J’aime bien les raéliens. Ils comptent bien parmi les allumés les plus sympathiques entre toutes les sectes qui pullulent sur le continent.
Chez eux, pas d’accusations d’extorsion, d’interdiction de pratiquer comme chez les scientologues de France et d’Allemagne, de massacres comme à Jonestown, de mutilations comme chez Moïse, d’Inquisition comme chez Jean-Paul II, d’autodafé de femme sans dot comme chez Siva, de fatwah comme chez Mahomet…
Rien qu’une soucoupe volante en tôle gaufrée, parquée au fond d’une grange écolo construite en bottes de foin et, à la présidence de ce sélect club d’échangistes, le capitaine Cosmos, un rigolo qui fait de la course en tacot la fin de semaine sur les canaux de Saturne avec Yoda et R2D2
J’aime bien les raéliens parce que j’en ai rencontré cinq ou six. D’abord un type d’un certain âge qui a essayé de me révéler les secrets de son univers quand j’avais 20 ans. Malheureusement je revenais de subir les assauts d’une secte française de dangereux macaques présidée par Yvonne Trubert, authentique réincarnation de la Sainte Vierge qui vous harmonisait les boyaux en psalmodiant: Saaaatan, je te chasse!… Alors Raël, bof… La fusion de la croix nazie et de l’étoile juive dans sa symbolique saugrenue m’avait par ailleurs complètement flabergasté. (Ne m’appelez pas, oui, je sais que c’est aussi un symbole indien.)
Mais quelques années plus tard, les deux superbes blondes filles pétards affublées de la breloque bien voyante, je les aurais bien laissées me convertir en Popsicle pour un soir ou deux. Vous connaissez ces histoires de partouzes que l’on colporte…
On se dit abracadabrant mais quand on y songe, je ne suis pas sûr que de prétendre que nous avons été créés par des extraterrestres dans des éprouvettes roses et bleues soit bien plus délirant que toutes ces conneries que nous font gober les religions officielles: le paradis terrestre, Adam et Ève, Dieu derrière le buisson ardent, la résurrection, les histoires de pêche au poisson gros comme ça, le vin de dépanneur, le pain en tranches et les putes repenties au bord du puits et tous ces rites de païens. (Les quelques illuminés qui m’accusent de vouloir détruire le catholicisme n’aimeront pas.)
Bien sûr, tout cela, ce sont des paraboles, mais l’agent Glad et son club social donnent à l’insondable mystère du sens de la vie une explication bien plus, oserais-je dire, scientifique-que-d’autres. Et pas plus mal que l’animisme de nos amis autochtones qu’un Karl Sagan ou un Henri Laborit n’auraient peut-être pas totalement renié. Peut-être une météorite venue de l’espace transportant avec elle des enzymes… la vie et bla bla bla… voyez le genre.
Remarquez, c’était avant que le capitaine Cosmos troque sa fable pour les tout-petits – j’ai rencontré les extraterrefesses – contre quelques campagnes de provocation vaseuses et que ses disciples commencent à niaiser le monde.
D’abord Raël a fait le clone.
Rigolez. Mais lorsque l’on sait ce que les balbutiements de cette charmante révolution ont déjà comme conséquences sur les animaux, on rit jaune. Il a fallu des centaines de monstres difformes, des foetus de 30 livres qui faisaient éclater leur mère avant que Dolly ne vienne bêler placidement à la télévision. Des tripeux qui tentent de cloner des humains avec le cash de la secte! Imaginez! Bonjour la boucherie! De grâce, cher agent Glad céleste, vous qui voulez cloner propre propre propre, laissez ça aux scientifiques écossais. À ceux qui ont des moyens. De larges éviers pour évacuer à vau-l’eau les mottons sanglants et tripes informes qui grouillent encore…
Ensuite les disciples du capitaine Cosmos ont fait le pied de grue devant la sortie des classes afin de débaptiser notre belle jeunesse. Scandale! Après avoir demandé une injonction, la très ultra Commission des écoles (encore) catholiques de Montréal s’est félicitée que ses élèves bientôt en uniforme dans un Québec pré-fasciste ne réagissent pas à cette provocation.
Mais comment voulez-vous convaincre des enfants de renoncer à leur foi? À cette chose indicible qui les intéresse à peu près autant que les cours de flûte à bec? Déjà qu’entre musulmans, hindouistes, shintoïstes, confucianistes, les baptisés ne sont désormais plus légion. Comment céder ce que l’on ne possède pas? Et renoncer en échange de quoi? D’un papier? D’une soirée entre extraterrestres au club de quilles de Beauport? Allons! Les enfants de nos jours ne croient pas bien longtemps aux contes de fées.
Comparé à un autodafé par quelque grenouille de bénitier qui ne sait pas que la Cour suprême des USA refuse de statuer sur l’illégalité des séances de brûlage de croix réclamées par le Ku Klux Klan, l’acte avait effectivement quelque chose de sordide et de scandaleux. Dans la galaxie Alpha-Dumoron, ne vous a-t-on pas appris, fiers raéliens, que toute bonne campagne d’adhésion se bâtit avant tout sur les forces de la marque, la qualité du produit?
Pour faire du recrutement, avec papi Rothmans ou Joe Camel, ç’aurait été une autre paire de manches. Mais Raël? Ce petit barbu semi-chauve avec sa queue de cheval et sa combinaison ringarde? C’est à peu près aussi branché que le pape pour un ado.
Heille Raël, man, tu le sais peut-être pas mais l’odyssée de l’espace, c’tait en 2001.