![Redéfinition possible de l'échiquier politique : Est-ce la fin du PQ?](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/09/13780_1;1920x768.jpg)
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Redéfinition possible de l’échiquier politique : Est-ce la fin du PQ?
La surprenante percée de l’ADQ depuis le printemps masque peut-être un phénomène peu banal: le Parti québécois, qui a profondément marqué l’histoire récente du Québec, a vu fondre ses appuis sous la barre des 30% et pourrait ne récolter qu’une poignée de députés lors du prochain scrutin. Une époque révolue?
Denoncourt Frédéric
"Tout parti naissant devrait [avoir] une clause prévoyant qu’il disparaîtra au bout d’un certain temps. Une génération? Guère davantage (…)"
– René Lévesque, Attendez que je me rappelle…
À moins d’un revirement de situation, le paysage politique québécois se trouvera passablement bouleversé au cours de la prochaine année. Sur la foi des récents sondages, une lutte à trois est à prévoir lors des prochaines élections générales. Or, l’issue de ce scrutin pourrait signifier de profonds changements. Car l’engouement soudain de l’électorat pour l’ADQ a pour corollaire sa désaffection pour le PQ; la progression du parti de Mario Dumont se faisant pour l’essentiel dans les milieux francophones.
"Un réalignement politique semble clairement se dessiner et le PQ est en très mauvaise position. S’il perd l’opposition, les risques d’implosion seront grands, cela projettera l’image que c’est fini. La génération de boomers, qui a fondé le parti, pourrait décrocher", lance Pierre Drouilly, professeur au Département de sociologie de l’UQAM, spécialisé en comportement électoral et en sondages. "Avec 20 % des voix, le PQ ne ferait élire qu’une demi-douzaine de députés. Sous cette barre, il pourrait être rayé de la carte", poursuit-il. À l’élection de 1970, le PQ avait récolté 23 % des suffrages et fait élire sept députés.
Pour Guy Laforest, professeur au Département de science politique de l’Université Laval et sympathisant adéquiste avoué, les déconvenues actuelles du parti souverainiste prennent racine dans son refus d’assumer l’échec référendaire de 1995. L’arrivée de Bouchard aurait ainsi fait écran aux problèmes structurels du PQ, masquant ses divisions internes. "Le Québec est devenu un nain politique. En ce moment, il ne joue pas à la hauteur de son poids dans la fédération, il ne participe pas au dialogue canadien et prétend faire la souveraineté sans la faire. Lorsqu’on perd un référendum, on doit accepter d’en sortir affaibli. Le PQ a mis beaucoup l’accent sur le vecteur d’identité, mais a échoué sur celui de la liberté. Aujourd’hui, les gens qui ont fait leur deuil du projet souverainiste cherchent un autre véhicule."
Né à Montréal, où se trouvèrent ses assises traditionnelles, le PQ voit maintenant fondre constamment ses appuis dans cette région, souligne Guy Laforest, "et on ne peut être promis à un brillant avenir dans ce cas".
"Les deux grands moteurs qui ont favorisé la montée du PQ, le sentiment d’infériorité linguistique et la foi en l’action de l’État pour résoudre tous les maux, se sont estompés", analyse Jean-Herman Guay, professeur d’histoire et de science politique à l’Université de Sherbrooke, qui estime que l’ADQ est devenue une zone refuge entre les deux grands partis. "Dans un sens, le PQ est victime de ses succès, peut-être a-t-il rempli son mandat et mourra-t-il de ses victoires…"
Guy Bouthillier, président de la Société Saint-Jean-Baptiste, pose un autre diagnostic: ce sont ses échecs qui font le plus mal au PQ. "Le PQ n’a toujours pas atteint son objectif ultime et cela entraîne beaucoup de désillusion. On est dur avec ceux qui ne gagnent pas. Dans l’esprit de plusieurs, le PQ est un vaincu." Notre interlocuteur garde espoir en un revirement de situation et se réjouit des 40 % d’appuis à la cause souverainiste, "mais quatre ou cinq sièges aux prochaines élections générales signifieraient presque une disparition". Ainsi, Guy Bouthillier tient à lancer un avertissement aux souverainistes qui seraient tentés par l’ADQ. "Croyez-vous vraiment que ce parti est souverainiste? Attention: ne lâchez pas la proie pour l’ombre!"
Rien n’est joué, renchérit Réjean Pelletier, professeur au Département de science politique de l’Université Laval, qui rappelle qu’il n’y aura sans doute pas d’élections avant un an. "Ce qui bouleverse un peu les règles, c’est que la situation économique est plutôt bonne, mais que les électeurs boudent le gouvernement. Les gens semblent vraiment vouloir un changement." Si la situation persiste jusqu’aux prochaines élections générales et que le PQ se retrouve avec une poignée de députés, les appuis à l’option souverainiste seront déterminants dans les années qui suivront, poursuit Réjean Pelletier, "sinon ce sera un peu la fin de ce parti".
