![Fonctionnaires : The Fonctionnaires Witch Project](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/08/14343_1;1920x768.jpg)
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Fonctionnaires : The Fonctionnaires Witch Project
Eu égard au vif succès remporté par les Val-Bélair Witch Project 1 et 2 de Mononc’ Serge, publiés dans ce même spécial au cours des deux dernières années, nous voici de retour avec un nouveau conte d’Halloween bien nocif, signé cette fois MONONC’ D. Toujours chic et de bon goût.
Mononc' D
Mon nom ne vous dira rien. Vous ne voulez même pas le savoir…
Bon, d’accord! Je me nomme Guy Bouchard. Vous ne me trouverez pas dans l’annuaire. Nous sommes 62. D’ailleurs moi-même pour m’y retrouver, j’utilise le pseudonyme professionnel de Guy S. Bouchard.
S pour Sherlock, évidemment…
Vous l’aurez compris, je suis détective. Un détective bien particulier. Légendariste et diplômé d’ethno-folklo-tricotologie de l’université Harmonium de Chapais, je suis toujours entre deux valises, car lorsque survient une rencontre du troisième type entre quelques citoyens et une créature mystérieuse, identifiable ou mythique, c’est moi que le gouvernement du Parti québécois dépêche sur les lieux pour élucider le mystère et parfois même effacer les traces…
Bêtes étranges, Grand Six-pieds, Géant Beaupré, dragon de Poénégamook ou pédophiles de la Bonne-Chanson, armé du dictionnaire de Léandre Bergeron et des oeuvres de Félix-Antoine Savard, je tente de discerner le vrai du faux dans les témoignages des ivrognes du canton.
C’est moi, par exemple, qui ai élucidé le terrible mystère du monstre de la Beauce. Cette créature au pelage de vison pouilleux, qui égarait délibérément les visiteurs cherchant le casino de Charlevoix, n’était en fait qu’une ex-femme de ménage de Saint-Bernard connue sous le nom de la veuve Dugas. Depuis l’accident des Éboulements, la folle, postée au coin de la route 63, baragouinait sans cesse la formule magique: Faquela tuvir stadwoit juska pramir lumiere, avant de s’enfuir en hurlant: Pas d’break! Pas d’break!
C’est encore moi qui, en 92, ai élucidé le mystère de Johnny Bras-forts, fantôme de l’auberge de jeunesse de Tadoussac. Un lieu maudit où les touristes français noyés ne remontent dormir qu’à reculons, comme dans les oeuvres de Rimbaud.
C’est moi aussi qui ai lavé (sic) de tout blâme l’usine Alex Couture et la Daishowa en démasquant Sylvio, le borgne ivre de Pontbriand dont l’infecte collection de vieux bols de toilette roses empestait tout le canton.
Je terminais une difficile enquête sur les déments du Magasin Général de la côte de la Fabrique. Ces morts vivants qui nuit et jour jouent des cuillères, et mon enquête sur Karl, le vampire suceur de fonds de pension chez Vidéotron n’avançait pas.
Désoeuvré que j’étais, l’ennui me ramenait maintenant vers mes vieux vices: jouer du violon, sniffer de la cocaïne et me tailler la pipe.
D’ailleurs, un soir où je me turlutais gaillardement de la main gauche devant un portrait de la lieutenant-gouverneur du Québec, on frappa subitement à ma porte du 24, Burger Street.
Rangeant mon bas blanc, j’ouvris et, sans un coup de vent, s’introduisit alors un quatuor d’étranges visiteurs parmi lesquels je crus reconnaître les féroces conseillers spirituels du nationalisme québécois que sont Paul Piché et Guy Chevrette, ainsi que les sénateurs DJ Serge Joyal et DJ André Ouellet, deux cabalistes revenus des enfers qui faisaient tourner les tables en invoquant le saint nom de Pierre Elliot Trudeau sur les ondes de Radio-Canada, le dimanche, durant Christiane Charette.
Laissant de côté la partisanerie traditionnelle, ils venaient me consulter, dirent-ils, dans l’intérêt de la nation!
On m’apprit donc que depuis deux semaines une mystérieuse entité ectoplasmique semait la terreur en plein coeur de la fonction publique. À moi d’enquêter, de démasquer, de contrer l’effluve maudit. De rendre cet esprit malfaisant au néant qui le nourrit. J’acceptai l’énorme défi avec enthousiasme. En effet, quoi de plus méritoire que le service de la patrie!
Lorsque j’arrivai sur les lieux, une tension palpable (tout comme une odeur de déodorant cheap) flottait dans l’air confiné du complexe G.
Partout, à chaque étage, des individus se traînaient les pieds tels des damnés sans but et sans avenir… Les canisses de Centraide étaient vides. D’étranges grincements de dents, provenant des ascenseurs, déchiraient l’harmonie des ronflements. Les conversations de corridors ne traitaient plus de sexe mais de permanence… en permanence. Je vis par la fenêtre du 13e des dizaines et des dizaines de fonctionnaires faisant la file pour retirer leurs points Air Miles de la Caisse populaire. Ciel!
