Dog attitude : Toutou ou rien
Société

Dog attitude : Toutou ou rien

Grands designers, bijoutiers de luxe, hôteliers haut de gamme comptent désormais Fido parmi leur clientèle cible. Zoom sur la Dog attitude et l’une de ses plus ferventes adeptes. Excentricité ou délire à l’état pur?

Dog is God

Le meilleur ami de l’homme est également devenu celui des fabricants de produits de luxe. Tous ont en effet répondu à l’appel de la Dog attitude qui sévit depuis quelques années. Médor est vénéré par des maîtres qui n’hésitent pas à se priver et à dépenser une fortune pour son bien-être. Spas, salons de massage, dog-sitters, taxis canins, etc., les entreprises spécialisées dans les pitous poussent comme des champignons.

Du côté des designers, la Dog fever a aussi fait des émules. De la laisse Hermès (190,56 $US) au fourre-toutou en alligator d’Asprey & Garrard (19 000 $CAN), en passant par l’ensemble en cuir noir de Gucci (134,16 $US) ou par les petits pulls et duffle-coats Burberry’s (182,94 $US et 2362,96 $US), pas un créateur n’a oublié les toutous dans ses dernières collections. Même la déjantée Vivienne Westwood, le dépouillé Issey Miyake et l’avant-gardiste Ozwald Boateng s’y sont mis.

Bichonner son bichon
Rachelle Moisan, propriétaire d’Issa, un charmant bichon maltais, illustre parfaitement cette nouvelle vague. Attachée à son chien comme à la prunelle de ses yeux, la Québécoise possède "toute la collection Dog Generation: laisse, harnais, sacs…" Pas un produit ne manque à l’appel. Si elle dépense sans compter – Mme Moisan fait faire des bijoux sur mesure à son chien chez Zimmerman -, c’est certes par amour pour Issa, mais il s’agit aussi d’un petit caprice personnel.

"J’ai bien conscience que le chien n’a pas besoin d’un collier en diamants pour être heureux. J’avoue que c’est aussi pour me faire plaisir que je fais ces achats. J’ai l’impression de retomber en enfance. Enfant unique, j’ai toujours préféré jouer avec mon chien plutôt qu’avec mes poupées." La petite boule de poil blanc sera en tout cas sacrément bien habillée cet hiver puisqu’un manteau, "fait à partir des plus belles fourrures par Yves Boulanger de chez Denys tailleur en fourrure inc.", lui sera livré par le père Noël.

Le cas d’Issa est loin d’être isolé. Plus de 115 millions de chiens de compagnie vivent dans le monde, dont 68 millions aux États-Unis et un peu plus de 800 000 au Québec. Près de 62 % d’entre eux reçoivent un cadeau à Noël. Au Canada, les propriétaires canins dépensent en moyenne 570 $ par année pour Bijou. Sachant que le marché mondial pèse au bas mot 52 milliards $US, il faudrait être fou pour ne pas sauter sur l’occasion afin de faire prospérer son entreprise.

Extravagance ou tendance
Malgré la multiplication des offres, cette tendance qui frôle l’extravagance aurait pu rester de l’ordre du confidentiel, le marché de ces accessoires restant une niche destinée au jet set. C’était sans compter sur les fabricants d’aliments canins qui n’ont pas hésité à importer ce mouvement chic du côté de la grande distribution.

Si la nourriture pour animaux domestiques a longtemps été constituée d’une immonde pâtée peu ragoûtante et malodorante, les choses ont bien changé. Rex et Pupuce sont devenus de véritables gastronomes à quatre pattes. Il n’y a qu’à feuilleter le premier numéro de Moderndog, un magazine publié en Colombie-Britannique, pour comprendre le poids économique de la Dog connection. Les publicités y sont toutes plus attirantes les unes que les autres. On mangerait d’ailleurs volontiers de ce poulet en sauce ou de ces biscuits biologiques (http://www.k9biscuit.com/canada.htm) le soir du réveillon.

