Législation sur les sectes? : Le clone est triste
Société

Législation sur les sectes? : Le clone est triste

Les Raëliens s’enorgueillissent d’avoir réussi un exploit, mais ils risquent surtout de se retrouver pour de bon dans le collimateur de la justice. Les autorités américaines et sud-coréennes ont déjà indiqué qu’elles accentueraient leur pression sur le groupe, afin de mettre au jour toute activité illégale. Et ici?

Question: Nos lois sont-elles assez sévères afin de surveiller et prévenir les activités criminelles de certaines sectes?

"Il n’y a pas de définition de secte en droit. Après la tragédie de la secte de Jim Jones en Guyane en 1978, l’Ontario a mis sur pied une grosse commission d’enquête sur les sectes qui n’a abouti à rien; on conclura que le cadre législatif en place était suffisant pour prévenir les crimes", avance Pauline Côté, professeure à l’Université Laval et spécialiste des religions.

"Si, pour définir une secte, on prend les critères d’un groupe fermé sur lui-même, manipulateur, avec un leader exerçant un contrôle absolu sur ses membres, les groupes catholiques cloîtrés s’en rapprochent bien plus que les Raëliens où le contrôle est très diffus à l’interne et alors qu’ils ne se rencontrent que quatre ou cinq fois l’an. Le leader le plus intraitable à ce titre était sans doute Mère Teresa", renchérit Alain Bouchard, professeur au Cégep de Sainte-Foy, qui étudie le mouvement raëlien depuis 15 ans.

N’empêche, au milieu des années 90, la tragédie de l’Ordre du temple solaire engendra elle aussi de vives réactions et fut à l’origine de nombreux rapports parlementaires. La France, pour une fois, a accouché d’une loi très sévère sur le sujet. Le 12 juin 2001 était promulguée la loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Le mouvement raëlien international figura alors sur la liste des 172 sectes considérées comme dangereuses et menaçant les droits de l’homme en France. Des peines de trois ans de prison et 2 500 000 francs d’amende étaient prévus pour ceux reconnus coupables "d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de situation de faiblesse". "La portée de cette loi était très large et il y eut de vives contestations. On prévoyait aussi la dissolution judiciaire de groupes ou personnes morales portant atteinte aux droits de l’homme ou aux libertés fondamentales; c’était très arbitraire et impraticable. La loi est donc restée mais ne fut jamais appliquée à la demande du Tribunal de Strasbourg, ajoute Pauline Côté. Après la tragédie de l’Ordre du temple solaire, on a essayé de notre côté de définir les sectes comme des groupements religieux nuisibles, mais on est resté avec le régime de droit général", poursuit-elle.

Ainsi, l’air semble plus respirable ici pour de nombreux mouvements. "Le Québec est reconnu comme un endroit très fertile pour l’émergence de différents mouvements. Il n’y a pas de loi qui s’applique directement aux phénomènes de sectes", assure Mike Kropveld, de Info-sectes.

"Les Raëliens sont présents au Québec depuis la fin des années 70 et Raël vit ici en permanence. Le Québec est sûrement l’endroit dans le monde où il y a le plus de Raëliens au prorata avec 4 à 5000 personnes liées de près ou de loin au mouvement", continue Alain Bouchard.

"C’est très facile pour tout groupe de s’établir ici, et ce l’est encore plus aux États-Unis. Cela est le reflet de la liberté d’association en général dans les pays de tradition britannique. En Europe continentale, des lois touchent plus spécifiquement aux religions. Ici, tous les groupes ne sont reconnus que comme associations charitables au regard de la loi; il n’y a pas de loi sur les religions, la religion est une auto-dénomination", ajoute Pauline Côté.

Sommes-nous assez vigilants? "On n’a pas plus de problème qu’ailleurs. Les Raëliens sont plus à l’aise pour opérer ici, mais pas pour commettre des crimes. Si les Raëliens brisent la loi, j’espère qu’ils seront poursuivis", conclut madame Côté.