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Droit de cité : Les jarrets, encore
Éric Grenier
Alors, on me blâme pour avoir tiré la conclusion que l’Action démocratique de Mario Dumont était un parti des régions. Des lecteurs en ont donc profité pour prendre le contre-pied de la critique soudaine envers l’ADQ dans les médias, assimilée à tort à un certain snobisme. Ce n’est pas par snobisme que les médias s’intéressent tout à coup aux travers de l’ADQ, c’est parce que le parti n’est plus la bonne blague électorale qu’il avait été jusqu’à présent avec son seul député.
L’ADQ, un parti des régions? Certains s’en sont offusqués, rétorquant qu’ils avaient l’eau courante et l’électricité à Trois-Rivières. Et même un juif, et peut-être même un Arménien. Tant mieux pour eux, mais il fallait être nul en décryptage pour voir dans ma chronique d’il y a deux semaines un quelconque reproche de péremption et de "cavernisme" à l’endroit de ceux qui votent pour l’ADQ.
Pour le constat d’abord. Au cours des sept dernières élections partielles, il n’y a que dans les deux circonscriptions montréalaises d’Anjou et de Viger que l’ADQ de Mario Dumont a été restreinte à son rôle d’amuseur public qui lui avait été réservé jusqu’ici, avec moins de 20 % des suffrages.
Un hasard, donc, que l’ADQ rafle tout partout ailleurs au Québec (plus de 50 % des voix) et que, sur l’île de Montréal, elle soit limitée à des scores parfaitement misérables? En fait, selon les sondages internes des divers partis, il y a partout une nette cassure dans l’appui à l’ADQ entre la ville et la campagne. Pas juste à Montréal. On observe le même phénomène entre le centre-ville de Trois-Rivières et sa région. Entre Sherbrooke et son entourage rural. Et ainsi et comme ça à Québec, Gatineau…
C’est clair, on vote davantage pour l’ADQ aux champs qu’au centre-ville. Les gens des champs ont sûrement leurs raisons. Et elles valent bien celles de la gauche caviar du Plateau de voter PQ ou UFP, ou je ne sais trop quoi.
Cependant, puisque les probabilités que l’ADQ forme un gouvernement dans un avenir plus ou moins proche viennent de prendre du poids, il serait préférable qu’il y ait autant d’urbains que de ruraux et de banlieusards qui se reconnaissent dans ce parti avant que ça n’arrive. Que ce parti ait en son sein autant de gens férus de culture urbaine (au sens social, politique et économique du terme) que d’autres prêchant par paysannerie. Le contraire serait malsain.
Cela dit, le parti de Mario Dumont est jeune. Même si son acte de naissance remonte à il y a plus de huit ans, il n’est né officiellement qu’après l’élection du second député dans Saguenay, ce printemps. Avant, l’ADQ avait attiré autant de militants et de supporters dans tout l’univers que les libéraux dans une seule circonscription. Difficile dans ces circonstances, malgré toute la bonne volonté de Mario et de ses amis, de se brancher sur l’ensemble de la société. Mais depuis Saguenay, on se rue sur l’ADQ. Occasion, donc, pour le premier caucus adéquiste, de faire un peu de tourisme urbain, avec coucher chez l’habitant, pour créer des liens avec une ville qui, après tout, compte pour le quart de la population du Québec, presque la moitié si on parle de l’agglomération. Et je suis convaincu que certaines positions adéquistes trouveront grâce auprès des urbains. Comme celle qu’il n’est plus obligatoire de se positionner sous les parapluies fédéraliste ou souverainiste pour être considéré comme un être humain.
***
Pas à droite, l’ADQ? Je maintiens ma position. Très souvent, l’ADQ n’est ni à droite, ni à gauche, mais à côté de la plaque, et surtout en position de parasite sur nos peurs et frustrations quotidiennes.
Je répète cet exemple: selon l’ADQ, si on coupe la sécurité d’emploi pour la remplacer par des contrats de cinq ans, les fonctionnaires vont mieux travailler pour conserver leur job. Cette proposition n’est d’ailleurs pas très neuve: elle émane des jeunes libéraux de la fin des années 80. Mais quand on considère que 5000 des 6500 emplois offerts par la fonction publique l’an dernier étaient des postes d’occasionnels sans aucune espèce de protection, ce n’est plus une menace, c’est une promesse pour ces derniers. Sauf aux yeux des non-fonctionnaires, envieux de conditions qui tiennent davantage du folklore (de la légende urbaine?) que de la réalité.
Autre exemple: jusqu’à maintenant, jamais le parti de Mario ne s’était inquiété de la crise du logement qui sévit dans les centres urbains. Même si elle est là depuis deux ans. Il a fallu attendre que les boîtes vocales débordent d’angoisse collective pour connaître leur avis. Leur position donne probablement beaucoup de points au jeu Twister: moins de règlements et moins de contrôle pour les proprios et les promoteurs; une aide plus intelligente aux démunis pour les locataires; et c’est la faute au PQ pour tout le reste.
Si l’ADQ tanguait réellement à tribord, elle aurait fait siennes les conclusions d’une étude de l’Institut économique de Montréal, rendue publique la semaine dernière: abolir à toutes fins utiles la Régie du logement et favoriser une hausse des loyers, déréglementer totalement le secteur de la construction, et comme seuls les malades mentaux et les drogués habitent les HLM selon l’Institut, qu’on les soigne au lieu de leur construire des logements sociaux. Ça, c’est de la droite!
Ni Michael Harris ni Ralph Klein n’auraient hésité.