![Émile Ollivier, 1940 – 2002 D'exil et de mémoire](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/08/14602_1;1920x768.jpg)
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Émile Ollivier, 1940 – 2002 D’exil et de mémoire
Betty Achard
Photo : Josée Lambert
"Ethnologue de moi-même, je suis parti à la recherche d’images fondatrices, taraudé par le désir lancinant de comprendre cette vie que je vivais." Cette phrase épigraphe, extraite de son roman Mille Eaux, aujourd’hui, Émile Ollivier ne la renierait pas. Ce grand homme de lettres et pédagogue, né à Port-au-Prince, en Haïti, le 19 février 1940, chantre de l’âme noire et poète de l’exil, avait émigré au Québec en 1965. Il n’a, depuis, cessé de nous charmer par ses romans, ses nouvelles, ses essais.
Émile Ollivier, votre silence était souvent promesse de vie; et, puisqu’il advient qu’il se transforme en signal de mort, on éprouve le désir de le déchirer et de crier; on souhaite que retentisse et nous enveloppe le son d’une conque marine qui viendrait assourdir notre peine.
Émile Ollivier, nous nous étions fixé un rendez-vous. C’était le 2 décembre 2001, et vous êtes venu, simplement, généreusement, vous asseoir à notre table pour nous parler de votre oeuvre, de l’exil, de votre "enfance vive, celle de l’enfant qui regardait, devinait, supputait, attendait…". Et nous, membres d’un modeste club de lecture, nous étions là, à nous laisser bercer par votre voix grave et chaude; porter par vos paroles musicales et fluides, généreuses et inspirées; griser par ces images d’une grande beauté lyrique qui vous venaient tout naturellement. Nous étions suspendus à vos lèvres, accrochés à votre regard profond, attentif et serein; et vos réponses nous illuminaient. Moments précieux que l’on aurait voulu voir s’étendre et durer, encore et encore, et se renouveler.
Une année à peine est passée, et voici qu’en ce 10 novembre – alors que nous n’avons pas vu s’atténuer la lumière de l’été ni s’installer la grisaille de l’automne -, vous concluez une paix définitive, une paix qui nous laisse, nous qui vous aimons, dans une bien "amère solitude" à la veille de ce jour du Souvenir.
Pour la femme noire immigrante que je suis, vous êtes et resterez, Émile Ollivier, un modèle, un homme de classe, un grand humaniste empreint d’une exceptionnelle humanité; un artiste, véritable ciseleur de ces mots dont la mission, disiez-vous, était de nous apprendre à vivre.
"Les livres sont des bateaux, et les mots, leur équipage." Que les vents vous soient propices et douce, la traversée! Notre mémoire, elle, sera sans frontières.