSLF, notre taux de change avantageux et nos lois tolérantes envers le travail du sexe (La sollicitation, les bordels et le proxénétisme sont interdits mais la prostitution en tant que telle est légale) attire de plus en plus les touristes à la recherche de quelques heures dans les bras d’une jolie french girl. "Les Américains disent que Montréal et le Québec sont des endroits où la prostitution est facile à obtenir et où ils obtiennent un bon rapport qualité/prix."

Dave, un Américain de Phoenix qui se prétend Liberated Chrisitans, est le fondateur du site web sexwork.com qui fait la promotion d’une sexualité polygame et responsable. Sur son site, différentes villes et leurs services… particuliers sont critiqués, comme s’il s’agissait de films, de restaurants ou de bouteilles de vin. "Le Canada est comme l’Asie, l’Europe et… le reste du monde finalement! Il n’y a qu’aux États-Unis où la prostitution est un crime aussi important et où les policiers gaspillent autant de temps et de ressources pour un crime moral sans victime."

Dave confirme que les Américains à la recherche de prostitution apprécient la proximité de Montréal, son taux de change favorable et sa législation plus permissive. "Mais je ne crois pas que cette réputation dépasse le cercle des gens qui, comme moi, se tiennent activement informées des différentes options de la prostitution mondiale."

Dave insiste que son site ne s’adresse qu’aux adultes consentants qui désirent échanger de l’argent contre un peu de temps avec d’autres adultes consentants. Pour cette raison, il dit ne s’intéresser qu’aux agences d’escortes et aux salons de massage et d’être opposé à la prostitution de rue. Son site contient les coordonnées de différentes escortes montréalaises, mais aussi celles des musées, des restaurants et du jardin botanique!

"Un autre avantage des travailleuses du sexe au Canada est qu’elles sont des personnes très éduquées, souvent universitaires ou étudiantes, avec qui j’ai une plus grande compatibilité intellectuelle qu’avec une thaïlandaise qui a quitté l’école en sixième année pour aider sa famille à cultiver la terre. Habituellement les canadiennes choisissent cette occupation parce que ça leur plaît, pas par désespoir économique comme c’est le cas en Asie."

Pas si vite! C’est de moins en moins le cas selon Ginette Plamondon du Conseil du Statut de la Femme. Derrière l’image idéaliste de Montréal (ville ouverte) qu’ont les Américains comme Dave il y a une réalité plus troublante. "La prostitution est rarement un choix volontaire et éclairé, constate Mme Plamondon. Dans certains milieux, peut-être, mais on nous a surtout parlé de personnes prises dans un cercle vicieux de drogues, de pimps et de violence."

Encore plus inquiétantes sont les informations recueillies par Mme Plamondon qui confirmeraient que des réseaux qui font le trafic de femmes à des fins de prostitution seraient solidement implantés à Montréal. Ces réseaux recruteraient des jeunes filles d’Asie ou d’Europe de l’Est en leur promettant du travail puis, après les avoir aidé à entrer clandestinement au Canada, confisqueraient leurs passeports et les forceraient à se prostituer pour rembourser leur "dette".

"On ne sait pas dans quelle mesure le trafic sexuel est présent à Montréal, explique Diane Lavallée, présidente du CSLF, mais on lève tranquillement le voile sur ce monde-là. La population québécoise n’avait pas l’impression qu’il y avait du trafic derrière la prostitution. On découvre que oui."

Claire Thiboutot, directrice du centre d’entraide pour prostituées de Montréal STELLA est un peu surprise par cette affirmation du Conseil. "Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais je ne comprends pas cette espèce de panique dans le rapport du Conseil. Nous avons entre 3500 et 4000 contacts par année avec les prostituées et on entend beaucoup de choses. À notre connaissance il n’y a pas eu d’augmentation fulgurante du trafic à Montréal. Nous avons développé des contacts avec des groupes de femmes immigrantes qui pourraient voir ou entendre des choses et jusqu’à présent on ne nous a toujours pas référé personne."

Comme les prostituées travaillent dans une énorme zone grise où il y a peu ou pas de réglementation, il est presque impossible d’évaluer avec justesse l’ampleur de l’industrie au Québec, et encore moins de savoir dans quelles conditions travaillent les prostituées. L’étude du CSLF cite différentes sources policières et communautaires qui avancent toute sortes de chiffres allant de 90 (?) à 5000 travailleurs et travailleuses du sexe au Québec, en grande majorité des femmes. Comme les données les plus fiables datent des années 80 et 90, il est très difficile de savoir si le phénomène prend de l’ampleur.

Montréal, capitale nord-américaine du tourisme sexuel? "Ce n’est plus vrai aujourd’hui, pense la porte-parole de STELLA. C’était vrai à l’époque de la prohibition, de Lili St-Cyr et des maisons closes.."

Dave de Phoenix est d’accord. "La principale attraction de Montréal est la chaleur et l’attitude des canadiennes-françaises." Ceci dit, il ne croit pas que la prostitution soit plus facilement disponible à Montréal qu’à Toronto, Victoria ou Vancouver. "Personnellement je préfère la banlieue de Toronto, comme Mississauga."

Ouch! Moins hot que Mississaugua, ça c’est toute une réputation…