Le coaching personnel : Contrat de performance
Société

Le coaching personnel : Contrat de performance

On connaissait les coachs sportifs et les coachs industriels. Des personnes dévouées à la motivation de leurs poulains, individuellement ou en groupe. Le coach, mentor, gourou, motivateur-né est là pour faire performer athlètes, patrons et employés. La recette est simple: déstabilisation et réorientation. Si simple que certains ont eu la bonne idée de l’adapter version monsieur et madame Tout-le-Monde. Une ou deux séances par semaine pour s’entendre dire "Vas-y, t’es capable!". A-t-on besoin d’un petit coach chez soi?

La naissance du coaching est sujette à controverse. Mais il est probablement né en 1992, aux États-Unis, quand Thomas J. Leonard, planificateur financier de son état, fonde l’université des coachs. Elle regroupait alors 7000 coachs dans 38 pays. Puis Leonard crée la Fédération internationale des coachs, qui opère dans 130 points à l’échelle mondiale. Il lance ensuite, en 1998, Teleclass.com, une université virtuelle de coaching qui rassemble 20 000 étudiants.

Alexandre Pinel a 22 ans et habite la périphérie de Montréal. Chargé de clientèle, il a fait appel à un coach pour l’aider à gérer sa vie, à focuser, explique-t-il. C’est ainsi que le jeune Montréalais a découvert ce qu’il appelle "un métier d’avenir". Et son propre coach le coache aujourd’hui pour devenir un coach. En outre, Alexandre suit une formation par téléclasses afin d’obtenir son diplôme de la Fédération internationale de coaching, une formation qui lui coûte 10 000 dollars pour deux ans. Mais le coaching n’est pas vraiment institutionnalisé, il n’y a pas un ordre professionnel comme pour les médecins. Les écoles, les formations accélérées et les universités virtuelles se multiplient donc, dans l’anarchie la plus totale. Et comme Alexandre, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir devenir coach. Aux États-Unis, ces entraîneurs nouveau genre sont passés de 1000 en 1995 à plus de 10 000 aujourd’hui. Au Québec, on en compte près d’une centaine. Il faut préciser que le salaire horaire du coach varie entre 100 et 250 dollars, de quoi rendre le métier attractif.

Coach me!
Actuellement, Alexandre entame son dernier mois de formation et sera bientôt apprenti coach. L’aspirant ne fait plus partie des sceptiques; pour lui, le coaching tient de l’utilité publique: "On fait le travail des anciens curés de paroisse. Les gens se cherchent de nouveaux points de repère; nous devenons ce support, ce soutien."

Les professionnels se font globalement la même réflexion. Le coaching de vie répond à un besoin. Yannick Bouguyon est coach en mieux-être personnel et ses clients la qualifient d’"ange". Pour elle, ce sont des "partenaires", leurs âges varient entre 22 et 56 ans et ils ont une vie active. "Lors d’une première rencontre, développe Yannick, je détermine un programme pour que mon client atteigne ses objectifs."

Elle propose plusieurs plans d’action: le programme intime qui aide au mieux-être et à la gestion de vie, puis le programme pour les entrepreneurs qui visent plus des buts de rentabilité. "Je leur offre un support moral, des outils et eux doivent me rendre des comptes." Pour choisir un coach, la plupart des professionnels conseillent de faire au moins deux ou trois entrevues pour voir si la connexion s’établit bien. "C’est une question de chimie", poursuit Yannick. Avec elle, le contrat minimal est de trois mois avec en tout 12 séances. L’échange s’effectue par téléphone ou par courriel et les clients ont des exercices à exécuter chaque semaine avant de faire le point avec leur coach sur la réalisation de leurs objectifs. Pour Yannick Bouguyon, le rôle du coach est d’être brutalement franc: "Cela peut aller jusqu’à perdre un client. Ils savent que je veux leur bien-être, il faut savoir les déstabiliser sans les vexer." La tâche est plutôt ardue, car on ne sait pas toujours sur qui on tombe.

