11 septembre : Un an plus tard

À l’approche du premier anniversaire de la tragédie, Voir vous propose un dossier sur les événements du 11 septembre. Au sommaire: le patriotisme américain, la chaîne de télévision Aljazeera, la situation des Arabes et des musulmans québécois, des photos et des entrevues, dont une avec Magnus Ranstorp, sommité mondiale en matière de terrorisme. Bilan.

Nationalisme américain
PATRIOTES GAME

Dana Johnston a décidé qu’il fallait faire quelque chose pour aider le président Bush et ses soldats. "Nous savons que la guerre au terrorisme sera longue, il faut que nous, Américains, donnions notre soutien aux militaires et à leurs familles qui sacrifient des belles années de leur vie pour nous défendre." Le 4 juillet, elle a fondé le site PepRallyeUSA, dont l’objectif est de stimuler le patriotisme sous toutes ses formes. "Nous recevons plein d’histoires amusantes sur des gens qui soudainement décident d’exprimer leurs sentiments par rapport au pays. Comme ce fermier qui a décidé de donner à sa terre agricole la forme du drapeau des États-Unis! Le mandat de notre site, c’est de servir de véhicule pour diffuser ces choses-là." Sur le site, les gens sont invités à envoyer des photos de leurs tatouages de patriotes ou de leurs hobbies de patriotes, s’il en est.

Drapeaux, tatouages et animaux domestiques
Les projets comme ceux de Dana ont poussé comme des champignons ces derniers mois. Sur le site MyPetPals, on invite le bon citoyen américain à impliquer ses animaux domestiques dans la lutte au terrorisme: "Montrez au monde que votre animal appuie notre grand pays. Déployez les couleurs américaines partout où vous pouvez. MyPetPals est fier d’offrir les articles patriotiques suivants que vos animaux pourront porter pour afficher leur support aux Américains. Pour que les autres Américains et que le reste du monde sachent que votre animal domestique est fier d’être Américain."

Mais ils sont fous, ces Américains! Non, plaide Dana Johnston, le problème, c’est que les gens ne comprennent pas ce que c’est que d’être Américain depuis le 11 septembre. Dana n’a rien d’une "Redneck", elle ne vient pas du Texas et ne milite pas dans la National Riffle Association (lobby des armes aux États-Unis). Militante pour les droits civiques durant les années 1970, elle a manifesté contre la guerre au Viêtnam et défendu les causes de la gauche comme bien des gens de sa génération. Elle a même travaillé pour la campagne électorale de Bill Clinton au début des années 1990. Une démocrate new-yorkaise dans la plus pure tradition. Mais depuis le 11 septembre, "les choses ne sont plus les mêmes". C’est pourquoi Dana appuie Bush "pour qu’il fasse tout ce qu’il faut pour enrayer le terrorisme et que ça n’arrive plus jamais". Même s’il y a des morts parmi les civils, même si des soldats meurent au combat, même s’il faut passer 10 ans à chasser Ben Laden dans les montagnes et à avoir peur de Saddam Hussein. "Parce que les terroristes ne respectent pas les règles. Au moins, pendant la guerre froide, les Russes respectaient les règles."

Tous derrière Bush
Et les sondages montrent que Dana n’est pas toute seule dans son genre. Malgré les nombreux scandales financiers (Enron, World Com…), enquête après enquête, Bush reçoit des appuis de 70 % en moyenne pour la campagne contre le terrorisme. Les données montrent que la confiance ne baisse que lorsque les Américains ont l’impression que la campagne militaire connaît des ratés. L’appui à Bush décline… quand ce dernier n’est pas jugé assez agressif. Chercheure pour un think tank de la droite américaine, l’American Enterprise Institute (AEI), Karlyn Bowman a passé au peigne fin des centaines de sondages au cours des derniers mois. À l’heure du bilan, elle note ceci: "Ce qui m’a le plus frappée, c’est la stabilité de l’opinion publique depuis le 11 septembre, notamment sur tout ce qui touche à la guerre. On voit dans les sondages qu’ils sont très résolus et décidés sur ces questions. (…) En temps normal, les Américains ne sont pas très enclins au combat. Ils reconnaissent qu’ils sont une grande puissance, ce qui les oblige à être présents au niveau international, mais ils préfèrent s’occuper de ce qui se passe chez eux et s’intéressent peu à ce qui se passe à l’étranger. Toutefois, nous avons vu au cours des derniers mois que lorsque nous sommes convaincus de la justesse d’une cause ou d’une réponse comme dans le cas de Pearl Harbour ou des attentats du 11 septembre, on a tendance à être très prompts et déterminés à répliquer."

La terre isolée de l’individualisme
De Monsieur et Madame Tout-le-monde aux chercheurs de l’AEI, les patriotes américains se portent aujourd’hui plus que jamais à la défense des valeurs américaines: liberté de l’individu, liberté des entreprises, petit gouvernement. Là est toute l’originalité du patriotisme américain: les Américains réunis dans un individualisme partagé. D’où cette question: La réaction patriotique des derniers mois ne serait-elle pas tout simplement une réaction à l’insécurité? Les Américains se baignent-ils dans le patriotisme pour enterrer la peur? Oui et non, répond Mme Bowman: "Je n’utiliserais peut-être pas le mot insécurité, mais c’est sûr que les Américains sentent un danger qu’ils n’ont jamais senti avant. De part notre situation géographique, isolés comme nous sommes avec des océans des deux côtés, nous avons été extrêmement chanceux dans le passé de ne pas avoir à expérimenter les conflits qu’ont subis les autres pays du monde. Et je pense que les attentats du 11 septembre ont laissé l’impression que la réalité était vraiment différente. Je ne crois pas que les Américains soient inquiets. Par contre, le 11 septembre les a réveillés. Ils avaient eu la grande chance d’être isolés pendant longtemps des problèmes du monde et, soudain, ils ont réalisé que cette période était terminée."

Pour y voir de plus près:
www.peprallyeusa.com

– www.mypetpals.com/patrioticAmerica.html
Aussi, les Épinglettes de l’unité www.unitypins.com et Ensemble pour la liberté www.togetherforfreedom.com
– L’American Enterprise Institute: www.aei.org