Promise Keepers : L'homme qui a vu l'homme qui a vu Dieu
Société

Promise Keepers : L’homme qui a vu l’homme qui a vu Dieu

Promise Keepers: mouvement chrétien pour hommes seulement qui fait un malheur aux États-Unis. En prônant la pureté de l’âme et des moeurs, Promise Keepers invite les hommes à reprendre leurs "responsabilités" au sein de la famille. Une simple bande de Ned Flanders ou la montée d’un mouvement de droite catholique hyperconservateur?

L’histoire de Ed

Ed Grigorcic est un bon père de famille. Il y a quatre ans, il a donné son coeur à Dieu lors d’une conférence Promise Keepers à London (Ontario). Avant son illumination, Ed accumulait les jobines et avait l’impression que sa vie n’avait pas de sens réel: "J’étais à la recherche de quelque chose. Ce que j’ai entendu et ce que j’ai dit à la conférence Promise Keepers ont eu un très gros impact sur ma personne. Ce jour-là, j’ai reçu Dieu dans ma vie." Aujourd’hui, Ed est responsable de la conférence nationale canadienne Promise Keepers, qui se tiendra les 15 et 16 novembre à la Cathédrale Queensway, à Toronto. Cette année, ce sera le plus gros rassemblement Promise Keepers au Canada: 4000 hommes sont attendus. Mais attention, ce n’est pas d’une messe dont on parle. "Dans une messe catholique, dit Ed, on se remémore solennellement la crucifixion du Christ. Lors d’un rassemblement Promise Keepers, on célèbre joyeusement sa Résurrection." Au menu: musique, prières, conférences interactives: un get together du Bon Dieu.

Fondé en 1990 par un ex-entraîneur de football de l’Université du Colorado, Promise Keepers se différencie des autres mouvements chrétiens: c’est le plus important et il ne s’adresse qu’aux mâles. N’importe quel homme peut se joindre aux activités du regroupement, quelle que soit sa religion. Ceux qui adhèrent à la philosophie des Promise Keepers respectent sept promesses de base, d’où le nom. En gros, un promise keeper doit honorer Jésus dans sa vie de tous les jours, entretenir des relations serrées avec d’autres hommes pour l’aider à garder ses "promesses", chercher la pureté morale, sexuelle et sociale, et bâtir des mariages forts à travers l’amour, la protection et les enseignements bibliques. Chez les Promise Keepers, on prône le respect des valeurs du mariage et on encourage la chasteté chez les jeunes.

En 12 ans d’existence, 4,8 millions d’hommes ont participé à des rassemblements Promise Keepers, tenus dans des stades sportifs ou des cathédrales un peu partout en Amérique du Nord. En 1997, ils ont d’ailleurs organisé le plus grand rassemblement religieux de l’histoire des États-Unis: 1 million d’hommes ont participé, à Washington, à une assemblée sacrée de pénitence et de prière. Au Québec, les adeptes de Promise Keepers doivent souvent se rendre en Ontario pour participer aux rencontres puisque le mouvement n’a pas encore d’assises solides chez nous.

Recruter chez les jeunes
Le mouvement Promise Keepers n’attire pas que des pères de famille. On essaie maintenant d’intéresser une nouvelle génération de jeunes chrétiens. Début novembre, des milliers d’ados se sont retrouvés à Anaheim, en Californie, pour une conférence "extrême" de deux jours. Parmi les activités proposées: musique pop, cascades à vélo et discours religieux pour garçons de 13 à 18 ans. Dans le communiqué de l’événement, le président et fondateur de Promise Keepers, Bill McCartney, pense que ce genre d’événement a le potentiel pour devenir le projet le plus important de son organisation: "C’est notre opportunité d’aider à forger les décisions des jeunes hommes alors qu’ils transitent vers l’âge adulte."