Une vision dantesque m’attendait aux étages supérieurs. De hauts fonctionnaires déchiraient les hypothèques de leurs chalets et leurs billets de première classe vers le Costa Rica! Une démente en tailleur Chanel brûlait les trois bulletins du Séminaire de Québec des enfants! Enfer!
Pris de terreur devant un tel renoncement, je gagnai les sous-sols. Une rapide visite du stationnement gratuit m’apprit qu’en ce jour gris de novembre plusieurs cadres – jadis dynamiques – avaient laissé leur deuxième char à la maison au profit du transport en commun! C’en était trop! Notre bonne société de consommation s’effondrait.
Débordant vers les vieux murs, la crise se faisait sentir jusque dans le rayon de la lingerie cochonne taille 16 chez Simons. Les ventes de bordeaux italiens (sic) baissaient dangereusement à la SAQ de l’avenue Cartier et, chez Sillons, on s’était résolu à vendre courageusement Cindy et le dernier Céline Dion! C’est dire si nos fonctionnaires avaient perdu la foi… Bref, la crise contaminait insidieusement toute la ville…
Au fait de toute la vie politique (car je lisais Le Sommeil, gratuit tous les jeudis à l’université, chaque dimanche), j’en conclus rapidement que ces manifestations de terreur pouvaient être causées par les derniers sondages favorisant Mario Dumont. En effet, comme vous le savez, le Sécateur de Rivière-du-Loup avait promis de sabrer dans la fonction publique.
Afin d’exorciser les 26 étages de l’édifice, j’entrepris de diffuser Gens du pays, le cri de ralliement du Modèle québécois sur un vieux phonographe qui tournait à reculons comme la patrie elle-même. Dès les premières exclamations de cette sonorité suave, l’édifice trembla sur ces bases en beuglant. Pour faire bonne mesure, j’y ajoutai, au bénéfice des jeunes vierges en chaleur, un hurlement angélique d’Éric Lapointe, extrait de la compilation du lait Cayer.
Un flot d’ondes positives traversa l’édifice tandis que plantes, bureaux, classeurs et secrétaires en string se déplacèrent miraculeusement selon un aménagement très feng shui. C’est alors que, à ma plus grande terreur, des formes étranges et très brillantes se mirent à ramper le long des murs du rez-de-chaussée devant les yeux ébahis des agents de sécurité tandis que des dizaines de tablettés libérés de leurs entraves politiques fuyaient vers la terrasse du Cosmos.
Aveuglé, j’entraperçus, enlacés dans une grande vallée de larmes, le père Gédéon, Lise Payette, Camille Laurin et la belle Pauline Julien.
Puis subitement une odeur de tabac froid emplit l’air et m’apparut distinctement un petit homme chauve en bermuda et chemise hawaiienne entouré de danseuses exotiques qui l’aspergeaient de pétales de rose. Non, ce n’était pas Krishna, le Mahareshi Yogi, le dernier des Don Juan Catelli ou Robert Gillet au Carol.
Ah! Malheur! Je compris immédiatement! Je m’étais trompé. Dumont n’était que le bouc émissaire, le bras vengeur inconscient dans cette effroyable affaire.
Cette apparition, la cause de tout ce cirque, je l’avais devant moi. C’était le fantôme de René Lévesque qui se vengeait du "Non" des fonctionnaires de Québec lors du vote référendaire de 80.
Délaissant là mon professionnalisme "réputatif" et mon "impartialibilité proverbieuse", je courus vite me confesser à la basilique afin d’expier devant le sacré coeur et la fleur de lys. Car dans mon métier, on ne peut être coupable et partie à la fois. Oui, je l’avoue! Je suis coupable d’avoir moi aussi douté jadis de l’immortalité de nos prophètes, afin d’épargner l’emploi de mon beau-frère responsable des chaussettes sales de Sheila Copps à Ottawa.
Au moment de mon troisième Ave Maria, j’entendis l’édifice s’effondrer et au fond de la basilique la voix distinctive de Mgr Couture s’écrier: "Mon Dieu, c’est Ozanna Bin Laden! Les musulmans arrivent! Sauvez l’argent de la quête du journal Voir!"
Ensuite, je perdis conscience. On tenta bien de m’emmener à l’urgence, mais elles étaient toutes fermées… car depuis une semaine la saison de golf avait débuté…
Comment résister à un tel choc? J’ai depuis quitté la profession. Après 1000 jours de tête-à-tête avec une prise de 220 volts qui me souriait comme dans les pubs d’Hydro-Québec, après autant de nuits à ne pas pouvoir me gratter lorsque le cul me pique, je ne dus mon salut qu’à la surfacturation des médecins dans les hôpitaux.
Si j’ai désormais l’âme plus légère, c’est que mon existence a un nouveau sens depuis que je me suis reconverti dans le petit commerce.
Je suis gérant chez Second Cup. Hahahahahahahahahaha!