Iams, premier fabriquant nord-américain, met l’accent sur des produits équilibrés "enrichis d’huiles de poisson riches" ou de glucosamine. Quant aux aliments MAX, ils "sont composés de poulet et d’agneau de grande qualité et sans produits chimiques, les mêmes que ceux que vous mangez dans votre famille", selon le fabricant. Le message passe très bien auprès de la clientèle qui n’hésite plus à débourser 120 dollars pour 15 kg de croquettes si celles-ci permettent à Fido de produire moins de crottes, de ne pas perdre ses poils, de maigrir ou encore de ne plus puer de la gueule. L’industrie canadienne de la fabrication de repas pour chiens et chats ne s’est jamais aussi bien portée. Elle a ainsi progressé de 62,5 % en 10 ans (de 1990 à 1999), passant de 320 à 520 millions $, selon Statistique Canada.

Non seulement Tobby mange bien, mais en plus il se rend fréquemment dans un salon de beauté pour rafraîchir sa coupe de poils. S’il ne peut pas toujours aller chez Marie Poirier (84, boulevard des Batignolles, 75017 Paris), styliste pour chiens et grande prêtresse de la coupe au carré pour yorkshires, il fréquente en revanche assidûment les centres de toilettage classiques. "Nous sommes encore loin de la période des Fêtes et pourtant il n’y a pas un seul trou dans l’agenda du salon que fréquente Issa", remarque ainsi Rachelle Moisan.

Dans ce domaine aussi, le luxe est devenu un argument de vente. À l’exemple du Dog Spa & Hotel de New York, situé sur la 18e Rue à Manhattan, on voit apparaître de plus en plus de garderies avec des services sur mesure: pédicure, massage, aromathérapie, acupuncture et homéopathie. Le marché est si florissant qu’un deuxième établissement vient d’ouvrir ses portes sur la 25e Rue (www.dogspa.com).

Les hôtels s’y mettent aussi. À Québec, le Loews Le Concorde propose ainsi un programme d’accueil pour les saucissons à pattes avec repas spécial décalage horaire et dog-sitter. Mais le nec plus ultra reste sans doute le Ritz-Canine, 40e Rue à New York, où pour 250 $US, le chien dormira dans une suite présidentielle avec magnétoscope, solarium et jardin.

Les biens et services destinés aux toutous connaissent un essor sans précédent partout en Amérique. Il n’y a qu’à observer les rayons de livres consacrés aux animaux dans les librairies ou le nombre de sites Internet traitant du sujet pour en saisir l’importance. On peut dès lors se demander si les chiens ne sont pas devenus une sorte de passe-temps pour une classe sans enfants et plutôt fortunée.

Rachelle et Gilles Moisan en sont une belle illustration. Ils ont acquis leur premier bichon maltais en 1978, après avoir appris qu’ils ne pourraient jamais avoir de descendance. "Certains peuvent trouver mon attitude étrange, confie Rachelle Moisan, mais si on observe les chiens et que l’on se documente, alors on est vite passionné. Je considère qu’Issa n’a pas demandé à venir ici et nous en avons la responsabilité. Je l’aime énormément, cette petite bête. Il y a sûrement un transfert de l’affection que j’aurais portée à des enfants si j’avais pu en avoir."

Selon Stanley Coren, docteur en psychologie et professeur à l’Université de Colombie-Britannique, les chiens ont toujours été dorlotés par leurs maîtres. "Les pharaons dormaient avec eux et les empereurs chinois les couvraient de colliers en diamants." Mais il estime que leur statut a régressé au fil des ans puisqu’ils sont aujourd’hui traités comme des bébés alors qu’auparavant on se servait d’eux pour leurs qualités et leur force. Aujourd’hui, 70 % des gens parlent de Fido comme s’il était un enfant dont ils se considèrent les parents. D’ailleurs, d’après Stanley Coren, les chiens ont l’intelligence d’un bébé de deux ans (The Intelligence of Dogs). Pas étonnant dès lors qu’ils soient si attachants. D’autant qu’il est désormais possible de leur parler. Coren a en effet écrit un guide pratique, Comment parler chien, dans lequel on apprend que "youa-ouah-wouah" signifie "super". Youa-ouah-wouah!

www.frenchtoutou.com: Pour connaître l’horoscope de votre chien ainsi que la personnalité associée à son prénom.

Quelle vie de chien!
Jusqu’au 19 octobre

Au Musée de la civilisation
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Comment parler chien
de Stanley Corne
Payot
2001, 354 pages