Selon le président du bureau sur les sectes et les religions (Vigie-Sectes), Michel Martin, le mouvement Promise Keepers n’a rien d’une secte religieuse, puisqu’il ne se coupe pas des valeurs chrétiennes (comme les mormons ou les témoins de Jéhovah). Aussi pasteur à Granby et aumônier militaire, M. Martin avait d’ailleurs comme projet d’inviter les Promise Keepers à son église. Il est d’accord avec les idéaux du mouvement, notamment en ce qui concerne les relations homme-femme: "L’homme a été créé plus fort physiquement pour être capable de travailler pour la femme et pour la protéger. Une femme qui est traitée ainsi n’a aucun problème à suivre la direction que le couple prend."

Le théologien Jean-François Roussel s’intéresse aux questions de religion et de masculinité. Selon lui, "le problème que les Promise Keepers soulèvent est une sorte de perte des devoirs des hommes dans la société. Pour eux, la solution est de retourner à des valeurs traditionnelles, au temps où l’homme savait où était sa place." Les textes bibliques, selon M. Roussel, sont une bonne façon d’aider les hommes à retrouver leur place: "La Bible est le réservoir des grandes symboliques qui vont nous rassurer: un homme, c’est un patriarche, un chef de clan, etc. Mais il y a un modèle de société dans la Bible qui, même si on voulait y retourner, ne serait plus possible. Dans la Bible, on parlait d’une société agraire, une société de l’Antiquité. Maintenant, on vit dans un monde postindustriel, qui n’est plus du tout le même. On ne peut pas prendre des recettes tirées de quelque chose qui a été écrit il y a 2000 ans et les appliquer tel quel à notre société."

Papa a raison?
Les Promise Keepers invitent les hommes à reprendre leur rôle de père pourvoyeur et de chef de famille. Des valeurs que certains qualifient de rétrogrades puisqu’elles relèguent la femme à un rôle secondaire de "bobonne à la maison". Les mouvements féministes, en particulier, s’insurgent contre l’idéologie Promise Keepers. Aux États-Unis, la National Organisation for Women (NOW) a publié une série de mythes et réalités concernant les positions adoptées par les Promise Keepers. On soutient, entre autres, que le mouvement est contre l’égalité des sexes. "Lorsque les Promise Keepers disent qu’ils veulent prendre leurs responsabilités, ils veulent dire prendre le contrôle. Les Promise Keepers demandent aux femmes de se soumettre à leurs maris", peut-on lire sur le site Internet de NOW.

Mais il n’y a pas que les féministes pour critiquer les Promise Keepers. À New York, le Center for Democratic Studies [www.cdsresearch.org] a mis sur pied le projet PK Watch. L’objectif du projet est de surveiller les efforts organisés par les Promise Keepers pour opprimer les droits des femmes ou encore menacer l’égalité des races. D’ailleurs, un des problèmes que soulève PK Watch est le concept de "réconciliation raciale", un des thèmes importants du mouvement Promise Keepers. Comme l’écrit le membre de PK Watch David Love, dans un article paru dans Emerge Magazine (avril 1997): "Le concept de la réconciliation est très différent de celui de l’égalité ou de la justice. Si deux individus se réconcilient, cela ne signifie pas qu’ils ont tous les deux ce qu’ils veulent. Un esclave et son maître peuvent se réconcilier, mais cela ne change pas nécessairement leur relation."

D’autres détails scabreux font ombrage à la lumière divine des Promise Keepers. Par exemple, le fondateur du mouvement aurait affirmé publiquement que l’homosexualité est "une abomination au Dieu Tout-Puissant" en plus d’avoir été conférencier pour Operation Rescue, regroupement chrétien qui milite contre l’avortement. Notons aussi qu’à leurs débuts, les Promise Keepers ont reçu le soutien financier de Focus on the Family, mouvement chrétien qui trouve que la droite républicaine est trop modérée…

Toutes ces critiques ne semblent pas ébranler le mouvement Promise Keepers, qui capitalise plus que jamais sur la fibre religieuse des Américains, surtout à la suite des attentats du 11 septembre. En réponse à la mauvaise presse que reçoit fréquemment son organisation, le promise keeper Ed Grigorcic plaide l’innocence: "Nous ne sommes pas anti-quoi que ce soit. Nous sommes seulement pro-Jésus et pro-Bible." Ainsi soit-il.