Nouvelles menaces : Terreur de vacances
Société

Nouvelles menaces : Terreur de vacances

Entrons-nous dans l’ère de l’insécurité? Doit-on craindre Saddam Hussein? Le Canada est-il destiné à abandonner sa souveraineté et son identité pour plaire aux États-Unis? Nous avons posé ces questions à CHARLES-PHILIPPE DAVID, directeur en congé sabbatique de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Titulaire d’une bourse Full Bright, il est cette année professeur invité à l’Université américaine de Duke. Il signait récemment l’ouvrage collectif Repenser la sécurité  (Fides).

"Je ne suis pas Nostradamus, mais je ne crois pas que nous traversions une crise passagère. Dans quelques années on parlera encore du 11 septembre 2001 comme d’un tournant dans l’histoire de la sécurité internationale. Pourquoi y a-t-il insécurité? Parce que personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas d’autres attentats qui sont tout à fait possibles.

"Pour être aux États-Unis, je peux vous dire qu’il y a un fort sentiment d’anxiété. La crise du sniper l’a encore démontré, on a essayé de faire des liens avec le terrorisme international, c’est fou ça. En conséquence, les dépenses qui seront consenties d’ici 2007 au budget de défense et de sécurité américain sont colossales et avoisineront 40 ou 50 % des dépenses totales de défense dans le monde!

"La doctrine de la préemption vient changer considérablement les données stratégiques et autorise aux yeux de l’administration américaine des frappes stratégiques contre une appréhension de menace. Le cas de l’Irak est patent alors qu’on essaie de le lier à Al-Quaïda. Saddam Hussein a tué les extrémistes et, à mon avis, il a toutes les raisons pour haïr autant que les Américains un régime fanatique. Or, on est en train de lui donner l’idée de s’allier à Al-Quaïda s’il est attaqué… Je ne crois pas que Hussein utilise des armes atomiques contre les Américains d’ici un an, on devrait attendre avant d’agir et laisser le temps aux inspecteurs de faire leur travail correctement. Cela a pris quatre ans et la défection du neveu de Hussein avant qu’on soit au courant, en 1995, des choses les plus graves comme les armes biologiques.

"Malheureusement, il y aura beaucoup de récupération et de surenchère comme au temps de la guerre froide alors qu’au nom de la lutte contre le communisme, on a fait un tas de choses exagérées et répressives. Il y a un ressac depuis l’annonce de la création du Département de la sécurité intérieure. Actuellement, il y a un programme au Pentagone pour colliger toutes les informations disponibles sur les réseaux cybernétiques, les cartes de crédit et créer un fichier central qui permette de faire un plus un plus un quand il y a des pommes pourries. Mais le public est averti et il y a un paquet d’articles dans les médias qui mettent en garde contre la violation des droits et libertés. Ici, nos droits et libertés sont bien protégés et je ne crois pas que notre agence de renseignements fasse du travail illégal.

"Si on doit préserver notre identité et notre souveraineté, et je ne crois pas qu’on soit en voie de les perdre, le problème touche l’ensemble de l’Amérique du Nord et on doit s’intégrer sur le plan sécuritaire et militaire. La création du Commandement du Nord, qui entraîne la sanctuarisation de la défense nord-américaine, élargit les mandats de coopération avec les Américains des espaces aériens jusqu’aux côtes maritimes.

"C’est sûr que, dans les faits, les relations sont plus dures avec les États-Unis. Il est évident qu’il y a des irritants en ce qui a trait aux frontières et que, sur le plan diplomatique, les relations ne sont pas au mieux. Ils sont convaincus qu’on n’investit pas assez dans notre armée. Mais nous sommes trop précieux l’un à l’autre pour que ces irritants nuisent vraiment aux relations entre les deux pays. Notre priorité devra être de faire valoir notre point de vue sur une base multilatérale."