Société

Airport

Ce n’est qu’un détail dans l’avalanche de réflexions et de témoignages concernant le 11 septembre, mais, moi qui suis un incurable romantique, un amateur de happy end… j’ai l’impression qu’on m’a conté des pipes…

Vous le savez tous, le cinéma américain regorge de pirates de l’air et de détournements d’avion.

Voici comment ça se passe: quelques terroristes barbus veulent crasher leur avion sur un stade, la Maison-Blanche ou même le World Trade Center.

Quelque part, un courageux pilote, un de ces héros accidentels incarnés par Harrison Ford ou Steven Segal, prend la situation bien en main.

Caché dans le bac à glace ou le réservoir de la cuvette des chiottes, notre héros s’active. D’abord, il joint la tour de contrôle afin d’expliquer la situation en court-circuitant un téléphone Fisher Price avec un Rolaids et de la bave de teckel.

C’est in extremis, car déjà une poignée de chasseurs F-18 escortent l’avion avec ordre de l’abattre avant qu’il n’atteigne sa cible.

Au sol, le président du monde libre qui surveille en robe de chambre les mouvements de l’appareil détourné, du fond du bunker de la Maison-Blanche, hésite désormais à faire abattre l’avion. La pensée de toutes ces victimes innocentes le révulse. D’autant que la petite nièce du sénateur Machin, un vieil ami d’enfance, est à bord ainsi qu’un groupe de religieuses à cornettes en route pour les funérailles du Saint-Père.

Les intercepteurs patientent, on contacte les pirates, on négocie, on ravitaille, on gagne de précieuses minutes avant de précipiter le drame.

Entre-temps, Steven et Harrison saboteront le pilote automatique, sortiront le train d’atterrissage avec les dents, atterrissant finalement entre le Capitole et la statue de Lincoln… Ouf, le président n’aura pas à prendre cette terrible décision.

Le 11 septembre, la réalité n’a pas tout à fait rejoint la fiction. Rien de tel ne se produirait dans ce genre de situation. Outre le héros absent, en haut lieu, partout dans le monde, on n’aura pas ce genre d’hésitation. Si par malheur quelques crétins tentent de détourner un avion au bénéfice des Kurdes, des sans-abri, des baleines bleues ou du Front de libération des arbres fruitiers, et que si vous êtes à bord, ne faites même pas vos prières. Présumant que vous allez vous crasher quelque part sur quelque chose de gros et de peuplé, l’armée de l’air raccourcira votre séjour de 20 000 pieds… Priez contre une panne de radio, priez mes frères pour la fiabilité du gyroscope pour que rien ne vous fasse dévier du corridor de vol initial.

Car il y a même dans le ciel d’Amérique, comme nous l’apprenait une dépêche de l’AFP, des pilotes tous risques et sans arme prêts à la collision volontaire afin d’éviter de nouveaux attentats suicide.

Le monde jongle depuis le 11 avec une définition très large du terrorisme, faudrait-il aussi réfléchir au sens de kamikaze?

C’est une autre histoire. En attendant, le monde réel se passe de bons sentiments et aucune vie en suspens ne vaut de risquer un bâtiment, un arcane du pouvoir. Il viendra dans 6 mois, dans 10 ans, le moment où l’Amérique devra abattre ses propres citoyens. Peut-être même par erreur ou accident… On nagera dans l’absurde.

Et l’absurde se passe de fin heureuse.