Société

L’Action démagogique du Québec

Hier soir, le Canal Biographie diffusait une biographie de Vanna White, charmante hôtesse qui manipulait les accessoires de l’émission américaine Wheel of Fortune.

Amis, collègues et journalistes tentaient rétrospectivement de comprendre comment la plantureuse potiche qui ne prononçait que deux mots durant toute la durée du quiz télévisé devint une immense icône de la pop culture américaine. Évidemment, le premier des imbéciles soupçonnerait que son physique, tout en dents et en jambes, y faisait pour beaucoup. Mais paradoxalement, le silence de Vanna, qui la maintenant perpétuellement dans le monde de l’apparence, contribua à sa gloire. Elle pouvait être tout ce que l’on imaginait: la reine des pipes, la plus sérieuse des mères, une sainte… une folle ou tout son contraire.

Les meilleures choses ayant une fin, mon téléviseur m’entraîna vers le Téléjournal, où l’analogie entre Mario Dumont et la belle Vanna me frappa au premier chef.

Ah! Ah! Vous pensez que je vais vous parler de manque de substance et de silences volontaires? De cet immobilisme, de cette absence de parti pris sur lequel se fondent les grandes carrières? Méééééénooon.

Vous rêvez! Il ne s’agit que de dentitions comparées. Puisque Mario et Vanna ont tous les deux de l’espace entre les palettes et ce même petit sourire carnassier qui en dit long.

De toute manière, le reste n’intéresse à vrai dire personne.

Et ce n’est que parce que je tiens à faire mon devoir de bon citoyen que je précise: contrairement aux racontars, Mario Dumont a bel et bien un programme. D’ailleurs, il y a déjà ajouté deux grandes lignes: casser du fonctionnaire et ignorer la question nationale.

Au vu de ces ambitions, je propose un premier slogan de campagne: Avec Mario, fini la sécurité d’emploi.

Restons cyniques: bien sûr, nous avons tous vécu ces jours où, plaidant sa cause devant certains ministères, l’expression "pendu au téléphone" pourrait retrouver son sens premier.

Et donc, puisque indubitablement, à tort ou à raison, les deux tiers de la population du Québec pensent encore que, dans la fonction publique, on se pogne le beigne à l’année, admettons que Dumont a choisi là une position gagnante sur laquelle se prononcera une population qui souhaite tout sauf la même chose.

Mais moi, c’est le nouveau nihilisme de l’Action démocratique envers la question nationale qui m’excite terriblement.

Sur la tribune du Canadian Club de Toronto, lundi, Dumont, ex-membre de la coalition référendaire nationaliste de 95, a mentionné que l’ADQ ne "voyait pas la question nationale sur son radar". Et, suivant encore les voeux de citoyens écoeurés, il affirme ne plus vouloir afficher de parti pris. Le malheur, c’est qu’il en va de l’indépendance du Québec comme de la guerre au terrorisme de Bush. Ceux qui ne sont pas pour sont contre. Pourquoi? Parce que tenir ça mort, c’est, de facto, appuyer le statu quo, donc la situation actuelle. Et que, actuellement, que je sache, le Québec est une province fédérale. Je sais et je répète, l’affaire n’intéresse personne. Enfin, personne d’autre que le monde du pouvoir: les hommes d’affaires fédéralistes qui vont soutenir en bloc le programme bien à droite de l’ADQ qui a terriblement besoin d’argent. Et Jean Charest, qui a déjà débordé à gauche comme à droite du spectre politique, verra tant et si bien son soutien financier fondre, à moins d’en rajouter dans la surenchère vers le non-interventionnisme étatique et la privatisation. On ne reprochera pas à Mario Dumont de donner aux gens ce qu’ils veulent. C’est à force de grands principes déconnectés des réalités quotidiennes que les socialistes de France et d’Europe, pris dans un petit vent de panique soufflant depuis le World Trade Center, ont massivement perdu l’appui des populations.

Mais sur la question nationale dans laquelle Bernard Landry est piégé par ses propres militants, y a-t-il lieu de conclure que l’ADQ vient de virer son capot aussi discrètement qu’une pute dans la pénombre de l’isoloir? Absolument. Puisque qui ne dit mot consent.