![Motoneiges et pollution : Débat motorisé](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/07/15500_1;1920x768.jpg)
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Motoneiges et pollution : Débat motorisé
Les débats autour de la motoneige ne sont pas près de tarir. Pour schématiser, il y a d’un côté les partisans amoureux des grands espaces ou de l’adrénaline que procure la pratique de ce sport, et de l’autre, les détracteurs pour lesquels l’engin est surtout synonyme de pollutions atmosphérique et sonore.
Yasmine Berthou
Or, il est un fait: le Québec mise sur cette industrie pour attirer les touristes – dès le mois de février, ceux-ci arrivent en masse pour vivre une expérience unique sans se soucier des conséquences éventuelles de celle-ci. En outre, la motoneige fait partie intégrante de la vie québécoise: les retombées économiques directes sont estimées à plus d’un milliard de dollars – Bombardier contrôle près de 30 % de la production mondiale avec 180 000 ski-doos par an et exporte 80 % de ceux-ci. Transports Canada estime enfin qu’il y a 700 000 motoneiges immatriculées au pays.
Dès lors, on peut s’interroger sur les véritables enjeux de la motoneige. Est-elle cette grande pollueuse que dénoncent les écologistes ou est-elle simplement un engin motorisé parmi tant d’autres qui profite à l’économie de la Belle Province?
Pour Marcel Dubé, secrétaire de la biosphère de la réserve de Charlevoix, il ne fait aucun doute que les motoneiges sont un problème. "Dans le parc des Hautes-Gorges de la rivière Malbaie, la piste longe la rivière. Elle constitue un obstacle entre les animaux et le point d’eau. De plus, le dépôt d’hydrocarbures sur le sol représente un danger pour la végétation. Or, aujourd’hui, les motoneigistes qui veulent rallier le Saguenay à Charlevoix n’ont pas d’autre choix que de passer par ce chemin. Les dépôts se font donc toujours aux mêmes endroits et à la fonte des neiges, les hydrocarbures plongent directement dans la rivière."
Pollueurs de nature
Si M. Dubé ne peut s’appuyer sur aucune étude canadienne, il a en revanche examiné un rapport établi dans le parc Yellowstone aux États-Unis. Dans cette étude appelée Les Préoccupations relatives à la qualité de l’air en raison de la conduite de motoneiges dans les parcs nationaux, publiée en février 2000, les analystes ont établi que 60 000 motoneiges fréquentaient le parc annuellement, déversant ainsi 2000 gallons d’huile et 100 000 gallons d’essence non brûlée dans l’environnement. Ils ont également montré que les toxines relâchées par les motoneiges pouvaient altérer la qualité de l’eau et des écosystèmes marins. En effet, selon eux, au printemps, les hydrocarbures et autres polluants enfermés dans la neige et dans la glace créent un choc acide au moment de leur déversement dans le cours d’eau. Il en résulterait un taux élevé de mortalité chez les insectes aquatiques et chez les amphibiens.
Pour vérifier la chose chez nous, Marcel Dubé a contacté des techniciens du Musée canadien de la nature d’Ottawa. "Venus examiner les rives, ils ont constaté qu’il y avait un moins grand nombre de coquilles de mollusques qu’avant", explique M. Dubé. Or, "sachant qu’il n’y a aucune exploitation humaine en amont, on peut légitimement penser que c’est une conséquence directe du passage des motoneigistes", précise-t-il. Un raccourci un peu rapide pour Jean-François Banville, ingénieur à la direction de la protection de l’environnement d’Environnement Canada. "Le choc acide ne provient pas que des motoneiges. Si on regarde la quantité des dépôts, ils viennent en grande partie du transport de grande distance, c’est-à-dire des voitures et des camions", estime-t-il.
Cependant, il reconnaît que les motoneiges à deux temps sont de gros pollueurs. "Il faut bien distinguer les moteurs deux temps des quatre temps. Alors que ces derniers sont comparables à ceux de voitures classiques, les moteurs deux temps rejettent autant de particules dans l’air en cinq heures qu’une automobile pendant 20 000 kilomètres."
Des chiffres que confirme Lori Fussell, de la Society of Automotive Engineers, qui a été la première à tirer la sonnette d’alarme. Elle a d’ailleurs créé un concours, le Clean Snowmobile Challenge, visant à réduire les émissions et le niveau sonore des motoneiges sans sacrifier leurs performances.
Fin de la suprématie
Si Jean-François Banville ne voit pas comment il serait possible d’enterrer le moteur à deux temps, il se réjouit en revanche de la fin de sa suprématie. "Nous sommes en train de mettre en place une réglementation qui s’appuiera sur ce qui est déjà prévu aux États-Unis. Nous envisageons une réduction de 50 % des émissions des motoneiges en 2010." Un grand pas en avant? Marcel Dubé en doute, car "en réduisant de 50 %, le Canada autorise encore un rejet trop important dans l’atmosphère et donc le problème n’est pas résolu", fait-il remarquer.
Bombardier n’a en tout cas pas perdu son temps pour se soumettre à la future réglementation puisqu’il propose déjà des moteurs à quatre temps ainsi que des moteurs à deux temps dits "propres". Marc Lacroix, directeur des communications des produits récréatifs, reconnaît sans peine que "la motoneige traditionnelle avec un moteur deux temps n’était pas un engin des plus propres". Il se dit donc "très fier des nouvelles technologies. Nous avons fait nos devoirs en améliorant le moteur deux temps qui conserve sa légèreté, consomme moins d’essence et est 50 % plus propre".
Exit donc l’idée d’une motoneige qui ne polluerait pas ou très peu puisque les moteurs deux temps dits "propres" recrachent encore, selon les calculs de M. Banville, autant qu’une voiture en un an en 10 petites heures. Si la plupart des motoneigistes se fichent de ces données, peut-être seront-ils intéressés à savoir qu’à Yellowstone, les chercheurs ont établi que les émissions de monoxyde de carbone provenant d’une motoneige étaient de 500 à 1000 fois supérieures à celles provenant d’une voiture. "Quand on sait que les motoneigistes se déplacent souvent en bande, ceux qui suivent sont donc directement exposés aux gaz de ceux qui les précédent", s’inquiète Marcel Dubé. Que penser alors des traîneaux dans lesquels s’installent les enfants?
Les oreilles aussi
On parle beaucoup de la pollution atmosphérique, mais il ne pas faut oublier la pollution sonore. Au Canada, la loi impose aux véhicules neufs de ne pas dépasser 78 décibels – à l’accélération et à une vingtaine de mètres du sentier. Sans casque, cette intensité peut entraîner des problèmes acoustiques graves. Marc Lacroix se félicite donc des nouveaux moteurs Bombardier dont le son ne dépasse pas les 76 décibels. Un progrès certes, mais encore faut-il que les "fanatiques" arrêtent de trafiquer leurs moteurs pour qu’ils soient les plus bruyants possible.
Pour plus d’information:
www.ccso-ccom.ca
www.unesco.com
www.sae.org
www.amvn.qc.ca/links.htm