![Virage à droite : L'internationale](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/08/14967_1;1920x768.jpg)
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Virage à droite : L’internationale
Il est de bon ton, en ces temps de mondialisation, de déplorer l’apathie et le cynisme des citoyens face à la chose publique. L’auteur canadien et mari de la gouverneure générale, JOHN R. SAUL, n’en croit rien et livre un plaidoyer pour la participation citoyenne, rejetant au passage le discours de l’économie triomphante.
Denoncourt Frédéric
Photo : Jock Fistick/reporters/Corbis/SABA
"Depuis une dizaine d’années, l’argument dominant dit que les États-nations sont dépassés par des pouvoirs plus grands et des événements inévitables qui vont les mettre de côté. On parle des énormes forces économiques globales et on n’arrête pas de dire que les transnationales sont plus fortes que les gouvernements nationaux. Que la technologie rend dérisoire le pouvoir des gouvernements de mettre en place les réglementations.
"Si vous êtes un citoyen qui ne se contente pas de faire le geste facile de voter, mais qui sait que le vrai pouvoir en démocratie c’est le pouvoir de participer aux débats publics pour donner une direction à la société, et qu’on vous dit que ce n’est pas la peine parce que le pouvoir est ailleurs, eh bien là on crée de l’insécurité chez vous. Mais je ne crois pas qu’il y ait pour autant un désengagement des citoyens; ils sont plutôt frustrés. Parce que depuis 150 ans, les gens d’ici ont pris l’habitude d’avoir de plus en plus de pouvoir politique, et subitement on leur dit au nom du progrès: "Allez-y, faites de l’argent et partez en vacances, parce que le pouvoir du citoyen, c’est fini." Or, je vais souvent dans les écoles et les universités rencontrer les jeunes de 15 à 30 ans, qui sont très intéressants; ils n’ont pas peur et cherchent comment s’engager.
"Ceux qui disent que les citoyens sont apathiques sont les mêmes qui disent que les citoyens n’ont pas de pouvoir. La montée des organisations non gouvernementales est une des conséquences de l’argument simpliste du déclin de l’État-nation. Si on leur dit qu’ils n’ont plus de pouvoir en représentation politique, les citoyens vont agir et créer d’autres systèmes de pouvoir. Aujourd’hui, ceux qui disent que l’État-nation est mort disent aussi: pourquoi y a-t-il autant d’ONG?
"Notre société s’est construite depuis 1840 sur l’équilibre entre le public et le privé. Si on est toujours à la recherche d’un équilibre en tant que citoyen, il y aura toujours des gens qui voudront pousser dans une seule direction. Il y a également des gens qui aimeraient que les citoyens paniquent pour que cela favorise la montée d’un engagement de réaction plutôt que d’action, car la peur fait réagir. Le nationalisme négatif en Europe en est un exemple. Ici, tous les jours on titre: "Crise, crise, crise". Mais cette peur ne se reflète pas dans les bureaux et les universités. Le devoir du citoyen en temps de crise est de rester calme. Il y a toujours péril en démocratie, vous vous levez chaque matin et si vous avez la liberté d’expression, ce n’est pas parce que c’est écrit dans la loi, mais parce que vous l’utilisez. L’individu doit exister en double, en étant à la fois celui qui reçoit des services et celui qui est engagé, agressif, qui dit non et qui demande des changements."