Dépressifs s’abstenir
Michèle Lacroix est psychologue industrielle, elle aide aussi les gens à développer leurs habiletés, à mieux gérer leur temps, mais uniquement dans le milieu professionnel: "Quand on est psychologue, on comprend mieux la dynamique interne de la personne, notre formation nous aide à camper une personnalité. Comment savoir si une personne est dépressive en l’ayant une fois par semaine au téléphone?" Michèle Lacroix pratique elle-même une forme de coaching, mais elle reconnaît les risques de cette pratique: "Toute intervention qui ne respecte pas les règles de l’art est une menace." Les rapprochements entre le coaching et la psychologie sont nombreux. Yannick Bouguyon explique: "J’aide mes clients à établir un équilibre professionnel, familial, je leur apprends à dire non et à prendre du temps pour eux." Michèle Lacroix convient que ce soutien peut être très bénéfique, mais que travailler sur l’estime de soi avec une personne relève de psychologie clinicienne, dans le sens où une erreur de diagnostic peut aggraver la situation. La coach rejoint la psy sur ce point: "Je ne suis pas thérapeute, je conseille la personne. C’est elle seule qui trouve les bonnes solutions mais je ne lui dis jamais ce qu’elle doit faire. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs."

Certains coachs suivent un code de déontologie mais rien ne réglemente cette pratique. Donc, plusieurs coachs affichent dans leur site "titulaire d’une maîtrise de psychologie" comme gage de qualité. Du côté de l’Ordre des psychologues du Québec, on ne prend pas position: "C’est au public d’être vigilant. Des charlatans, des guérisseurs, il y en a toujours eu, on ne peut pas gérer ce genre de pratiques." L’Ordre ne réglemente que le respect de l’éthique par les membres. Toutefois, s’il y avait des plaintes formelles, l’Ordre serait prêt à intervenir.

Coach et fier de l’être
Mais qu’en pensent lesdits clients? Nathalie Deslauriers, mariée, deux enfants, fait de la comptabilité à son compte. Elle se sentait mal orientée; elle a donc fait appel à un coach. "Ma coach m’amène à trouver le bon chemin, mais je trouve seule les réponses, c’est un soutien et une aide." Nathalie a un mari, des amis, pourtant elle paye quelqu’un pour l’encourager: "C’est quelqu’un qui ne me juge pas, elle a la neutralité que l’entourage ne peut pas avoir, elle est vraiment objective." C’est la principale raison qui motive les gens à prendre un coach: leur détachement. Là où les amis sont une béquille, le coach est un moteur. L’autre risque, c’est que le client devienne affectivement dépendant de son coach: "Je pense plus voir naître une amitié qu’une dépendance." À ce moment-là, il faudra quand même changer de coach…

Pour Yannick Bouguyon, "les coachs ne sont pas une tendance, nous sommes là pour durer". Le scepticisme est humain, mais ceux qui, comme Yannick, croient en l’avenir du coaching personnel pensent à l’incrédulité qui entourait la psychothérapie à son arrivée dans les années 1970. On peut juste espérer que le public se chargera d’éliminer les coachs incompétents, qu’il exigera des formations et des diplômes contrôlés. Les clients doivent rendre des comptes à leur coach, c’est leur choix, mais les coachs, eux, ne rendent des comptes à personne, et il y a un danger: l’opportunisme. Aujourd’hui, aux États-Unis, des coachs offrent leurs services à des adolescents pour passer la crise. Combat contre l’acné, guérilla contre les devoirs, lutte pour la plus jolie fille de l’école, les objectifs sont là. Yannick Bouguyon réagit à cette nouvelle évolution du coaching personnel: "C’est tout à fait valable, les adultes ont manqué à leur devoir, celui d’insuffler des rêves à leurs enfants. On peut les aider."

Certains, comme Nathalie Deslauriers, n’auraient rien contre le fait d’être "coaché à vie". On commencerait à 16 ans, puis avec la trentaine pointeraient les questions d’engagements et de choix cruciaux qui nous feraient passer des nuits blanches. La tant redoutée quarantaine arriverait et on se sentirait seul et abandonné de tous, syndrome "personne ne m’aime", mais le coach serait là, comme toujours. Est-ce que dans quelques années on aura un coach comme on a un dentiste? Pourquoi pas.