Fédération des hommes ou Secrétariat de la condition masculine? : Clubs de gars
Société

Fédération des hommes ou Secrétariat de la condition masculine? : Clubs de gars

Après une Fédération des hommes du Québec née en mai dernier, voilà que des groupes de défense des droits des hommes veulent créer un Secrétariat de la condition masculine. Les hommes s’organisent…

Claude Lachaîne, directeur de la Maison Père Enfant du Québec, un organisme qui vient en aide aux pères qui luttent pour obtenir la garde ou des droits de visite de leurs enfants, a longtemps été seul avec son discours. Aujourd’hui, celui-ci est partagé par plusieurs dans cette montée de la prise de parole des hommes que connaît le Québec.

M. Lachaîne estime en gros que les hommes sont victimes de discrimination dans le système judiciaire, privés de services dans le système de santé et stéréotypés dans les médias. Selon lui, la politique familiale québécoise ne tient pas compte de la place des gars dans la famille. "La politique familiale est une affaire de femmes, dit-il. Quand je vais aux commissions parlementaires à Québec, bien souvent je suis le seul homme à la table. On est entre femmes et on parle entre femmes." Pour M. Lachaîne, le temps est venu pour les hommes de se donner un porte-parole.

La naissance d’un mouvement politique de défense des hommes n’est pas facile. La Fédération des hommes du Québec (qui se veut le pendant masculin de la Fédération des femmes du Québec), fondée par M. Lachaîne et officiellement mise au monde au mois de mai 2002, est déjà paralysée par les guerres intestines entre les groupes qui veulent développer des services pour les hommes et les "masculinistes" qui veulent se battre pour la Cause avec un grand C comme Jean Piché de la Coalition pour la défense des droits des hommes du Québec. "Nous sommes une coalition de plusieurs groupes, et il y en a qui veulent diluer le discours pour obtenir des subventions, explique M. Piché. Nous, à la Coalition, nous n’offrons pas de services. Notre mandat est d’alerter le monde au sujet de la situation du Québec où le mouvement féministe est très fort et infiltré à tous les niveaux."

Le vice-président de la Coalition de défense des droits des hommes du Québec alterne systématiquement entre les observations raisonnables ("Il y a 80 centres d’aide pour les femmes battues au Québec et presque rien pour les hommes. Les hommes aussi ont besoin d’aide.") et d’autres observations douteuses ("Nous devons lutter pour contrecarrer la stratégie d’oppression des hommes au Québec et dans le monde.").

M. Lachaîne, lui, juge que la FHQ ne représente en fin de compte plus personne. Il travaille présentement à la mise sur pied d’un Secrétariat de la condition masculine du Québec qui aura comme priorité de faire pression sur le gouvernement pour que les hommes aient accès aux services de santé ou communautaires adéquats. Depuis qu’il a fondé la Maison Père Enfant, il a souvent eu à venir en aide à des hommes ayant des problèmes qui échappaient tout à fait au mandat de son organisme, mais qui n’avaient pas accès à d’autres ressources. Il arrive même que ce soit les CLSC qui lui réfèrent des cas de pères violents ou en dépression parce qu’ils ne savent tout simplement pas quoi faire avec.

"J’ai consulté le rapport annuel de la Régie régionale de la santé de Montréal-Centre et j’ai fait une comparaison. En 1998-1999, 53 groupes d’aide aux femmes se sont partagé neuf millions de dollars. La même année, les neuf groupes d’aide aux hommes de Montréal se sont partagé 23 000 dollars!"

Une autre priorité du Secrétariat sera la discrimination dont seraient victimes les hommes dans le système judiciaire. Dans le seul petit bureau de la Maison Père Enfant sur le boulevard Rosemont, 80 % des 22 000 demandes d’aide reçues à chaque année sont faites par des pères qui s’estiment illégalement privés d’accès auprès de leurs enfants. Une statistique qui a convaincu M. Lachaîne que le système entretient des préjugés contre les hommes.

M. Lachaîne n’a pas de statistiques pour prouver ce qu’il avance, mais il a des dizaines d’histoires. Les noms changent mais le scénario est toujours le même: Monsieur et Madame se disputent la garde des enfants. Madame appelle la police et dit que Monsieur la bat. Monsieur est arrêté et signe une promesse de garder la paix pour retrouver sa liberté. Les policiers font enquête et décident finalement que la plainte n’est pas fondée. Le rapport d’arrestation et la promesse de garder la paix refont cependant surface devant le juge qui doit décider qui obtiendra la garde des enfants, assurant pratiquement à Madame qu’elle obtiendra la garde. "C’est beaucoup trop facile de faire une fausse accusation de violence conjugale et il n’y a aucune conséquence pour la personne qui fait de fausses accusations."

"Dans la publicité et dans les téléromans, les hommes sont systématiquement représentés comme des tatas, des alcooliques, des violents, des joueurs ou des incapables. C’est très grave! Qu’on le veuille ou non, cette image est assimilée par les procureurs et les juges. Comment voulez-vous après ça convaincre le juge qui vient de voir la pub avec le gars incapable de faire une omelette aux échalotes que le père est apte à s’occuper de ses enfants?"

"Oh, on les traite bien mal, les pauvres hommes au Québec…" Le commentaire lancé avec ironie mais sans malice, j’en suis certain, par la porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, Julie Bégin, quand je lui apprends l’existence de la Fédération des hommes du Québec et du Secrétariat de la condition masculine, en dit gros sur le travail qui attend messieurs Lachaîne et Piché. Cela dit, la présidente de la FFQ n’est pas du tout insensible à leurs revendications. Vivian Barbeau partage même plusieurs de leurs opinions, notamment au sujet de la représentation des hommes dans la pub. "C’est de la pub sexiste qui s’adresse au plus petit dénominateur commun. Mais ce que j’ai à dire aux hommes, c’est que dès que nous, les femmes, on cesse de se plaindre des pubs sexistes envers les femmes, elles reviennent de plus belle. À eux de se battre, maintenant."

"Pour ce qui est des services pour les hommes en difficulté, nous n’avons pas de problème avec ça. Mais ils se réveillent maintenant et ils veulent la même chose que nous. Eh bien, qu’ils aillent en faire des manifestations! Nous, ça fait 30 ans qu’on se bat!"