![Heure de fermeture des bars : La fin du last call?](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/09/13788_1;1920x768.jpg)
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Heure de fermeture des bars : La fin du last call?
Avec la prolifération des afterhours et les pressions des propriétaires de bars, la règle imposant la fermeture des bars à 3 h au Québec est-elle désuète? À tout le moins, un comité de la Régie des alcools, des courses et des jeux étudie une révision de ce règlement. En Colombie-Britannique, pour des raisons de sécurité, on songe à étirer cette limite à 4 h, limite qui varie d’ailleurs beaucoup à travers le monde. Devrait-on aller de l’avant aussi?
Étienne Côté-Paluck
Photo : Stephan Côté
Trois heures du matin, last call. L’heure où l’alcool n’est plus servi dans les bars québécois, où des milliers de gens un peu grisés se retrouvent, ensemble, sur le trottoir. Personne aujourd’hui ne semble en fait connaître la logique de cette règle, même au sein de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), l’organisme appelé à faire appliquer ce règlement. Depuis peu, un groupe de travail a été mis sur pied à la RACJ afin de recommander des modernisations relativement à la législation provinciale sur l’alcool. Et dire qu’il y a 30 ans à peine, certaines municipalités de la province disposaient encore d’un règlement prohibitif face au liquide euphorisant…
"C’est tout simplement une idiotie!" lance Bruno Ricciardi-Rigault, copropriétaire du Laïka et programmateur musical de la S.A.T. C’est un règlement complètement caduc en 2002. Sans heure limite, les gens étaleraient leur consommation et ne se sentiraient pas obligés d’enfiler rapidement leurs drinks avant l’heure fatidique. Avant, les gens mangeaient à cinq heures et buvaient à six. Aujourd’hui, les bars ne se remplissent pas avant minuit, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour profiter de la soirée…"
À la suite d’une demande de suspension temporaire du permis d’alcool faite à la RACJ pour le festival Mutek 2001, la S.A.T. s’est fait rabrouer dans une lettre affirmant que sa demande était "contraire à l’intérêt public" et se révélait une "atteinte à la sécurité ou à la tranquillité publiques". Au Québec, pour qu’un établissement puisse ouvrir ses portes plus tard que 3 h, il doit ne pas vendre d’alcool et faire suspendre temporairement son permis.
En comparaison, l’Amérique du Nord est beaucoup plus prude que l’Europe, surtout sur la Côte-Ouest, comme à Los Angeles où il n’est légal de servir de l’alcool qu’entre 6 h et 2 h. Même chose à Toronto où, cependant, on permet l’ouverture des bars à des heures plus tardives sans qu’ils y vendent de l’alcool. Ceci laisse aux gens le temps de finir tranquillement leur soirée alors que les propriétaires font quand même des sous en vendant des boissons non alcoolisées. C’est d’ailleurs ce que prône Jean-Frédéric Laberge, copropriétaire de l’afterhours Aria au centre-ville de Montréal. Cet after ouvrira d’ailleurs cet hiver une section où l’alcool sera en vente jusqu’à 3 h, alors qu’il n’en vend pas du tout à l’heure actuelle. "Mais j’aime bien le trip des afterhours sans alcool, raconte-t-il, lui qui a grandi dans le milieu, son père étant propriétaire du Dagobert à Québec. J’ai l’impression qu’il y a plus d’agressivité dans les bars, ce qu’il est bon de ne pas retrouver dans les afters." Avec plus d’une dizaine de bars sans alcool ouverts jusqu’aux premiers rayons de l’astre diurne, ces établissements sont maintenant définitivement ancrés dans l’industrie de nuit. "Mais si on permet la vente d’alcool jusqu’à 6 h dans les bars, ça va être la débauche", ajoute-t-il.
En comparaison, en Angleterre, la loi stipule qu’un établissement vendant de l’alcool peut ouvrir ses portes de 10 h à 23 h. Mais les bars peuvent demander ce qu’on appelle une late license, ou licence tardive, afin d’obtenir une prolongation des heures de vente. Mais ces extensions sont émises de manière très limitée, précise Melissa Taylor du Fabric, un des clubs les plus en vue de la capitale britannique. "Ça dépend de l’endroit où est situé le bar et de plusieurs autres facteurs, affirme-t-elle. En fait, nous-mêmes avons de la difficulté à comprendre la législation", ajoute-t-elle en riant. Mais ce club est privilégié, car on compte sur les doigts d’une main les bars londoniens possédant une licence d’alcool de 24 heures par jour. À Berlin, il n’y a pas d’heure où l’on ne peut pas vendre de boissons alcoolisées tandis qu’à Paris, les bars doivent fermer à 2 h. Par contre, bars et discothèques peuvent réclamer une permission auprès des forces policières afin d’étendre cette limite, ce que plusieurs font d’ailleurs. "Ici, au Batofar, nous possédons une dérogation à la loi grâce à une entente avec la préfecture de police, souligne Étienne Blanchot. Nous avons dû présenter un dossier complet en fonction de plusieurs points, dont le voisinage, avant d’obtenir cette dérogation. Mais en même temps, c’est loin d’être sûr que la police ne changera pas d’idée."
Et au Québec, un comité évalue la possibilité de simplifier toute la question des permis d’alcool. Il existe en effet des permis différents pour une terrasse, un restaurant, un bar, etc. Au fil des années, lois par-dessus lois sont venues s’ajouter dans la législation québécoise.
Pour justifier le règlement, le commandant Yves Riopelle de la section Moralité, alcool et stupéfiants du SPVM souligne simplement, à titre personnel, que cette loi est en place pour assurer la sécurité publique afin de ne pas déranger la population résidentielle. Mais c’est exactement la raison évoquée en Colombie-Britannique par le gouvernement afin d’élargir les heures d’ouverture. Le gouvernement vient d’y annoncer à la mi-août un changement de toute la réglementation à ce sujet. En plus d’une simplification des permis, à partir du 2 décembre prochain, les bars qui en auront fait la demande pourront ouvrir leurs portes jusqu’à 4 h du matin si les autorités locales approuvent leur demande. Et ceci afin que les autorités puissent se concentrer sur d’autres enjeux d’intérêt plus pressant comme la consommation chez les adolescents et la vente illégale, rapporte dans un communiqué le solliciteur général, Rich Coleman. "Par exemple, on voudrait que les gens quittent les bars de manière plus graduelle", explique Cyndy Steevenson du ministère de la Sécurité publique. De cette façon, il n’y aurait pas cohue à la sortie des bars, ce qui améliorerait la sécurité de tous.