Si un certain désenchantement à l’égard de l’interventionnisme étatique prôné par le PQ peut expliquer en partie sa baisse dans la faveur populaire, la population n’est pas prête à effectuer un véritable virage à droite, dit Réjean Pelletier. "On avait annoncé la fin de la social-démocratie en Europe et elle est revenue. Ici, les gens lutteraient contre la disparition de beaucoup de programmes sociaux, le parti qui voudrait aller dans cette direction ferait face à une levée de boucliers."
Le parti d’une génération?
L’ADQ fait en ce moment le plein de votes francophones et projette une image de gagnant, les jeunes sont aussi très visibles dans ce parti où le chef a 32 ans. Aussi, des péquistes lorgnent en sa direction et certains font le saut. C’est le cas de Mathieu Santerre, ex-attaché politique de Bernard Landry, qui démissionna en juin et qui troqua sa carte du PQ pour celle du parti de Mario Dumont. "Le climat était devenu malsain au PQ et je ne m’y sentais plus à l’aise. La direction a imposé une vision de laquelle on ne peut déroger. Avec le temps, le réflexe démocratique au sein du parti s’est effrité, les possibilités de débats sur les grandes orientations sont absentes et je crois que ma perception est partagée par bien des gens à l’interne."
Le PQ aura-t-il été le parti d’une génération portée par de grands idéaux sociaux-démocrates et bercée par le rêve d’un siège aux Nations unies? "C’est assez clair, bien que ces idéaux ne soient pas tout à fait disparus", croit Réjean Pelletier. J.-H. Guay se fait encore plus convaincant. "Tout à fait. Contrairement au PLQ, qui est davantage un parti de gestion, le PQ est un parti d’idées. Or, une idée, c’est lourd à porter durant 30 ans. Au surplus, la classe militante du PQ est vieillissante et les jeunes d’ici ou d’ailleurs accordent moins d’importance à l’État national comme vecteur identitaire et s’intéressent davantage aux phénomènes globaux."
"Le PQ n’a pas su renouveler son discours. Les jeunes y sont encore peu nombreux, la moyenne d’âge des députés péquistes est élevée", soutient Pierre Drouilly.
"Aucune génération n’a le monopole de l’émancipation possible du Québec, comme l’ont cru Bernard Landry et Louise Beaudoin. On assiste aujourd’hui à une redéfinition de cette idée", ajoute Guy Laforest.
Un improbable ménage à trois
Si une récolte de six ou sept sièges par le PQ ne sanctionnerait pas sa mort automatique, cette marginalisation pourrait lui faire très mal. Historiquement, la lutte s’est toujours faite entre deux partis au Québec, les tiers partis se voyant éliminés, soutiennent nos interlocuteurs. "Notre système permet difficilement le multipartisme. Cela est possible au niveau fédéral à cause des problématiques régionales, mais ces dernières sont absentes au Québec", dit J.-H. Guay.
Selon Guy Laforest, et en dépit de sondages peu réjouissants également pour le PLQ, les règles font en sorte que celui-ci est le parti hégémonique au Québec, en raison de ses solides appuis dans les milieux anglophones et allophones. "À tous les 30 ou 40 ans, il y a un changement du deuxième parti. En 1936, l’entrée en scène de l’Union nationale a marqué la fin du Parti conservateur et la venue du PQ dans les années 70 a entraîné la mort de l’UN." Mais il n’est pas dit que la réforme en cours des institutions n’amènera pas des changements qui intégreraient une part de proportionnelle afin de faciliter la présence de plusieurs partis, ajoute Guy Laforest.
Pour Réjean Pelletier, le PQ pourrait être intéressé à accélérer le processus vers l’introduction de la représentation proportionnelle (RP) pour sauver les meubles. "Mais on peut être sûr que si le PQ voulait changer rapidement le mode de scrutin, les autres partis s’y opposeraient. Et l’ADQ, qui s’est toujours montrée favorable à la RP, qu’elle position adoptera-t-elle maintenant?"
Chose certaine, les prochaines élections générales seront fascinantes et leurs retombées pourraient être bénéfiques. "On pourrait avoir un gouvernement minoritaire et ce serait très positif pour notre démocratie en suscitant le débat et en accélérant peut-être la réforme des institutions", dit J.-H. Guay. "La culture politique se bouscule et il faut être très prudent. Dans les mois qui viennent, les partis devront y aller davantage en contenu", conclut Guy Laforest.