Société

Le roi est mort

Le roi est mort, vive le roi.

Le jugement prononcé par la Cour du Québec contre André Arthur fait jaser.

Je me rappelle avoir entendu l’une des émissions en question où l’animateur présumait d’un trafic d’influence entre Daniel Johnson, son épouse et son ex-mari.

C’était à tout prendre de l’Arthur standard pas particulièrement baveux, et apparemment pas plus diffamatoire que bien d’autres insinuations éructées en ondes au cours des années sur le dos de la faune humaine et de la flore bactérienne du Québec.

Monsieur et madame Johnson ont réussi à démontrer que les allégations d’Arthur étaient sans fondement. La loi sanctionne des faits. L’animateur qui vous traite de fif, de communiste, de face lette, de pouilleux, de menteur, de vendu, d’hypocrite devant 200 000 auditeurs, lui s’en tire. Tout comme celui qui crie son envie de tirer des éditorialistes à la carabine passe go et collecte 200 dollars devant le CRTC. Bizarre…

Le juge a cru bon d’ajouter que les ex-employeurs d’André Arthur s’étaient comportés eux aussi de manière malveillante en encourageant des comportements outranciers pour faire de la cote d’écoute, comme le prouvent certaines clauses de leur police d’assurance.

Soyons sérieux, outre un certain nombre de curieux qui s’accumulent comme les passants devant la scène d’un accident, les amateurs de ce genre de radio sont majoritairement au poste parce qu’ils veulent que ça saigne du nez, que ça fasse mal comme à la WWF. Ils croient que ce n’est qu’en harcelant, en torturant sans distinction coupables et innocents qu’une espèce de vérité universelle ressortira… Et c’est ainsi que confondant les motivations de l’employeur et de l’employé, les auditeurs prennent les profiteurs pour des justiciers. Les marchands pour des prophètes, qui s’en vont combattre les forces obscures responsables de leur oppression: gouvernements, médias, fonctionnaires, patrons… Et tant qu’à faire, mafia homosexuelle, Juifs, Arabes, nègres et monoparentales. Ah! j’oubliais les Indiens bien en vogue ces temps-ci chez les gros épais du nord du Québec qui ont peur de se faire voler deux, trois bancs de neige, un ours brun et un stand de guedilles aux bleuets…

Et c’est depuis la nuit des temps le plus grand plaisir de la classe moyenne qui se soulage de sa médiocrité en écoutant ce fiel se déverser chaque matin avant d’aller se faire poser un sub-woofer extrême dans son char rouge de fin de semaine. Man.

Cela dit, vu sous cet angle, on pourrait poursuivre la réflexion en condamnant les clients qui ont acheté de la pub dans l’émission d’Arthur afin de profiter de sa cote d’écoute. Et peut-être aussi ses auditeurs qui ont écouté des décennies durant les grossièretés proférées par le méchant moustachu. À un dollar par tête de pipe, la facture serait vite effacée.

Ce serait une collecte pro-diffamation, déguisée en campagne de financement pour le bénéfice de la liberté d’expression.

Il y a fort à parier qu’à la suite de ce jugement, plusieurs profiteront de son quasi-silence, maintenant qu’il ne fait plus peur à personne, pour régler leurs comptes comme ils le méritent.

Mais André Arthur, sur les derniers milles, affichait une pratique qui n’était pas particulièrement plus incohérente que celle d’un J.E., par exemple, qui ne s’encombre pas de ménager les réputations. Parmi la boue qu’il brassait, il a même relevé quelques perles qui auraient mérité d’être fouillées par une presse parfois un peu snob. Et il faut admettre qu’il y avait parfois chez lui des arguments, sinon de l’expérience comme chez un vieux requin qui répète ses angles d’attaque.

Et de cela, la génération suivante, qui se contente de lancer des ordures ramassées au passage dans la première poubelle pour faire de la cote, sans articuler le moindre argument, n’en est même pas capable.

Une suggestion pour les victimes: au passage, allez voir chez les patrons de ces terroristes du micro, du côté de la police d’assurance… Il y en a qui ne vont pas s’ennuyer…