L'option nucléaire : B-61? Bingo!
Société

L’option nucléaire : B-61?  Bingo!

Le croiriez-vous? Profitant des tensions internationales provoquées par le terrorisme et de ses velléités d’envahir l’Irak, l’administration américaine a remis au goût du jour une vieille terreur disparue: la bombe atomique. Voyage au coeur de l’arsenal de destruction massive des USA.

Si l’on se fie à un sondage publié dans un quotidien récemment, six Américains sur dix croient qu’il serait approprié de lancer une attaque nucléaire contre l’Irak. Et le président désire avoir la possibilité d’utiliser préventivement des bombes H dans la guerre contre la terreur. Quelle serait la meilleure arme pour lancer l’Armageddon contre le Boucher de Bagdad et aux quelques millions de personnes qui se tiendraient trop près de lui?

Étant donné que le Washington Post s’est prononcé pour la population au sujet du déploiement des bombes atomiques, il serait bien que les gens sachent que la bombe de prédilection serait la B-61 – une des armes cauchemardesques de l’armurerie thermonucléaire.

On prétend que cinquante d’entre elles attendent présentement à la base des Forces aériennes de Whiteman, au Missouri, prêtes à être utilisées par la flotte de bombardiers furtifs B-2 de l’armée américaine. Et puisque des abris de B-2 ont été construits sur l’île de Diego Garcia afin d’accommoder les bombardiers dans l’éventualité d’une guerre contre l’Irak, il n’est pas fou de présumer que quelques bombes B-61 les accompagneront jusqu’à la base aérienne britannique, située dans l’océan Indien.

Aussi connue par les intimes sous le nom de "bombe fouisseuse", la nouvelle édition de la B-61, appelée la Mk 11, a été développée expressément pour les tyrans gogos du tiers-monde. Ces derniers ont bien reçu le message, s’enterrant ainsi avec leurs supposées armes biologiques et chimiques dans leurs profondes cachettes souterraines.

Construite avec du métal solide afin de pulvériser le sol et le béton, la B-61 explose avec une force que l’on pourrait comparer à 340 000 tonnes de TNT. Ils en ont pour leur argent, littéralement deux bombes apocalyptiques en une – un pétard chargé au plutonium appelé le primary, et un deuxième à l’hydrogène, le secondary, pour obtenir cette bonne vieille boule de feu classique des bombes H.

La B-61 offre également une option appelée le Dial-a-Yield (Choisissez un rendement), idéale pour ces occasions où 340 kilotonnes sont plus qu’il n’en faut. Aux États-Unis, la bombe thermonucléaire (et ses fonctions sélectionnables) est devenue une sorte d’oeuvre d’art de l’ingénierie apocalyptique, un outil miracle dans l’armurerie des militaires, qui songent actuellement à la panoplie de moyens qui pourraient pulvériser et projeter dans la stratosphère la terre arable de la nation ennemie.

La technologie de la bombe B-61 et sa fabrication de masse durant la guerre froide font d’elle "possiblement l’arme nucléaire la plus polyvalente et abondante parmi les stocks des É.-U.", selon l’édition du Bulletin of Atomic Scientists paru en janvier dernier. Près de deux mille de ces armes font présentement partie de l’arsenal nucléaire américain. Ce chiffre peut facilement gêner le nombre dérisoirement inférieur de bombes atomiques que contiendraient actuellement les armureries du Pakistan (de 10 à 100), de l’Inde (approximativement de 20 à 100) ou de la Corée (possiblement une ou deux).

Pour vous donner une petite idée de la puissance totale de la B-61, précisons d’abord que les bombes atomiques de la Deuxième Guerre mondiale ont produit des boules de feu d’une envergure d’environ 730 mètres. Dix-sept fois plus puissante, une bombe B-61 lancée au-dessus de la pointe de Manhattan causerait probablement un anéantissement digne de ce nom, engloutissant la majeure partie du bourg, tout en invitant Brooklyn, Queens, ainsi qu’un bon morceau de Staten Island à faire de même.

Saddam a creusé, mais il ne pourra pas se cacher. Une bombe B-61 entraînera une calamité sans précédent entre le Tigre et l’Euphrate. La couleur du ciel adoptera une teinte "sac de pommes de terre", le monde arabe deviendra supernova, nos alliés européens accuseront nos leaders in absentia comme criminels de guerre à La Haye – mais bon, quiconque contemple l’utilisation de cette chose considère également que les États-Unis s’en sortiront un peu décoiffés.

Les docteurs Strangelove au sein de l’administration et des labos d’armes croient que les futures explosions de B-61 pourraient être retenues sous le sol et cette croyance a été la force motrice derrière le Robust Nuclear Earth Penetrator Program. Ce projet secret semble exister à des fins de rationalisation pseudo-scientifiques afin de justifier la première utilisation de bombes à hydrogène dans la destruction de la structure de commande des "Nations du mal". Cependant, les seules personnes qui croient ou encouragent cette théorie – que les détonations thermonucléaires peuvent devenir acceptables – sont payées et autorisées par le gouvernement.

George Smith est l’éditeur du Crypt Newsletter, une publication électronique portant sur la sécurité nationale. Il est également l’auteur de The Virus Creation Labs, un livre sur les origines des virus informatiques. Son travail a été publié dans le Village Voice, le Wall Street Journal et le Business Week On-line.